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SC0LASTI01 E OCCIDENTALE, L’APOGÉE

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turc, Paris, 1921 (coll. Études de philosophie médiévale, t. 1 l.qui remplace la plupart des études antérieures mit ce sujet. Bonaventure n’a pas traité les problèmes phi losophiquos indépendamment de la théologie, mais les a abordés eu philosophe, soucieux de les expliquer par des principes de leur ordre, sans perdre de vue cependant l’ordre supérieur de la grâce : Le principal problème qui se posait de SOI ! temps est celui de la connaissance, inséparable d’un autre, non moins important pour un chrétien, celui des rapports de la raison et de la toi. L’aristotélisme précisément apportait une doctrine de la connaissance qui n’incluait aucune action de principes surnaturels. Saint Thomas lit sa part a cette philosophie naturaliste en distinguant avec soin les deux ordres de la nature et de la grâce, la raison et la foi. Saint Bonaventure jugeait dangereux une telle concession : il admit la distinction des deux ordres en principe, à titre de possibilité ; mais il la condamnait dans le fait comme une dérogation à la volonté de Dieu qui impose à l’homme l’ordre surnaturel. F. Cayré, « /' cit., t. ii, p. 502-503.

D’accord avec saint Thomas pour reconnaître à la raison un rôle d’explication par rapport aux vérités de la foi, Bonaventure s’en sépare donc sur le rôle que la raison doit avoir dans l’explication de la nature. Il ne nie pas la possibilité de ce rôle ; il en nie, pour le chrétien, la légitimité. Cf. É. Gilson, op. cit., p. 94114. Ainsi la philosophie prend chez Bonaventure une allure mystique prononcée. Toute sa scolastique est imprégnée de cette tendance : elle fixe, au XIII 1 siècle. l’augustinisme franciscain.

I.a thèse capitale de cette scolastique est Vexemplarisme divin, l’essence même de la métaphysique, comme dit É. Gilson, op. cit., p. 157. Cette thèse veut en partie exclure l’aristotélisme et surtout donner du monde uuexplication plus complète ; elle utilise les ressources de la raison et de la foi, en considérant les êtres créés, moins en eux-mêmes quc dans les idées divines qui en sont l’exemplaire. Cf. J.-M. Hissen, L’exemplarisme divin selon saint Bonaventure, Paris, 1929, dans Études (le philosophie médiévale, t. ix.

Il est impossible d’aborder, même rapidement, tous les aspects de la scolastique bonaventurienne : du moins doit-on indiquer ce qui en constitue, semblet d l' implication derniers l’illumination divine, contuilus, qui est tout d’abord une connaissance indirecte de I >ieu, fondée sur le concours divin spécial qui assure à notre connaissance des premiers principes une certitude nécessaire, mais qui est davantage encore, en tant qu’elle croit détendre, contre le thomisme naissant, le centre même de la vie spirituelle, en situant dans l’intuition des premiers principes une certitude divine. fondement de la foi elle même et de la certitude surnaturelle. Voir sur ce point Bissen et É. Gilson, complétant et corrigeant l’interprétation de M. De Wulf, op. cit., I. ii. p. 352.

Chez les dominicains, une scolastique néo platonisante se développe parallèlement au thomisme sans hostilité toutefois au thomisme naissant. On la rattache ordinairement a Albert le Grand, voir ci dessus, et surtoul a Guillaume de Moerbeke († 1286), avec les noms d’Hugues de Strasbourg {, 1268), d’Ulrich de Strasbourg (ï 1277 > et de Thierry de Fribourg. Cf. M. I >e Wulf. op. cit., t. ii. p. 1 13-117.

b) L’influence de saint Thomas s’exerce particuliè renient dans {'ordre de Saint Dominique. Elle se mani [este surtoul par la réaction qui se produisit dans les laineux correctoires dirigés contre le pseudo correc luire (corruptorium i de Guillaume de La Mare. Voir ciaprès. Les noms de Richard Clapwell, de JeanQuidôrt,

de Gilles de Lesslnes sont les plus connus parmi ces défenseurs de la scolastique thomiste. Cf. I'. Glorieux, Les premières polémiques thomistes : ï. L< Correctorium

corruptorii *Quare. Kain, 1027 :. Grabmann, Le Correctorium corruptorii du dominicain Johannes Quidort de Pons, dans Revue néo-scolastique, 1912, p. 104-418. Sur Jean Quidort, voir ici t. viii, col. 840841 ; sur Gilles de Lessines, voir M. De Wulf. op. cit.. t. il p. 43.

In thomisme sincère, mais hésitant, se retrouve dans le fondateur de l'école éuidicune. Gilles de Rome essaie de mettre d’accord la pensée de Thomas et d’Augustin : ce qui l’amène a des concessions regrettables aux adversaires de l’Aquiuate. Cf. K. erner, Der Augustinismus îles spûteren Mittelalters, Vienne, 1883, et ici t. vi, col. 1358 1365.

Plus mélangée encore se retrouve l’influence de saint Thomas chez Henri de Gand et Godefroy de Fontaines. Le premier s’attache, dans le répertoire scolastique, à quelques questions préférées… qu’il emprunte plus volontiers à la métaphysique et à la psychologie. On l’a appelé un augustùlien. Il est bien plutôt un péripateticien éclectique. Il reprend un bloc de théories en vogue dans l’ancienne scolastique, leur donne un tour propre et les adapte au reste de sa scolastique. Certaines théories thomistes l’ont vivement impressionné, par exemple l’unité des formes, et bien qu 'il ne partage pas toutes les vues du maître dominicain, il s’est abstenu de prendre position, dans les intrigues dirigées contre lui ». M. De Wulf, op. cit..

t. II, ]). Ô.") ")(i.

(iodefroid de Fontaines (f vers 1306), adversaire résolu des dominicains, fait un éloge superbe de saint Thomas philosophe. Toutefois son thomisme est éclectique et nuancé. Cf. M. De Wulf, op. cit., p. 52 ; Études sur… G. de Fontaines, Couvain, 1904 ; A. Pelzer, GodeJroid de Fontaines, dans Revue néo-scolastique, 1913.

C) L’opposition au thomisme fut lies vive vers 1270. Voir ici Augustimsml :, Ci. col. 2506-251 I. et A. d’Alès, art. Thomisme dans Dict. apol. de Ut foi calh., t. iv, col. 1675-1680. Sans former une école augustinienne k proprement parler, les premiers théologiens dominicains, avons-nous dit, avaient été des augusliniens au sens large. Cf. ici P. Mandonnet, art. FRÈRES frêCHEURS (La théologie dans l’ordre des), t. VI, col. 869871 : H. Martin. Quelques l’remiers » maîtres dominicains, dans licvuc des sciences phil. et théol., C ix, 1920, p. 556-580. L’université d’Oxford devait fournir Robert de Kilvvardby († 1279). archevêque de Cantorbéry (1272-1278), puis cardinal. A Paris, l'évêque Etienne Tempier condamnait, le 7 mars 1277. une vingtaine de propositions thomistes : quelques jours plus tard. Kihvardbv frappait une trentaine de propositions dont quelques-unes thomistes. Le successeur de Kihvardbv. le franciscain Peekam, disciple de saint Bonaventure, montra la même rigueur à l'égard de saint Thomas qu’il avait déjà combattu a Paris. Tout ceci n’est d’ailleurs qu’un épisode de la lutte cul entre les deux ordres, dominicain et franciscain, dans les écoles de théologie. Vers 1278, un autre disciple de saint Bonaventure, Guillaume de l.a Mare dressait son laineux catalogue d’erreurs thomistes dans le Correctorium que les dominicains qualifièrent ensuite de Corruptorium,

La canonisation de saint Thomas (1323) marque la lin de la grande offensive franciscaine contre la scolastique thomiste. L’acte d’Etienne rempier fut retire en 1324 par son successeur Etienne de Bourret. Mais l'école franciscaine garda sa direction.

7. Dans.S’enI. Le théologien de l’ordre qui a le

mieux incarné les tendances de la scolastique franciscaine depuis la fin du xiir siècle est Duns Scot.

scoi est l’initiateur d’une scolastique. Cette scolastique a éle exposée ici même, voir t. IV, col. 1865 Sq.,

et il suilit d’en rappeler les traits généraux d’après l'étude du P. É. Longpré, La philosophie du bienheureux