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SEMI-PÉLAGIENS. LE MILIEU MARSEILLAIS


mais bu contraire de multiples démérites, mérita mata. C’est quand elle a été donnée que commencent nos

mérites, mais ils commencent par elle. Si elle se retire (se subtraxerit). l’homme tombe et son libre arbitre ne saurait le relever, alors qu’au contraire c’est lui qui le fait tomber, non erectus sed pnecipitatus libero arbitrio. Ainsi il est Indispensable à l’homme, non seulement qu’impie il soit justifié par la grftce de Dieu, pour passer de l’impiété à la justice, mais encore pour quc, justifié par la foi qustificatus ex fide). il marche avec Dieu, par la « race, s’appuyant sur elle, de peur de tomber. N. 13, col. 889-89Ô.

Et après avoir rejeté le concept de la grftce extérieure telle que l’admettaient les pélagiens, Augustin de discuter le point qui, déjà touché par Yitalis, deviendra le pivot de tout le système semi-pélagien : ne pourrait-on pas dire que la foi, tout au moins, est l'œuvre du libre arbitre ? C’est là-contre qu’Augustin s'élève dans toute la seconde partit du traité. 29-46. Les textes scripturaires s’y accumulent pour montrer que c’est par Dieu que nous commençons à vouloir le bien : ut velimus SINE nobis operatur, cum autem volumus et sic vohimus ut jaciamus, nobiscum cooperatur ; ionien sine illo, vel opérante ut velimus, vel coop<rante cum volumus, ad bona pietatis opéra nihil valemus. N. 33.

3. Seconde re’ponse d’A ugustin : Le « De correptione et gratia ». — Dans sa lettre d’envoi, Epist., ccxv, t. xxxiii, col. 971, l'évêque d’Hippone avait recommandé le De gratia et libero arbitrio aux méditations de la communauté d’IIadrumète. L’abbé Valentin, dans sa réponse, put assurer à son correspondant que cette méditation avait ramené le calme. Epist., ccxvi, col. 974. Peut-être les renseignements oraux fournis à Augustin par le porteur de cette lettre étaient-ils moins optimistes : il restait à Hadrumète des hésitants, peut-être des contradicteurs. Augustin reprit la plume et, toujours à l’intention du monastère africain, composa un nouveau traité, le De correptione et gratia, P. L., t. xliv, col. 915-940. C’est au jugement de Noris la clef qui donne accès à toute la doctrine augustinienne sur la grâce divine et le libre arbitre.

Le titre ne laisse pas d'être un peu trompeur : De correptione, de la correction. Il semblerait indiquer que l’on y répond tout au long à une objection qui se faisait en des milieux monastiques : < Si notre volonté est gouvernée par la grâce au point que le dit Augustin, à quoi bon les exhortations, les réprimandes, voire les punitions dont on accable les coupables ? Si, en telle circonstance, ils ont mal agi, c’est que la grâce leur a fait défaut, il n’y a pas à les réprimander, mais à prier pour eux, afin qu’ils reçoivent la grâce de mieux faire. » Eternelle objection faite à toute doctrine qui voit d’abord l’action divine dans l’action humaine !

.Mais, seules, les premières pages du traité augustinien sont consacrées à ce petit problème qui est résolu d’une manière fort simple. L’ensemble du traité est avant tout l’exposé du système de la grâce : nature, action, distribution de celle-ci. Différente de l’auxilium donné a l’homme avant la chute et qui était la condition indispensable, sine qua non, pour que sa volonté se décidât par elle-même, la grâce de l’humanité déchue est un secours qui nous fait vouloir, sous l’influx duquel la volonté se décidera infailliblement, indeclinabiliter et insuperabililer, encore que librement, dans la direction que Dieu veut, cui volenti sulvurn facere nullum hominum resislit arbilrium. Aussi bien le libre arbitre est-il devenu, par la chute originelle, tellement serf du péché que, laissé à lui-même, il ne peut aller qu’au mal. Des lors Vauxilium quo (yràce de l’humanité déchue) doit accompagner indéfiniment l’action de l’homme ; la vitesse acquise, si l’on peut dire, ne lui suffit pas ; il faut que, sans cesse et jus qu’au bout, la force divine agisse sur lui ; d’où la ne cessité de la grâce de la persévérance.

Quant à la répartition de la grâce divine entre les hommes. Augustin met définitivement au point ses idées. Elles sont commandées par ses vues sur le péché originel, sans doute, mais plus encore par l’idée de la providence divine, dont rien ne saurait mettre en échec les desseins. Le péché originel ayant fait de toute l’humanité une massa damnationis, une conspersio damnata, Dieu pouvait, sans aucune injustice, laisser les hommes se précipiter tous vers leur perle éter nelle. En fait, il lui plaît, pour des raisons qui nous échappent, mais où la justice a sa part comme la miséricorde, d’opérer un tri dans cette masse. Le fait qu’il y laisse un certain nombre de créatures humaines — en quelle proportion, Augustin ne le dit pas — met en évidence sa justice. Son infinie miséricorde éclate au contraire dans le fait qu’il sort de cette masse un certain nombre d'élus qu’il prédestine, par un dessein antérieur à toute considération de mérite, à la félicité éternelle. Et il les y amène précisément en leur donnant Vauxilium quo (la grâce efficace par elle-même), et cela non pas seulement au début de leur conversion, mais tout le long de leur existence. Dès lors le fait d’avoir reçu la grâce initiale n’est pas suffisant. Parmi ceux qui ont été favorisés de ce premier secours, il en est qui, pour des raisons occultes, mais où la justice a sa part, ne reçoivent pas, au cours ultérieur de leur existence, le secours persévérant et efficace qui, seul, les empêcherait de retomber. C’est que, de fait, ils n’ont pas été vraiment sortis de la masse de damnation. D’autres, au rebours, reçoivent tout au long de leur vie cet auxilium quo, lequel ou les empêche de tomber, ou les relève s’ils tombent. Ainsi persévèrent-ils ; en leur volonté besogne la grâce qui finalement les amène à la gloire. Pourquoi tel ou tel a-t-il eu la seule grâce initiale ? Pourquoi tel ou tel autre a-t-il eu en plus la grâce de la persévérance ? C’est toujours le cas de répéter avec l’Apôtre : O altitudo. Mais cela ne doit pas empêcher de redire aussi que - ni la grâce initiale, ni celle de la persévérance ne sont des réponses de Dieu aux mérites de l’homme. Il suit encore que le nombre des prédestinés est un numerus clausus ne.quc augendus, neque minuendus, pas plus qu’il ne saurait être question de volonté salvifique universelle.

Ainsi prenait secontours définitifs la synthèse esquissée, trente ans plus tôt, dans la réponse à Simplicien. Les moines d’Hadrumète étaient-ils de force à l’assimiler, c’est une autre affaire. Peut-êlre s’inclinèrent-ils devant l’autorité d’Augustin. Mais, porte en d’autres milieux, où l’on avait davantage le souci de la pensée personnelle, le traité De correptione et gratin allait susciter une très vive opposition.

IL Les premières controverses dans le milieu marseillais. — S’il était un milieu où l’on se piquait de penser et de penser personnellement, c'était bien celui que formait l’abbaye de Saint-Victor de Marseille et les centres monastiques qui en dépendaient. C’est ici que la synthèse augustinienne va susciter les plus vives oppositions :

1° Le milieu marseillais : Cassien, — L’oracle de tout ce monde était pour lors Cassien, un Oriental par sa formation, instruit qu’il avait été dans les doctrines ascétiques par les moines de Palestine et d’Egypte. Fondateur de Saint -Victor, vers les années 115 et suivantes, il avait publié, depuis 120, de gros ouvr destinés a propager L’idéal monastique : le De cœnobioruin institutis vers 120, les Collationes en plusieurs fois, entre 120 et 129. Sur le mode didactique, le premier de ces ouvrages exposait ce qu'était la vie du moine, sa vie extérieure sans doute (I. l-IV), mais aussi sa ie Intérieure toute orientée vers la lutte contre les huit vires principaux (1. XII). rexte dans P. L., t. xux,