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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/151

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    1. SEMI-PÉLAGIENS##


SEMI-PÉLAGIENS. LES IDÉES DE CASSIEN

col. 53-47(> : Corpus de Vienne, t. wn. Sous la forme de dialogues censés tenus par l’auteur avec les maîtres de la vie monastique, les 24 Collaliones reprenaient le même thème, mais avec plus de souplesse et d’ingéniosité. Les nombreuses remarques, d’un tour souvent fort personnel, données comme résumant les expériences des virtuoses de l’ascétisme, convoyaient une doctrine d’ensemble, non pas seulement d’ordre pratique, mais encore d’ordre spéculatif. Texte, ibid., co. 477-1326 et dans Corpus de Vienne, t. mm. Ces vingt-quatre entretiens n’avaient pas été publiés en même temps. Les dix premiers avaient vu le jour peu après 120 ; la seconde série, XI-XVII, un peu avant 426, les sept derniers, XVIII-XXIV, datant de 428 au plus tard. Quoi qu’il en soit de ces précisions chronologiques, il faut noter que tout l’ensemble de cette littérature ascétique était composée avant l’apparition du De comptions et gratia d’Augustin. Mais Cassien avait certainement eu connaissance d’autres ouvrages du maître africain.

C’est autour de l’acquisition de la vertu que s'étaient émues, vers 410. les premières controverses entre le couple d’ascètes Pélage-Célestius et les évêques d’Afrique ou de Palestine. Les deux ascètes font de la perfection une conquête de l’homme sur ses passions, où n’entre guère en jeu que la seule volonté de l’homme, le secours divin n’y est représenté que parles dons généraux faits par Dieu à l’humanité : dons intérieurs, tels l’intelligence et le libre arbitre, dons extérieurs, tels les encouragements et les exemples fournis par la Loi et l'Évangile. Cette tendance « autarcique » tient essentiellement à ce que ces deux maîtres en ascétisme ne - réalisent » pas a sa valeur exacte la tare que le péché d’origine fait peser sur l’humanité.

Sur ces points essentiels, que pense cet autre maître d’ascétisme qu’est Cassien ? Il vaudrait la peine de le rechercher par voie analytique, en parcourant page par page ses traités. Du moins faut-il en relever les passages les plus saillants ; car un essai de synthèse, quand il s’agit d’une doctrine toute en nuances, comme est la sienne, risque de déformer sa pensée.

Les enseignements de Cassien.

1. Dans le « De

cœnobiorum institutis ». — C’est surtout à la lutte contre les « huit vices capitaux » qu’il faut s’arrêter, I. V-XII.

Dès l’introduction générale, t. V, c. i et ii, Cassien marque son dessein. C’est la lutte contre les spiritus nequitiæ, c’est-à-dire contre les passions, qui est le point de départ de la vie ascétique ; les caractériser, en chercher les causes, en découvrir les remèdes, telle est la première tâche. Et la première demande qu’il faille adresser à Dieu, c’est donc qu’il nous les fasse clairement découvrir. L. V. c. il.

Il y a peu à glaner au point de vue qui nous occupe dans le rcsle du I. Y. consacré à la lutte contre, la gourmandise, spiritus gastrimargiæ. Plus important est le I. VI, De spiritu fornicationis, cette passion étant le plus redoutable adversaire de la perfection. Sans doute quand il parle de l’instinct génésique, Cassien est-il beaucoup moins tragique qu’Augustin ; il ne laisse pas de reconnaître que la lutte contre lui est dure, continue, car cette maladie touche à la fois le corps et l'âme ; les moyens proprement humains n’en ont pas raison et il faut de toute nécessité que le secours divin Intervienne ; l'âme ne saurait vaincre, si elle n’est appuyée du secours et de la protection de Dieu. L. VI, c. v.

La théorie générale par quoi débute le I. VII, sur l’avarice, spiritus phylargiriss, distingue deux caté|..lies de passions : les unes sont naturelles, humanæ inserta natures ; elles devancent l’usage de la raison et le discernement même du bien et du mal. I. VII, c. ni ;

le reconnaître ce n’est pas Incriminer la nature, car ces mouvements ont leur utilité, qu’il s’agisse de l’instincl

génésique, de la colère, de la tristesse. Il est des vices au contraire qui sont contre nature, telles l’avarice, l’envie, qui se développent sans aucune occasion naturelle antécédente, et dont l’admission est d’autant plus blâmable. L. VII, c. v.

Rien de très spécial, bien que les remarques de fine psychologie y abondent, dans les développements consacrés à la colère, à la tristesse, à la tiédeur (acedia), à la vaine gloire. Mais le 1. XII et dernier sur l’esprit d’orgueil (spiritus superbile), permet quelques aperçus sur les vues doctrinales de l’auteur.

Ce vice, déclare-t-il, est bien le premier au point de vue du temps : lempore et origine primant, I. Xll, c iv : n’est-il pas le péché de Satan ? La faute de Lucifer (identifié ici avec l’ange déchu, par application d’Isaïe, c. xiv) a été de penser que les perfections dont l’avait orné la faveur gratuite (gratia) du Créateur, il les tenait de sa nature. De ce chef, comme s’il n’avait pas besoin, pour persévérer, du secours divin, il se jugea semblable à Dieu, puisque, comme Dieu, il n’avait besoin de personne. Se fiant à son libre arbitre (liberi arbitrii facultate confisus), il crut que, par lui, il se procurerait et la vertu parfaite et la pérennité de la béatitude. Cette seule pensée amena sa chute ; le voilà devenu instable dans la vertu, inslabilis et nutubundus, il connut par expérience l’infirmité de sa nature et perdit la béatitude dont il jouissait par un don de Dieu. Que cet exemple soit une leçon pour qui croirait pouvoir obtenir par ses seules forces la perfection et la béatitude. L. XII, c. x. Nul, quels quesoient ses efforts, ne peut avoir, étant données les luttes de la chair qui enrobe l’esprit, une force de volonté telle qu’il puisse atteindre la palme de l’intégrité, s’il n’est protégé par la miséricorde divine : quid habes quod non accepisti ? L. XII. c. x.

En sens contraire, l’exemple du bon larron montre bien toute la part de la miséricorde divine dans l'œuvre du salut. Ce brigand entre au paradis ob unam confessionem, et cette béatitude, il l’obtient non par les mérites de l’ensemble de sa vie, mais par la bonté de Dieu, qui accepte cette confession comme unecompensation suffisante. Ainsi encore de David, qui, pour un seul mot de repentir, uno pœnitudinis sermone, obtint le pardon de son double crime. Sa part de travail est hors de proportion avec la faveur reçue : ad talem indulgentiam non laboris xquiparassc mérita. La faveur divine a été surabondante, qui prenant occasion de ce repentir [dans la pensée de Cassien, nous le verrons, ce repentir est le fruit du seul libre arbitre], fait disparaître cette masse de péchés sous une confession expédiée en un seul mot. L. XII. c. xi. Et ceci n’est pas vrai seulement de ces cas particuliers : la vraie cause de la vocation et du salut de l’homme, c’est bien Dieu, en ce sens que la somme de la perfection n’est point le fait de celui qui veut et qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde et qui. sans qu’il y ait aucune proportion avec le. mérite de nos efforts, nous rend triomphants de nos vices iperfectionis somma non ralentis, Tieque currentis, sed miscrenlis est Dei, qui, nequaquam laborum vel cursus nostri mérita compensante, vitiorum nos fæit ess vicions. Ibid. Et comme il est dit un peu plus loin : Nunquam divinum munus labor proprius humanave compensabit industria. 1.. Xll,

e. i.

Cette doctrine, qui est bien celle des anciens, continue Cassien, ne rend point inutile l’effort humain : sans efforts personnels, il n’est point de perfection, mais sans la grâce de I >ieu, nul, non plus, ne peut, par ses efforts, mener cette perfection à terme. Aussi bien

la grâce est die donnée a ceux là seuls qui œuvrent cl se fatiguent, à ceux-là seuls qui veulent et qui courent.

Comme l’a promis le Sauveur, on donne a ceux qui

demandent, on ouvre à ceux qui frappent, mais cet