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5EMI-PÉLAGIENS. LES IDÉES DE CASSIEN

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effort fait pour demander, pour frapper est hors de toute proportion avec le résultat et. par ailleurs, la miséricorde divine est toute prête, n’attend que le moment où notre bonne volonté lui fournira l’occasion d’intervenir : Præsto est manque, oeeasione sibi tantummodo a nobis bonse votunlutis oblata. ad hœc omnia conferenda. L. XII. C xiv.

Cette intervention, pour laquelle il nous faut rendre grâces à Dieu, ce ne sont pas seulement les dons qu’il nous a faits en nous créant raisonnables et libres, en nous accordant le baptême, la connaissance de la Loi et de l'Évangile ; ce sont encore, les assistances personnelles et quotidiennes dont il nous favorise : coopération dans la lutte contre la chair, préservation de la chute dans le péché, illumination intérieure, remords secrets, châtiments salutaires, parfois même attirance invincible malgré nous vers le bien (quod ab eo nonnunquam iiwiti trahamur ad salutem >. somme toute, direction efficace imprimée à notre libre arbitre, lequel, porté naturellement aux vices, est remis sur le droit chemin par cette visite intérieure de Dieu. L. XII. c. xviii.

2. Les Collationes ». — Il nous paraît que les Collationes n’ajoutent pas grand’chose aux doctrines que nous venons d’entendre.

a) C’est ce qui est évident dans la collatio III, qui fait partie de la I re série : elle a pour sujet le triple renoncement qui est la base propre de la vie religieuse et même, à un degré moindre, de la vie simplement chrétienne. Au point de départ, un appel de Dieu ; provoqués par l’appel divin, nous accourons vers le chemin qui conduit au salut et c’est aussi sous la gouverne de Dieu que nous arrivons à la béatitude parfaite. Ainsi tout semble être de Dieu dans l’affaire du salut : son appel, son assistance, le couronnement enfin qu’il nous donne dans le ciel : quemadmodum, inspiratione Domini provocati ad viam saluiis accurrimus, ita eliam magisterio ipsius et illumalione deducti ad perfectionem beatitudinis pervenimus. Telle est la doctrine qu’expose l’abbé Paphnuce. Coll., III, c. x.

A quoi Germain, son interlocuteur, repart : u Mais où se trouve donc, en tout ce processus, la place pour notre libre arbitre, si c’est Dieu qui commence et consomme en nous tout ce qui se rapporte à notre perfection ? — Il est vrai, repart l’abbé Paphnuce. Mais il est un moment où seule opère notre volonté, c’est celui où elle donne sa réponse à l’appel divin. Il reste donc une part pour l’homme et son libre arbitre. C. xii. Sentant bien, néanmoins, que l’on pourrait lui faire le reproche de pélagianisme, le solitaire entame une longue diatribe sur l’infirmité de celui-ci. Aussi bien penchet-il plutôt du côté du mal, tant par l’ignorance du bien que par l’attirance des passions ; il faut donc que l’invincible recteur de l'âme humaine le retourne plus ou moins violemment vers la poursuite des vertus. Et toute la suite de ce développement, e. xii-xviii, montre bien que Paphnuce entend ne pactiser à aucun prix avec les théories autarciques de Pelage et de Célestius. Mais la préoccupation de ménager une place au libre arbitre réapparaît au c. xix : et toujours dans ce petit intervalle qui se situe entre l’appel divin d’une part, et de l’autre la réponse de l'âme qui engage celle-ci dans la bonne voie.

Mêmes préoccupations et mêmes hésitations aussi sur le pouvoir et l’impuissance du libre arbitre dans le~ Collationes IY-YI, où allleure, à diverses reprises, la question de la persévérance. A la Collatio VII, c. viii, un essai encore pour serrer d’un peu plus prés le problème de la liberté et de ses forces : les adversaires de notre vie morale peuvent bien nous troubler ; jamais ils ne peuvent nous contraindre : s’il y a cluL eux —, il s’agit surtout des démons — de multiples ressources pour nous inciter au mal. il reste chez nous

la force de les repousser, la liberté d’acquiescer ou non à leurs suggestions. Mais surtout nous avons la puissance que confère le secours divin et c’est beaucoup plus que lout ce qui peut s’armer contre nous, car Dieu n’est pas seulement celui qui suggère le bien, il en est le facteur, l’animateur : non tantum suggestor, sed etiam fautor atque impulsor, à telles enseignes que, parfois, malgré nous, malgré nos ignorances, il nous attire au salut : ita ut nonnunquam nos etiam invitos et ignorantes attrahat ad salutem.

b) De tout temps l’attention s’est portée sur la Collatio XIII, De protectione divina, qui fait partie de la deuxième série. C’est ici que Cassien semble avoir fait le plus d’efforts pour doser la part qui revient à l’homme, à côté de celle qui revient à Dieu, dans l'œuvre du salut. C’est par des retouches et des approximations successives qu’il pense y arriver.

A l’entretien précédent, le saint abbé Chérémon, qui avait parlé a ses interlocuteurs des moyens d’atteindre à la chasteté, avait fort insisté sur la nécessité toute spéciale, en ce domaine, d’une protection d’en haut. Aussi, Germain, compagnon de Cassien, reprenant la conversation le lendemain, demande avec une nouvelle insistance si pareille doctrine ne fait pas évanouir le mérite humain. Si Dieu commence, accomplit, consomme tout ce que nous faisons de bon, en fait de chasteté comme en tout autre domaine, où donc est la part de notre libre arbitre ? Pourtant l’expérience montre que cette faculté n’est pas sans force ; ne voyons-nous pas des païens, qui certes ne reçoivent pas le secours divin, pratiquer de réelles vertus, frugalité, patience et même chasteté? C’est donc que leur libre arbitre n’est pas si captif qu’on veut bien le dire. Coll., XIII, c. iv.

Chérémon essaie d’abord de repousser la preuve alléguée par Germain ; on sent néanmoins qu’il a été touché par l’objection. A pousser à bout les idées qu’il vient de développer sur la nécessité absolue et la parfaite gratuité de l’assistance divine, on aboutit à ces idées qu’Augustin — jamais nommé, mais sans doute visé — a mises en circulation, tant sur la distribution restreinte de la grâce, que sur le caractère irrésistible de celle-ci.

C’est contre quoi se cabre le bon abbé. « Dieu, dit-il, veut sauver tous les hommes et, quand il voit briller en nous la moindre étincelle de bonne volonté, il couve cette petite flamme et l’attise. Ceux qui périssent, c’est à rencontre de la volonté de Dieu. C. vu. La bonté divine est si grande à l’endroit de l’humanité, que nul refus ne la rebute, tel l’amoureux passionné que les froideurs de l’aimée ne font qu’en flammer davantage… Quand il voit en nous un début, si faible soit-il, de bonne volonté, il illumine aussitôt notre âme, la réconforte, l’excite au salut, donnant ainsi un accroissement à ce qu’il a planté lui-même ou à ce qu’il voit sortir de notre propre effort. » C. viii. Somme toute, si parfois l’homme peut par ses propres mouvements se tendre jusqu’au désir de la vertu, il a toujours besoin d'être aidé. Aussi bien, pour qu’il soit évidentque parfois la bonté même de notre nature — bienfait elle-même du Créateur — produit de soi le commencement de la bonne volonté, mais que ce commencement, s’il n’est dirigé par Dieu, ne peut aboutira la vertu consommée, l’Apôtre a-t il écrit : Le vouloir est a ma portée ; l’accomplissement parfait du bien je ne le trouve pas eu moi. C. ix, col. 919.

Et si l’on pose catégoriquement les questions : ( La grâce vient-elle à la suite de la manifestation de notre bonne volonté, ou précède-t-elle (en l’inspirant) celleci ? Esl ce parce que nous avons montré un début de bonne olouté que I)icu nous lait miséricorde (en nous donnant sa grâce).' Ou bien n’est ce pas parce que Dieu a pitié de nous qu’il nous donne ce commence-