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    1. SEMI-PÉLAGIENS##


SEMI-PÉLAGIENS. PROSPER l. RESCOUSSE D’AUGUSTIN

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III. PROSPEB LA RESCOUSS1 D’AUGUSTIN.

l u L’offensive de Prosper : la lettre à Rufin et le « Carmen de ingratis Pendant <j ne l'évêque d’Hippone

composait, à l’adresse du milieu marseillais, cette réponse qui voulait iHri' Irénique, Prosper, à Saint-Victor, ne demeurait pas inactif. Sa réplique aux accusa t ions des antiaugustiniens ce fut le Carmen de ingratis. OÙ, appelant la poésie au secours de La théologie, il essayait de confondre, en un millier d’hexamètres, les partisans larvés du pélagianisme ; ainsi qualifiait-il, non sans quelque injustice, les adversaires de l’augustinisme intégral. Texte dans p, /, ., t. li, col.. Il IN. Mais ce poème ne faisait que reprendre le thème qu’il avait développé un peu auparavant la date est difficile à préciser dans une longue épilre adressée à un certain Ru fin sur qui nous n’avons pas d’autres renseignements. Texte ibid., col. 77-90.

1. La lettre île Prosper à Hufin. Après avoir défini avec beaucoup d’exactitude le pélagianisme, d’après lequel la grâce de Dieu est distribuée selon les mérites de l’homme ». après avoir rappelé la part qu’a prise à sa condamnation le grand évêque africain. Prosper se plaint de la lutte sourde qu’ont entamée contre Augustin des gens qui se prétendent catholiques. Dans leurs Collationes ils combattent, sans oser le nommer. ce docteur à qui ils reprochent d’avoir écarté le libre arbitre, d’avoir prêché sous le nom de grâce une nécessité fatale, d’avoir réintroduit une sorte de manichéisme.

Eux-mêmes ont essayé d'échafauder une théorie, selon laquelle la grâce n’est pas nécessaire à tous les actes sans exception, ad omnes et singulos actus, de la vie surnaturelle. Et pourquoi ? C’est qu’ils craignent que la reconnaissance de cette nécessité ne les amène à admettre de surcroît la doctrine de la prédestination, selon laquelle ex omni numéro hominum… certus apud Deum defi.nitu.sque ait mimeras prsedestinati in vitam ulernam populi et secunilum propositum Dei voeantis electi. N. 12, col. 84.

Cette prédestination, s’ils la repoussent, c’est par suite de l’idée qu’ils se font de la volonté salvilique universelle « le Dieu. Et Prosper d’entamer, avec une verve inouïe, à laquelle l’ironie ne fait pas défaut, le procès de ce concept. <)ù est elle donc, s'écrie-t-il, cette volonté salvilique universelle que nous opposent des gens sans intelligence, où est-elle dans le cas des enfants morts avant l'âge de raison ? Pourquoi une partie d’entre eux est-elle baptisée et sauvée, et pas l’autre ? Où est-elle cette volonté quand, lors de l'évan gélisation, tels endroits, comme il est rapporté Ait., xvi, S, sont expressément interdits aux missionnaires « par celui qui veut sauver tous les hommes ? N. ii, col. 85. Faudra-t-il, pour résoudre le problème de l’inégale distribution de l'Évangile, dire que ç'auraient

été les volontés humaines qui auraient fait obstacle a la volonté divine, comme si Dieu était incapable de plier les volontés, même les plus rebelles ? Pour nous, nous croyons qu’un jour viendra où l'Évangile scia prêché partout, que tous les peuples l’entendront et que, parmi eux, croiron1 ions ceux qui ont été préordonnés a la vie éternelle, comme ce fut le cas. lors des mis sions de Paul, a Anlioche la Pisidienne. Cf. Art..

xiii, 18. N la prédestination n’est pas un vain mot.

Et ce n’est pas non plus un vain mot que la SOUVe raine efficacité de la grâce toute gratuite. C’est une ineptie de dire que, par cette grâce de Dieu, rien n’est

laissé au libre arbitre. Sans parler des petits enfants

sauvés malgré eux. sans parler des adultes convertis n/ extremis, considérons cette portion des lils de Dieu qui est réservée pour les œuvres de la piété. N’est il

pas vrai qu’en ev ci nous trouvons le libre arbitre.

qui loin d'être supprimé a pris une nouvelle vigueur, non peremplum sed renatum ? Quand il était abandonné

a lui-même il ne se mettait en branle que pour sa perle : il s’aveuglait lui-même, loin de pouvoir illuminer. Maintenant (chez ceux qui ont la grâce) le voici transformé, non détruit, eonrersum non eversum. il lui est donné de vouloir autrement, de sentir autrement. d’agir autrement. N. 18, col. 87.

Quant à ce que l’on débite sur le fatum augustinien, sur le manichéisme qui renaît dans la doctrine des deux masses, des deux natures, Augustin y a répondu par avance. Ceux qui font ces reproches au maître en seront pour leur courte honte, le jour où ceux dont ils abusent chercheront à se rendre compte par eux-mêmes de l'état de la question. Non. nous ne parlons pas de fatum, nous qui savons que tout est réglé parle jugement de Dieu : nous ne parlons ni de deux masses, ni de deux natures, mais d’une seule masse, dérivée toute du premier homme, d’une seule nature, créée par Dieu, mais qui, par le jeu du libre arbitre du premier homme, en qui tous ont péché, a été toute prostrée, et ne peut être délivrée de la dette encourue, de la mort éternelle, que si la grâce de la seconde création du Christ la restaure a l’image (le Dieu et que si cette même « race agissant, inspirant, soutenant et prévenant le libre arbitre, la garde jusqu'à son dernier moment. N. 1 !). col. 88.

2. Le « Carmen île ingratis « . Plus apparent encore est. dans ce long poème, l’esprit de contention et d'àpreté. Le titre lui-même est déjà prometteur, il annonce la lutte contre les adversaires de la grâce qui sont aussi des « ingrats ». Les apostrophes se multiplient d’un parti à l’autre. Apostrophe de l’auteur [ aux pélagiens : « Demandez-donc, leur dit-il, votre rentrée dans l'Église, puisque vous n’enseignez pas, somme toute, autre chose que ces gens (de SaintVictor) qui se prétendent bien d'Église, apostrophe des pélagiens aux antiaugustiniens : Nous sommes d’accord, clament-ils, nous voulons bien accepter comme vous le péché originel et sa transmission, pourvu que nous gardions, comme vous, le libre arbitre intact et maître, en dernier ressort, de ses des tinées. Apostrophe de l’auteur à ses confrèresde Marseille : « Votre doctrine, leur crie-t-il sur tous les tons. est un pélagianisme qui s’ignore. >

Soulignons encore l’ironie presque féroce avec laquelle Prosper caricature la grâce générale, offerte à tous, dont parlent ses confrères, le ton persifleur avec lequel il leur oppose l’idée d’une volonté salvilique restreinte, très restreinte, qu’il montre sous son aspect le pi us rebutant.

Die mule probes quod gratia Christ ! N 1 1 1 1 1 m i omnino hominem de cuncl is qui generantur Prsetereat, cui non regnum vitamque beatam [mpertiri velit ? Vers 271 sq., col. 110-111.

Où était-elle donc cette volonté universelle de salut dans les siècles qui ont précédé le Christ ? Où est-elle aujourd’hui encore, où l’on voit tant d’hommes se perdre ? La volonté divine serait elle donc mise en échec par l’incurie des hommes ?

Il n’y a pas, hâtons nous de le dire, dans le poème en question que ces développements pénibles. Signalons au moins, vers ! Î71 sq., la 1res belle opposition qui est mise entre la grâce extérieure, où volontiers s’arrêtaient les Ingrati, et la grâce intérieure, efficace par elle-même, et qui est proprement l’amour de Dieu. I >ieu lui même :

(lie ex injusiis justos tacit, indil aniorein

Quo redatnetur amans et amor quem conseril ipse est.

Cela n’empêche pas l’ensemble du poème de laisser en lin de compte une impression désagréable ; il tend à classer parmi les hérétiques tous ceux qui n’admettaient pas les parties les plus contestables du système augustinien et qui, en toute bonne foi, y cherchaient