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SEMI-PÉLAGIENS. I. MELEE, VINCENT IH. LÉRINS
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ciples de saint Augustin. H ne s’agit pas. bien entendu, d’en faire un crime à l’auteur. C’est en toute

bonne toi que notre Lérinien a cru voir dans les doctrines augustiniennes, telles du moins que les prêcfaaient à tennis et à contre-temps des gens dont la modération n'était pas la vertu principale, une nouveauté dangereuse. Il n’est même pas impossible que se soient formes de petits cénacles augustiniens dont Vincent a sans doute exagéré le danger. Rien de plus humain.

b) Antiaugustinisme du « Commonitorium ». — Quoi qu’il en soit, c’est île ce biais qu’il convient d’examiner l’ouvrage.

Y a-t-il. se demande l’auteur, lorsqu’une question doctrinale est soulevée, un moyen infaillible de discerner la vérité de l’erreur ? — Des personnes remarquables par la sainteté et la doctrine lui ont répondu qu’il y avait l’appel à l'Écriture et l’appel à la tradition de l'Église catholique. Or. l'Écriture n’est pas suffisante, tous les hérétiques, anciens et modernes, se sont remparés derrière elle : il faut, en effet, l’interpréter en se réglant selon les normes du sens ecclésiastique et catholique. Celui-ci est détermine par la règle : quod iibique, quod semper, quod ub omnibus ; pour être catholique il faut suivre universitatan, antiquilatem. consensionem. C. II. Ces principes vont s’expliquer par des exemples. Au temps de Donat, alors que l’Afrique presque entière se précipitait dans l’erreur, ceux de là-bas qui voulurent se sauver se rallièrent unirersis mundi ecclesiis. C. iv. Au temps de l’arianisine. les vrais catholiques en appelèrent au critère de l’antiquité. Contre la démangeaison de curiosité se sont élevés les confesseurs de la foi de cette époque. Ce qu’ils affirmaient, ce n'étaient point les conjectures erronées et contradictoires d’un ou deux hommes, ce pour quoi ils luttaient, ce n'était pas le triomphe des idées d’une misérable petite province. C. v. Remontons plus haut, aux efforts faits par le Siège apostolique pour combattre l’innovation d’Agrippinus de Carthage dans l’affaire de la réconciliation des hérétiques. Ce n'étaient pas les patronages qui manquaient à cette nouveauté africaine : le génie, l'éloquence, les appuis, la vraisemblance intrinsèque, et même les textes scripturaires et les décisions des conciles. A quoi tout cela a-t-il servi ? Aujourd’hui ce sont les donatistes schismatiques qui sont les héritiers de la pensée africaine ! N’eût-il pas mieux valu, pour les successeurs d’Agrippinus. imiter le geste pudique des fils de Noé? A l'égard de ce qu’il y a d’erroné dans la pensée d’un homme, par ailleurs saint et pieux, il faut faire comme Japhet et Sem. se garder d’imiter Cham. C. vi, vu.

A la vérité ces aberrations d’hommes pieux et sages posent une question poignante : Pourquoi Dieu permet-il que des personnes éminentes et constituées en dignité dans l'Église présentent ainsi des innovations à la foi des catholiques ? » C’est une manière pour le Très-Haut de vérifier la solidité de la foi. I.e cas tout récent de Nestorius en est une preuve. C. x-xvi. Et tout ce développement pour aboutir a cette conclusion : le vrai catholique sait que Von reçoit les docleurs uvec l'Église, mais que l’on ne doit pas avec les docteurs abandonner l'Église. Suivrons-nous Origène, suivrons-nous Tertullien dans leurs aberrations, a cause de leur remarquable valeur ? C. xvii, xviii.

Et, cette réponse donnée au problème que pose l’ap p.irition de ces admirables docteurs qui n’ont pas laissé de verser dans l’hétérodoxie, incent de revenir a son propos. I.e vrai catholique ne met rien au-dessus de la foi : ni l’autorité de quelque homme que ce soit, ni son génie, ni son éloquence ; il s’attache avec fermeté a ce qu’il connaît avoir été tenu de toute antiquité et de façon universelle, sachant bien que ce qui

est dit par un isolé j>r ; vl<r omnes vel contra omnes, est tout bonnement une tentation. Sans doute il ne s’agit pas pour la doctrine de piétiner sur place ; un certain développement de la pensée chrétienne est compatible

avec l’immutabilité du dogme. Mais il faut se garder de toute rupture avec le consentement de l’universalité et de l’antiquité ; c’est dans celle solution de continuité qu’est proprement l’hérésie. Et Vincent de montri r la chose dans le cas de Pelage et de Célestitis, sans doute, c. xxiv, mais aussi dans celui de Novatien qui nous a fait < un Dieu cruel, préférant la mort du péch< UT à sa conversion », dans le cas des gnostiques, de leur père putatif, Simon le Magicien, de leurs descendants, les priscillianistes : « Avant Simon, qui donc a osé faire du Dieu créateur l’auteur du mal, l’auteur de nos crimes, de nos impiétés, de nos infamies ? Or, Simon dit expressément que c’est Dieu qui, de ses mains, a créé la nature humaine telle que, par son propre mouvement et l’impulsion d’une volonté nécessaire, elle ne puisse et ne veuille que pécher, et qu’agitée, cnllam niée par les fureurs du vice, elle soit entraînée par une concupiscence toujours inassouvie dans l’abîme de toutes les turpitudes. » C. xxiv.

Reste à appliquer sous forme d’exemples à diverses hérésies les règles générales formulées. Mais il faut commencer par distinguer entre les hérésies anciennes, déjà en possession, et celles d’aujourd’hui, qui commencent seulement à s’insinuer. Contre les premières il faut procéder par appel à l’autorité de l'Écriture et des conciles ; contre les secondes c’est à chacun de ceux qui se sentent les aptitudes nécessaires à mobiliser la tradition, à rechercher, à aligner les textes. Ainsi fut fait à Éphèse contre Nestorius. On vit alors des évêques nombreux, honorables, savants n’avoir qu’un souci, celui de ne rien innover.

Le texte actuel du 1. Il ne nous donne de tout ceci qu’un résumé, comme aussi du sévère jugement qu’avait porté Vincent contre la scélérate présomption de Nestorius, lequel, s’imaginant être le premier et le seul à comprendre l'Écriture, se vantait d’ignorer tous ceux qui avant lui s'étaient occupés de la question et déclarait crue toute l'Église errait, avait toujours erré.

Pour terminer, Vincent avait inséré dans son 1. II deux pièces émanées du Siège apostolique : la lettre du pape Sixte III à Jean d’Antioche, l’engageant à se rallier à la foi unique de l'Église, qui est en même temps la foi ancienne ; la lettre aussi de Célestin I" aux évêques des Gaules, ci-dessus, col. 1819, leur reprochant d’avoir paru de connivence avec l’erreur, en laissant surgir des nouveautés profanes. « Qui sont drne, continuait Vincent, ceux dont les évêques doivent réprimer les Intempérances de langage ? La suite du texte pontifical le montre bien : « Que la nouveauté cesse d’attaquer l’antiquité », est-il dit, et non pas : « Que l’antiquité cesse d’accabler la nouveauté ! »

Appliquée sur le texte parfois un peu énigmatique du Commonitorium. cette grille en fait apparaître, claire comme le jour, la signification véritable. A toutes les pages s'étale le nom d’Augustin, la nouveauté de ses doctrines en matière de grâce et de prédestination ; à tous les détours de l’argumentation c’est l’attaque contre ses imprudtnts disciples qui préfèrent l’autorité d’un seul docteur au consentement général de l'Église. Qu’il ait été destiné à la publicité, ou qu’il ait été seu lement le confident des méditations de Vincent, ce livre nous indique en quel sens s’orientaient, vers les années 134 ci suivantes, les réflexions de ce saint personnage. Elles aboutissaient d’ailkursà un autre genre d’attaque contre l’augustinisme, jugé le plus inquiétant des ennemis.

2. La Objectiones incentiana a > Description.

Par un petit écrit de Prosper, /' I. t. i.i. col 177