, nous savons qiic, dans ces mêmes moments, circulait sous le manteau un libelle que Prosper n’hésite pas a qualifier de diabolique. Oublieux de la charité fraternelle, certaines gens s’y efforçaient de perdre Prosper en lui prêtant des propositions nettement blasphématoires. A lire celles-ci on s’aperçoit aussitôt, encore que le nom d’Augustin n’y soit pas prononcé, qu’il s’agit de thèses que l’on a déduites en droiture de la doctrine augustinienne. lai voici la série de teste étant plus ou moins abrégé).
1. Le Christ n’a pas souffert pour le salut et la rédemption de tous.
2. Dieu ne veut pas sauver tous les hommes, quand même tous voudraient se sauver.
3. Dieu n’a créé la plus grande partie du genre humain que pour la perdre éternellement.
4. La majeure partie du genre humain a ete créée par Dieu pour faire la volonté non de celui-ci, mais du diable.
5. Dieu est l’auteur de nos péchés : c’est lui qui fait mauvaise la volonté des hommes, qui façonne une substance laquelle, de son mouvement naturel, ne peut que pécher.
6. Dieu façonne dans les hommes un libre arbitre tel qu’est celui des démons et qui.de son propre mouvement, ne peut rien vouloir d’autre que le mal.
7. ('.'est la volonté de Dieu qu’une grande partie des chrétiens ne veuille, ni ne puisse se sauver.
8. Dieu ne veut point que tous les catholiques persévèrent
dans la foi (c’est-à-dire dans la vie chrétienne), mais il veut qu’une grande partie s’en sépare.
il. Dieu veut qu’une bonne partie des saints tombe et abandonne le propos d'être saint.
10. Les adultères, les déflorations de vierges consacrées arrivent parce que Dieu a prédestiné ces personnes à tomber.
11. Quand des pères commettent l’inceste avec leurs Biles,
des mères avec leurs lits, quand des serviteurs assassinent leurs maîtres, tout cela arrive parce que Dieu l’a prédéterminé.
12. C’est par la prédestinât ion de Dieu que les fils de Dieu deviennent lils du diable, que les temples du Saint-Esprit deviennent temples des démons, que les membres du Christ deviennent membres des courtisanes.
13. Les fidèles qui sont prédestinés a la mort éternelle semblent, quand ils retournent à leur vomissement, ètie victimes de leurs vices ; en réalité la cause de leur défaillance est la prédestination divine, qui, en cachette, leur soustrait la bonne volonté.
11. La grande pai lie des catholiques étant prédestinée il I ; perdition n ::l>ti : ndra pas de Dieu la pers : v : i aicr. car la prédestination est immuable qui les a préordonnés, préparés, prédisposés à tomber.
l.">. Tous les fidèles qui sont prédestinés à la mort éternelle,
Dieu s’arrange pour que, s’ils tombent, ils ne puissent ni ne veuillent être délivrés par la pénitence.
16. Cette masse de fidèles prédi stinée à la mort éternelle. quand elle dit à I >ieu : Que vol re volonté soit faite, prie confie ses intérêts et demande de tomber, car c’est la volonté de Dieu qu’elle périsse de la mort éternelle.
b) Caractère. — On voit qu’il est difficile de pousser plus au noir, avec plus d’injustice, les conséquences de la doctrine augustinienne. On remarquera surtoul l’insistance à parler du liés grand nombre iLs chré liens' (des fidèles, des saints), que la prédestination
divine envoie a la mort. Kt ceci est. de faii. contraire aux affirmations les plus explicites d’Augustin et de ses disciples. Le docteur d’i fipp me a toujours vu dans la réponse à l’appel de Dieu par la foi chrétienne un des signes, non absolu écries, mais très rassurant de li prédestination. H n’hésite p » s à parler de la plu rima pars de l’humanité qui, depuis l’instauration de l'économie nouvelle, est prédestinée à la vie. Ceci dit, il faut bien reconnaître qu’avec un peu de sophistique, il n’est pas impossible de faire sortir ces thèses abomi
nables des prémisses posées par le I)ocleur de la grâce.
Le i ail (le mettre en circulation ce ramassis île blas piieiues et de présenter l’ensemble comme l’authen tique doctrine de Prosper, des disciples d’Augustin,
d’AUgUStin lui même est, de toute évidence, un pro
cédé d guet ie ' fui don, en est resp msable ?
c) Auteur. - La réponse de Prosper a ce factum s’intitule : Pro Auguslino responsiones ad capitula objectionum Vincentianarum, litre qu’il n’y a pas lieu de suspecter : Prosper les attribuait donc à un nomme Vincent. Ce personnage est-il le même que le Vincent du Commonitorium ? La mémoire de celui-ci se trouvant assez fâcheusement compromise par cet Indiculus, qui ressemble assez à une mauvaise action, on a nié que ce libelle « diabolique i ait été fabriqué et surtout mis en circulation par Vincent. Tout mauvais cas est niable, sans doute. Mais il nous paraît extrêmement probable, pour ne pas dire certain, qu’il faut attribuer au même auteur le Commonitorium, dont la loyauté n’est pas la vertu maîtresse, et V Indiculus en question. La démonstration fournie par Hugo Koch nous semble emporter pièce : Vineenz von I. crins und Gcnnadius. dans Texte und Untersuehungen, t. xxxi, fasc. 2, 1907. La comparaison stylistique est singulièrement édifiante : ce sont de part et d’autre les mêmes procédés fort particuliers : accumulation asyndétique de trois synonymes pour exprimer la même idée. ex. 06L, 1 L prœordinavit, præparavit, præaptavit ; l’union de deux synonymes par la conjonction et : ruina et perditio ; ut aidant et ruant ; c’est l’emploi d’une formule absolu ment parallèle : divinilus dispensantur ut qui se retrouve Comm., xxvi et Obj., lô : l’emploi de l’expression christianus catholicus, du couple fidèles et sanett qui reviennent à tout instant de part et d’autre. Par ailleurs le parallélisme d’idées et d’expressions est frappant entre Comm., xxiv et Obj., 1-ti ; entre Comm., xxiv à la fin (doctrine de Simon le Magicien) et Obj., 10-13.
On s’est posé néanmoins une question : comment Vincent a-t-il laissé courir sous son nom l' Indiculus. alors qu’il a caché sous l’anonymat son ouvrage principal ? Mais d’abord il n’est pas sur que V Indiculus portât le nom de Vincent ; au dire même de Prosper, c'était une pièce qui circulait sous le manteau ; la victime de ce mauvais procédé a pu avoir connaissance par ailleurs de l’auteur ; en fait il ne s’est pas trompé en l’attribuant à Vincent. Les objectioncs d’ailleurs pourraient être antérieures au Commonitorium et il n’y aurait rien d'étonnant que Vincent, plus ou moins inquiet sur les conséquences de sa première démarche — le Siège apostolique dans sa réponse à Prosper et Hiteire a ut donne de sirieux avertissements it
juge prudent de prendre, pour le Commonitorium, certaines précautions. En tout état de cause l’un et l’autre ouvrage témoigne d’une rare hostilité dans les milieux provençaux cont re l’augustinisme et ses défenseurs.
- ;. Les Capitula Gallorum. Étroitement appa
l’entés aux objectioncs Yinccntiuive se révèlent les Capitula Gallorum, série de thèses d’un augilslinisinc exacerbe, mises en circulation pour discréditer la doctrine de l'évêque d’Hippone et la personne de ses défenseurs. Prosper les a transcrites et réfutées dans les Responsiones ail capitula objectionum Gallorum calumniunlium, P. /… I. i.i. col. 155 17 1. Rien de bien nouveau, somme toute, en ces propositions qui sont bien souvent parallèles aux premières. Voici les quelques
unes qui n’ont pas leur correspondant exact dans les Objectiones Vincentianæ :
1. En suite de la prédestination divine, les hommes sont
poussés au péché comme par une nécessité fatale et du
péché dans la mort.
2. Clic/ ceux qui ne SOnl pas [licites I mes a la v le, la ni ace reçue au baptême n’enlevé pas le péché originel.
10. A certains est soustraite par le Seigneur la prédication
de l'Évangile, de peur (pu-, avant reçu cette prédication,
ils ne soient sauv es.
13. Certains hommes oui été créés par Dieu non poui
acquérir la vie éternelle, mais seulement pour contribuei < l’ornement du siècle présent et pour l’utilité des autres.