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    1. SENTENCES##


SENTENCES. LES COMMENTAIRES, ÉVOLUTION

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(vers 1260 peut-être), où les dubiu circa lilteram, au lieu d'être résolus à la fin de chaque distinction, se voient rejetés tout à la fin du livre où ils sont alors transcrits tous à la lile. Sans doute, il n’y a là qu’un artifice de rédaction, mais il est à signaler. On en retrouverait un autre analogue chez Jacques de Lausanne ; et ailleurs encore peut-être.

C’est au début du XIVe siècle que l’importance toujours croissante prise par les quxstion.es en vint à éliminer pratiquement les deux autres éléments de la lectio. Ceci n’est vrai pourtant que dans la mesure où la rédaction reproduit fidèlement l’enseignement luimême ; car il se pourrait qu’il n’y ait plus concordance parfaite entre les deux, et que l’on omette volontairement dans la publication du commentaire les deux parties qui auraient cependant trouvé leur place dans l’enseignement oral. Il est en tous cas incontestable que, dans la tradition manuscrite, la divisiû lexlus et l’expositio litteræ disparaissent de plus en plus. Il ne reste du commentaire qu’une série plus ou moins imposante de questions, qui suivent de façon fort apparente le plan des livres et des distinctions du Lombard, et que bien souvent d’ailleurs des chiffres mis en marge, à défaut d’indication dans le texte, permettent de rattacher à telle ou telle distinction. Si ce n’est pas encore complètement le fait de Scot, c’est le cas d’un Hervé de Nédellec, d’un Durand de Saint-Pourçain, d’un Pierre Auriol, d’un Jean Baconthorp, de presque tous les commentaires sur les Sentences qui sont lus et écrits après 1305-1310. Les livres et les distinctions de Pierre Lombard restent le cadre ; mais la trame que constituait son texte ne se retrouve plus. Ce qui importe et ce qui demeure, ce sont les problèmes dont son texte fournissait l’occasion ou le prétexte. Les questions, par lesquelles ils s’expriment, ont tout envahi.

3° L’envahissement de la « quiestio ». — Mais leur envahissement ira plus loin encore, car certains d’entre ces problèmes vont se développer à leur tour, au point d’entraver la croissance, c’est-à-dire l’examen des voisins. Les proportions que telles et telles questions vont prendre sont si considérables, qu’elles empiéteront sur un temps déjà mesuré et empêcheront le bachelier de passer en revue toutes les distinctions du Maître et tous les problèmes qu’il eût été bon pourtant d'étudier. Et dès lors la lecture des Sentences manquera l’un de ses principaux buts qui était de familiariser le bachelier - et ses auditeurs avec

tous les grands problèmes théologiques. On n’en retiendra plus que quelques-uns, indiqués par les préférences personnelles OU la VOgUe du moment.

[ci encore on n’arrive pas d’un bond à cet état de choses. On commence par bloquer les problèmes de deux ou trois distinctions et on ne retient parmi eux que l’un ou l’autre des plus saillants ou des plus sujets à discussion. Puis on généralise le procédé. Et on arrive à des résultats étranges ; à un Jacques d’Eltville, par exemple, dont le 1. [ el comporte vingl trois questions, le I. II, onze seulement, le I. III. six, et le I. IV huit en tout et pour tout ; à un Eliphat (Robert de Halifax) qui n’en voit que neuf dans son 1. [' ; à un Adam Woodham qui eu aborde 36, 10, 12 et 12 ; à un François Bacon (vers 1364 1365) qui en offre 12, 2, 2, et L0 ; ou à un Robert Eiolcot dont les quatre livres comportent respectivement ">, 2, l et 7 questions. Et on sait que le commentaire de Pierre de Candie ( Lî7X 1380) compte 6 et 3 questions pour

les deux premiers livres ; une, pour charnu des deux

derniers. Voir L'.hrle, Der Senlenzenkommentar Pelers von Candia, des Pisaner Papsles Alexander V, M uns ter, 1925.

Peut-être sont ce des ras extrêmes ; et encore n’est ce pas bien sûr. Ils viennent se placer dans le

milieu ou vers la fin du xiv siècle. Mais que de fois auparavant on ne rencontre qu’une seule question soulevée pour plusieurs distinctions : Tel commentaire, par exemple, attribué faussement à Bernard de Trilia, mais qui se doit placer vers 1310-1315 peut être, supprime ainsi dans son premier livre les distinctions XII, XV XVII, XXII, XXIX. XXXI, XXXIII, XXXIV, XII. et dans son I. II, les dist. V, XVII. XIX-XXII, XXIV. XXVII, XXXI. Vers le même temps, Richard de Bromwych montre cette évolution un peu moins accentuée : à presque toutes les distinctions correspondent quelques questions, souvent cependant une question unique ; mais, à plusieurs reprises déjà, deux ou plusieurs distinctions se voient traitées per modum iinius : le cas se présente sept fois dans le 1. I ; trois fois dans le I. II ; une fois au I. III : et. dans le I. IV. pour les 37 dernières distinctions on ne trouve que cinq questions. François de Meyronnes ne comptera que 32 questions pour tout son I er livre (que contient le Vatic. lai. 896) ; mais parmi elles sa xiV servira à expédier les dist. X-XVI ; sa XVe, les dist. XVII XVIII ; sa xxii 8, les dist. XXV-XXVI ; sa xxv, les dist. XXIX-XXXI et sa xx.xii suffira à en couvrir onze : XXXVIII-XLVIII. Il est vrai que pour compenser ceci, le nombre des articles et des subdivisions à l’intérieur de chaque question peut croître démesurément, atteindre 20, 25 ou même 100. Il serait vain de prétendre établir des statistiques ou dresser des courbes : trop d'éléments d’appréciation font défaut. Mais il faut au moins retenir les grands traits de cette évolution : la place toujours plus considérable prise par les quastiones qui, dès le début du xive siècle, sont pratiquement seules à subsister, les dimensions toujours croissantes de celles-ci, qui s'étendent sur des pages et des pages, et se subdivisent en une multitude d’articles, considérations, corollaires, etc. En raison même de l’ampleur qu’elles revêtent, leur nombre se réduit au sein de chaque livre ; et un commentaire ne comporte plus dans certains cas que deux ou trois questions sur le I. II ou le I. III.

C’est d’ailleurs à ce danger et à cet abus que prétendent parer les statuts universitaires parisiens de 1366-1389, par leurs articles 6 et 37 qui stipulent : Item qiiod legentes Sententias non tractent qtuestiones aui materias logicas vel philosophicas nisi quantum lextus Sententiariim requiret. nul solutiunes argumentorum exigent, sed moveant et tractent quastiones theologicas speeulatioas vel morales ad distinctiones pertinentes. 37. Rtusum stutuimus ne sic super prologum et priinum Sententiarum insistant quin possini débile tractare materias se.cundi. tertii et quarti Sententiarum ad distinctiones pertinentes.

Cet état de choses s'établit au moment où les exigences universitaires semblent diminuer, en ce qui concerne la lecture des Sentences : elle était auparavant de deux ans ; elle ne dure plus qu’une année vers le milieu du xiv siècle. Le bachelier doit donclire les quatre livres dans l’espace d’une année SCO laire. Dans quel sens se sont exercées les influences ? Est Ce la réglementation officielle qui a modifie la forme des leçons ; ou inversement ? Il est difficile de le dire. On constate du moins la double évolution simultanée.

Il y a lieu sans doute, pour expliquer en partie l’orientation imprimée aux commentaires sur les Sentences, d’invoquer l’importance toujours croissante prise dans l’enseignement par l’argumentation et la dispute sous toutes ses formes. Il y en a de nouvelles qui apparaissent au début du xive siècle : la sorbontïique, l’aulique ; il y a les antiennes qui empiètent

sur la leçon. On comprend que le bachelier soit tenté de faire comme le maître et de ne plus attacher d’im-