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SERGE II — SERGE III


de Charlemagne. Dépositaire dos traditions du grand règne, celui-ci ne pouvait admettre le geste désinvolte

de la Curie. Il dut y avoir un échange de vues entre l’avie et Aix qui prit quelque temps : mais, en juin, Louis et Drogon, à la tête d’une colonne expéditionnaire considérable, prenaient le chemin de Rome. Un

certain nombre d'évéques de la Haute-Italie se joignirent à eux. La façon dont tout ce monde se comporta, sitôt qu’entré en territoire pontifical, ne laissa pas d’inquiéter Serge II. Par ses prévenances, il chercha à modifier l'état d’esprit des Francs ; rien ne put empêcher qu’un concile où figuraient, avec Drogon et le-, archevêques de Milan et de Ravennc. un certain ombre d'évêques de l’Italie du Nord, n’examinât le-, conditions dans lesquelles il était arrivé à la chaire apostolique. Les termes mêmes du Liber pontifiealis, atsi bien que la compilation du pseudo-Liutprand, montrent bien que l’affaire n’alla pas sans difficulté. Finalement l'élection de Serge fut ratifiée : in sede demum confirnuwerunt, dit pseudo-Liutprand ; mais le pape dut jurer fidélité, sinon au roi Louis, du moins à l’empereur, ce que le peuple romain fit. lui aussi. Au cours des discussions, les représentants de l’empire franc rappelèrent avec force que le Conslitutum de 824 conservait toute sa vigueur. Il leur paraissait utile de redire, au lendemain du traité de Verdun, que l’empire d’Occident subsistait toujours et que rien n'était changé aux rapports des deux pouvoirs, tels que les avaient réglés la coutume et le droit écrit. C’est après cette délibération que le pape couronna Louis comme roi des Lombards. Cet ordre des événements, donné par les Annales de Prudence et par le pseudoLiutprand est certainement préférable à celui que fournit le Liber pontifteaiis, dont les dispositions apologétiques sont visibles dans la première partie de la notice.

Lue seconde affaire fut ensuite traitée, conformément aux demandes de Lothaire ; il s’agissait de conférer à Drogon une délégation pontificale qui ferait de lui le représentant du Saint-Siège au delà des Alpes et lui donnerait la situation dont avaient joui, au siècle précédent, saint Boniface et saint Chrodegand. Le pape se prêta à cette combinaison. Jaflé. Regesta, n. 2586. Elle devait d’ailleurs rester purement théorie] ne. car l'épiscopat franc n'était guère disposé à accepter une autorité qui aurait mis en échec celle des métropolitains. Quand, au mois de décembre 844, le concile réuni à Ver par Charles le Chauve prit connaissance de la délégation apostolique accordée à Drogon, il réserva la discussion à un synode ultérieur où serait représenté tout l'épiscopat franc. Capilularia, édit. Boret ius, n. ccxci, t. ii, p. 382-387. Il n 'y eut plus jamais de semblable réunion. Une dernière question fut enfin ventilée à Rome en ce synode de juin 844. Lothaire aurait désiré que fussent réintégrés dans leur charge les deux archevêques de Reims et de Narbonne, Ebbon et Barthélémy, déposés par le concile de ThionvilUen 835, pour leurs agissements contre Louis le Pieux. Mais les instances de Drogon sur ce point furent vaincs ; les deux archevêques, qui, pour avoir repris quelque temps leurs fonctions s'étaient exposés aux plus dures sentences, furent seulement admis à la communion laïque. Liber pontifteaiis, t. ii, p. 90. Cette sentence, aux yeux de Serge IL était une mesure gracieuse : elle ne fut pas appréciée par Ebbon à sa juste valeur. Il trouva le moven de se faire installer un peu plutard, sans doute en 846, sur le siège vacant de Hildesheim. Ce qui ne l’empêcha pas d’ailleurs d’importuner ou de faire importuner la Curie de ses réclamations contre Hincmar qu’on avait intronisé à sa place a Bcirns, le 3 mai 845. Four ne pas déplaire à l’empereur, Serge II, en 840, prescrivit la tenue à Trêves d’un synode que présideraient ses légats et

auquel l’archevêque de Rouen, Guntbald, devrait

amener un certain nombre de ses sulïragants..Jall'é. n. 2569, 2590. En fait, les légats du pape ne vinrent pas. Ebbon fit défaut et rien ne put être définitivement réglé dans une affaire qui aurait, par la suite, d’assez graves retentissements. Cf. lettre de Lothaire, dans Mon. demi, hist, Epistolte, t. v, p. 010. Serge II ne lut guère plus heureux quand il voulut mettre un terme à la querelle entre Vénérius, patriarche de Grado, et André, patriarche d’Aquilée. Jalïé, n. 2592, 2593.

D’ailleurs, son administration à Borne même suscita de très vives critiques. Grand bâtisseur — la première partie de sa notice au Liber ponti/icalis énumère avec complaisance ses travaux dans Rome et la banlieue — il ne pouvait faire face à ses dépenses qu’en se procurant de l’argent par des moyens plus ou moins avouables. On incrimina surtout son frère Benoît, nommé par Lothaire missus pontifical et que la seconde partie de la même notice représente comme un personnage despotique et même taré, vendant de manière courante les évêchés et les autres charges ecclésiastiques. Au dire du chroniqueur, c’est pour punir tous ces crimes que la Providence déchaîna sur Rome une invasion sarrasine dont le souvenir se perpétua longtemps. De fait, en août 846, une flotte arabe vint s’embosser à l’entrée du Tibre. Aisément victorieuse des petites places fortes qui auraient dû défendre l’embouchure, les infidèles marchèrent sur Rome, dévastèrent à qui mieux mieux les alentours, faute de pouvoir forcer l’enceinte d’Aurélien, et exercèrent leur rapacité et leur fureur sur les deux sanctuaires de Saint-Pierre et de Saint-Paul, situés hors des murs. Après quoi le torrent dévastateur s'écoula vers la Campanie, mit à mal les contingents francs qui avaient essayé de le poursuivre. Ils étaient encore aux environs de Gaète quand Serge I er mourut le 27 janvier 847 ; il ne paraît pas avoir été beaucoup regretté, à en juger par sa notice.

Sources. — Liber pontifteaiis, éd. Duchesne, t. ii, p. 86105 ; la notice se présente assez différemment selon les mss ; dans sa forme la plus longue elle est formée de deux parties successives dont la première est tout à fait sympathique pour Serge tandis que la seconde est une critique véhémente de son administration dépensière et despotique, dont ! a responsabilité est rejetée sur le frère du pape. Pour les événements de 844, il faut comparer deux autres sources indépendantes : les Annales Bertiniani de Prudence de Troyes, ann. 844, P. L., t. cxv, col. 1396, et le De vitw< ponti/icum romanorum du pseudo-Liutprand, P. L., t. cxxix, col. 1244. Pour les événements de 846, le Liber ponti/icalis s’arrête brusquement au pillage de Saint-Pierre ; on le suppléera par les Annales Bertiniani, ann. 846, ibid., col. 1399, le Chronicon S. Bencdicli Casinensis, c. vi, dans Mon. Germ. hist., Script, rer. langob., p. 472, et par les Gesta episcoporuin S’eapolitanorum de Jean Diacre, ibid., p. 433 ; la Chronique de Benoit de Saint-André du Mont Soracte est incohérente à son habitude, P. L., t. cxxxix, col. 38-40.

Travaux. — Gregorovius, Geschichte der Sladt Rom ini M. A., 5e éd., t. iii, p. S1-S9 ; Duchesne, Les premiers temps de l'État pontifical, 2e éd., p. 208-215 ; É. Amann, L'Église à l'époque carolingienne, dans Fliche-Martin, Histoire de l'Église, t. vi, p. 275-2X4.

É. Amann.

3. SERGE III, pape du 29 janvier 904 au 14 avril 911. — Le synode « cadavérique » qui. en janvier 897, avait condamné la mémoire et les actes d< Formose, voir ici t. vi, col. 597, avait amené le partag de Rome en deux camps, les anliformosiens et les formosiens. Le pape Etienne VI, le triste président du concile en question, n’avait pas tardé a être victim< des vengeances de « es derniers, qui poussèrent sui sivement à la chaire pontificale les deux papeRomain, voir t. xiii, col. 2817, et Théodore II Ceux-ci prirent à l’endroit de la mémoire de lorniose et il