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1989
1990
M Vf. Kl'. DANTIOCHE. VII'


Peu de temps après la mort de Sévère, Jean, abbé du monastère de Beith-Aphthonia, sur la rive gauche de l’Euphrate, écrivit à son tour une vie de Sévère, qui comporte le récit de toute son existence agitée. Il est vraisemblable que l’original était rédigé en grec ; en tout cas, nous ne possédons qu’un texte syriaque. M. -A. Kugener, Vie de Sévère par Jean, supérieur du monastère de Heitli-Aphthonia, texte syriaque publié, traduit it annoté, suivi d’un recueil de fragments historiques syriaques, grecs, latins et arabes relatifs à Sévère. P.O., t. ii, fasc. 3, Paris, 1905.

Enfin, une biographie éthiopienne, moins importante, a été éditée et traduite en anglais par E.-J. Goodspeed et W.-E. C.rum, dans P. 0., t. IV, fasc. 6, Paris, P. 108.

Sévère était né à Sozopolis en Pisidie. Il passa par les écoles littéraires d’Alexandrie et apprit le droit à Béryte (Beyrouth). Il n'était pas encore baptisé et, s’il faut en croire Zacharie le Rhéteur qui avait été son compagnon d'études, il n’aurait pas manifesté pour le christianisme une sympathie bien ardente pendant les années qu’il passa à Alexandrie. Ce fut à Béryte qu’il se convertit : Zacharie parvint à l’intéresser aux choses religieuses, lui fit lire de bons livres. le mena à l'église ; bref. S.vère fut baptisé en t88 à Saint-I éonce de Tripoli. Les hommes de sa trempe ne font rien à moitié. Devenu chrétien, Sévère voulut l'être tout entier ; il se fit moine et prit l’habit dans un couvent situé près de Maïouma de Gaza. D’ailleurs, il ne resta pas dans son monastère ; il commença par vivre dans la solitude et y fit de telles prouesses d’ascétisme que sa santé en fut bientôt compromise. Il dut reprendre la vie commune et fonda près de Maïouma un nouveau couvent qui ne tarda pas à prospérer. Ce fut alors qu’il reçut la prêtrise des mains d'Épiphane, évêque de Magydos en Pamphylie, qui venait d'être privé de son siège.

Le couvent où Sévère avait reçu l’habit monastique, conservait précieusement les traditions de Pierre ITbérien. Épiphane de Magydos avait été déposé à cause de ses convictions monophysites et de sa résistance à VHénolique. C’est dire que, tout de suite, Sévère fut conquis par le monophysisme dont il devait se montrer jusqu'à la fin le champion le plus ardent.

Dès 509, il eut l’occasion de faire la preuve de son zèle. Les moines de Maïouma ayant été molestés par un certain Néphalios, qui était l’agent d’exécution du patriarche Élie de Jérusalem, Sévère et deux de ses disciples entreprirent d’aller jusqu'à Constantinople pour demander justice à l’empereur. Leur affaire fut bientôt réglée : ils trouvèrent à la capitale des amis influents, grâce à qui ils obtinrent gain de cause. Cela ne les empêcha pas de prolonger leur séjour à Constantinople, pour le plus grand profit de la cause monophysite. Ils y restèrent trois ans et se montrèrent des plus entreprenants. Tandis que Sévère multipliait les ouvrages de controverse, écrivait contre les cutychiens et contre les messaliens, revendiquait pour son parti l’autorité de saint Cyrille dans un livre intitulé Cyrille ou Le Philalèthr, ses moines employaient des arguments d’un autre genre et suscitaient des émeutes, à la grande contrariété du patriarche Macédonius.

IK tirent tant et si bien que Macédonius fut en effet déposé (511) : les monophysites auraient bien voulu lui donner Sévère pour successeur. Ils n’osèrent pas cependant et leur choix s’arrêta sur un certain Timothée, qui appartenait au clergé de la capitale. A défaut du siègi de Constantinople, lis s’arrangèrent d’ailleurs pour faire attribuer à Sévère celui d’Antiochc. Le patriarche de cette ville, Ilavien, eut à lutter contre toutes sortes d’intrigues nouées habilement contre lui ; les concessions qu’il fit aux monophysites ne servirent qu’a montrer sa faiblesse et à accroître les exigences

de ses adversaires : on finit par obtenir de lui qu’il quitterait Antioche pour le bien de la paix ; et, lorsqu’il

en fut sorti, un concile réuni à Laodicée le déposa et l’exila à l'étra. Sévère fut élu : le (i novembre 512, il fut consacré par les métropolitains de Tarse et de Mabbougb, assistés d’une dizaine d'évêques. Il déclara alors accepter VHénotique et condamna en même temps le Tome de saint Léon et le concile de Chalcédoine.

Dès le début de son épiscopat, Sévère rencontra d’ailleurs de fortes oppositions. Tandis que les monophysites d’extrème-gauche le trouvaient trop modéré, les chalcédoniens et même les hénoticiens modérés, comme Élie de.Jérusalem, lui reprochaient son attitude hostile à l'égard du concile et du Tome. Il fallut lutter. Il y eut des émeutes jusqu’aux abords du fameux sanctuaire de saint Siméon le Stylite, où les hommes de Sévère assommèrent trois cent cinquante moines venus de la Syrie seconde pour manifester contre le patriarche : les survivants adressèrent une plainte au pape I lormisdas.

Sur ces entrefaites, le vieil empereur Anastasc vint à mourir, 9 juillet 518. Pendant les dernières années de sa vie, il avait à plusieurs reprises amorcé des négociations avec Rome pour le rétablissement de la paix religieuse : preuve manifeste de l'échec de sa politique. Voir l’art. Hormisdas, t. vii, col. 102 sq. Rien n’avait pu être conclu ; mais son successeur, Justin, qui n’avait pas les mêmes raisons que lui de prendre la défense de VHénotique, se montra tout de suite partisan du concile de Chalcédoine. In de ses premiers soins fut de chercher à s’emparer de Sévère d’Antiochc, dont les excitations avaient causé tant de troubles à Constantinople et en Syrie. Il ne put d’ailleurs réaliser ce dessein : Sévère s’enfuit d’Antioche et passa en Egypte, où il arriva le 29 septembre 518.

Là, les abris ne lui manquèrent pas. Il s'établit, semble-t-il, au monastère d’Ennaton, et dès lors il dirigea avec une énergie inlassable la résistance au nouveau régime. Sans doute la police le traquait ; il était souvent obligé de changer de résidence ; mais il se maintenait en communication avec les évêques exilés, avec ses fidèles d’Antioche et ses moines dispersés dans tout l’Oiient. Il écrivait sans cesse des écrits de controverse, des lettres ; il constituait des dossiers. Il avait à lutter de toutes parts. Il s’opposait en particulier à Julien d’Halicarnasse, dont les doctrines excessives portaient le trouble dans les esprits. Celui-ci répondait d’ailleurs, et les discussions se prolongeaient sans répit entre aphthartodocètes et phthartolâtres. Cf. R. Draguet, Julien d’Halicarnasse et sa controverse avec Sévère d’Antioche, Louvain, 1924, et ici l’art. Julien, t. viii, col. 1934.

Une fois de plus, cependant, les événements parurent tourner en faveur de Sévère. Lorsque, après la mort de Justin (527), son neveu Justinien fut monté sur le trône, les monophysites, appuyés en secret par l’impératrice Théodora, purent croire venue l’heure de la revanche. Sous l’influence de la basilissa, l'évêque de Trébizonde, Anthime, fut choisi pour occuper le siège de Constantinople que venait de laisser vacant la mort d'Épiphane (535) : officiellement, il faisait profession d’accepter le concile de Chalcédoine. mais on le savait en secret accord avec les monophysites ; il paraissait ainsi olïrir toutes garanties aux partisans de Sévère.

Depuis quelque temps déjà, celui-ci était l’objet des sollicitations de l’empereur. On ne se contentait pas de le laisser tranquille dans ses repaires égyptiens. On le pressait d’en sortir et de reparaître publiquement a Constantinople. Vers le temps de l’intronisation d’Anthime, Sévère se laissa persuader et arriva dans la capitale. Naturellement, on lui donna le gîte au palais impérial, ou il ne tarda pas à être l’objet de l’attention