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SIGEBERT DE GEMBLOUX


expliqué de trois façons, mi lilleram, allegorice, mijlhologice. Il ne s’est pas conservé.

1. La Chronique.

C’est un des ouvrages les plus considérables de Sigebert de Gembloux, où il consigne les principaux événements de l’histoire. Il commence en 381, voulant continuer, dit-il, la chronique d’Eusèbe de Césarée (en fait la Chronique hiéronymienne) qui s’arrête à cette date ; il poursuit jusqu’en 1112, tenant à jour son écrit jusqu'à sa mort. Après lui on a continué l'œuvre à plusieurs reprises. La Chronique de Sigebert a été souvent éditée. Cf. Hist. littér. de la France, loc. cit., p. 541. Elle est dans P. L., loc. cit., col. 58-246.

5. L'étude sur les cycles en usage dans l'Église. Sigebert déclare que, frappé des critiques du vénérable Bède à l’endroit de Denys le Petit, il a voulu reprendre les calculs sur la supputation du temps. Dans le catalogue de ses ouvrages, il indique les grandes lignes de ce travail qui semble actuellement perdu.

6. Le De scriptoribus ecclesiasticis, qu’il appelle aussi De illustribus viris, fournit des renseignements sur 271 écrivains, dont plusieurs sont les contemporains de l’auteur. Le choix en paraît assez éclectique et souvent la notice est expédiée en quelques mots ; la plus complète est celle que Sigebert se consacre à lui-même ; elle est d’un grand secours pour fixer le nombre de ses ouvrages. Cet écrit a pris place dans P. L., loc. cit., col. 547-582.

III. Doctrine politique.

Si le moine de Gembloux n’avait écrit que des Vies de saints ou des ouvrages d’histoire, il suffirait d’en faire mention sans qu’il soit besoin d’une étude particulière. Ce que Sigebert raconte dans ses Vies de saints ne doit pas toujours être tenu pour vrai. Sa Chronique est « à bien des égards une œuvre polémique dont il y a peu de chose à tirer pour l’histoire. Les actes réformateurs de Grégoire VII, les mesures prises à l'égard de Henri IV sont pour lui l’occasion de virulentes diatribes contre le pape, dont il soupçonne et travestit les intentions ». A. Fliche, op. cit., t. ii, p. 61. Il résume souvent en quelques lignes le récit des plus grands événements. Cf. à propos de Canossa, H.-X. Arquillière, op. cit., p. 117. Comme les autres chroniqueurs, Sigebert relate souvent les faits divers qui sont les moins intéressants pour l’histoire générale, et son information est souvent en défaut. Cf. Hist. littér. de la France, loc. cit., p. 540. En tant que doctrinaire anti-grégorien, il fait partie d’un groupe de théoriciens dont les principaux sont Pierre Crassus, Weinrich de Trêves, Guy d’Osnabriick, Guy de Ferrare, et l’auteur du Liber de unitate Ecclesiæ. « l.a position doctrinale qu’ils adoptent, le plan d’idées sur lequel ils évoluent sont à peu près identiques. Leur argumentation manifeste une étroite parenté et comme une sorte de consigne collective ; seul le ton de leur polémique dilïère selon leur tempérament respectif. l L-X. Arquillière, op. cit., p. 351. Sigebert n’est donc pas strictement original dans ses idées ; ci pendant la vigueur de ses expressions et la netteté de ses positions lui donnent une place Importante parmi les partisans du droit divin impérial.

Le principe de toute l’argumentation de Sigebert est que l’union doit exister entre le Sacerdoce et l’Empire. Personne ne songe alors à faire, valoir l’indépendance de l'État ; la vie religieuse et la vie politique sont intimement mêlées. Il est impossible d’affirmer sans plus d’explications que l’empereur est le maître dans l’ordre temporel, et le pape, le maître, dans l’ordre spirituel ; la coin pénétrât ion politico-religieuse est telle que les domaines respectifs des deux pouvoirs sont souvent confondus, l.a prépondérance de l’empereur

i à auvegarder pourtant dans tous les cas.

Ie pape, sans doute, est le. vrai chef dans l’ordre spirituel ; il est le successeur des apôtres, g l’oint du

Seigneur. C’est à lui qu’il appartient de veiller sur toute la chrétienté et d’enseigner à l’empereur luimême ses devoirs envers l'Église. Si le souverain manque à ses devoirs, le pape priera pour lui, comme lit Moïse en faveur du pharaon ; il s’elTorcera par les avis, les conseils, les remontrances mêmes de ramener le pécheur dans la bonne voie. Pourra-t-il l’excommunier ? A vrai dire, ce pouvoir des papes vis-à-vis des empereurs n’est alors récusé par personne. Cf. A. Cauchie, op. cit., t. i, p. 83 ; H.-X. Arquillière, op. cit., p. 361. Sigebert n’ose pas prendre directement parti ; il recherche surtout, dans le cas particulier, les raisons qui rendent nulles l’excommunication de Henri IV et celle des Liégeois eux-mêmes. « Grégoire est un faux pape », proclame-t-il d’abord, dans la réponse à la lettre de Grégoire VII à Hermann de Metz, s’il est permis d’attribuer au moine de Gembloux le texte publié par A. Cauchie, op. cit., t. I, p. 76. Il avait juré à Henri IV de ne point monter sur le trône de saint Pierre sans l’assentiment impérial et, malgré les observations de l’empereur Henri IV, il s’est obstiné à garder le souverain pontificat. Dans sa Chronique, Sigebert n’ose plus affirmer que Grégoire est un faux pape ; mais il voit en lui un dur politique, qui a excommunié l’empereur afin de pouvoir établir sa suprématie. Hildebranduse contra imperatorem Henricum excommunicat sub hoc oplenlu, ut primates regni quasi jusla ex causa excommunicato régi contradicant. P. L., loc. cit., col. 219. Dans ce cas, eût-il le pouvoir d’excommunication, le pape en a usé indiscrète. Cf. Lettre aux Liégeois dans JafTé, op. cit., t. v, p. 224. A supposer du reste que la sanction fût juste, elle est devenue inutile et sans effet, à cause des circonstances dans lesquelles Grégoire l’a portée. Il a condamne l’empereur sans l’entendre, il a prétendu se servir contre lui de la force des armes et réduire aussi les Liégeois a la merci du comte de Flandre. Cf. le commentaire des citations de Sigebert dans A. Cauchie, op. cit., t. ii, p. 160. Pour toutes ces raisons, Grégoire VII, en s’attaquant à Henri IV comme il l’a fait, a outrepassé ses droits.

A la base des droits du souverain, il y a deux actes essentiellement religieux : le sacre qui lui est donné et le serment de fidélité qu’il reçoit. Le sacre ne constitue, pas la royauté ; l’hérédité, le choix des grands suffisent : mais la consécration religieuse ajoute l’investiture divine transmise par l'Église et fait du roi un personnage sacré, dont l’autorité s’impose à ses sujets. L’empereur surtout a reçu un pouvoir tout particulier. Chef dans l’ordre temporel, il a un rôle à jouer dans l’ordre spirituel et il l’exerce tout spécialement lorsqu’il nomme les papes ou dépose ceux qui ne sont pas légitimement élus. Sigebert établit longuement cette thèse. On sent que c’est le point central de son système politique. Ne cherchant pas a répondre directement à cette, proposition : le pape a-t-il le droit d’excommunier l’empereur ? il préfère lui opposer celle-ci : l’empereur a le droit de créer et de déposer les papes. Cf. ses arguments le plus souvent tirés de l’histoire dans la Lettre aux Liégeois, Jaffé, op. cit.. t. V, p. 206, 222 ; autres textes dans A. Cauchie. op. cit., t. I, p. 86-87. D’autre part, le serment de fidélité prèle à l’empereur est absolument Inviolable à cause de sa valeur religieuse ; nul ne peut se rétracter sans parjure. Dans le cas particulier, il faut garder à Henri IV l’obéissance promise ; cf. la Lettre aux Liégeois commentée par A. Cauchie, op. cit., t. n. p. 170 ; l’empereur reste le suprême gardien de la justice et de la paix contre Grégoire VI] et ses successeurs, usurpateurs du trône pont ilical.

Les écrits politiques de Sigebert de Gembloux ont eu certainement une grande Influence. Sans qu’on puisse exactement la déterminer, il est clair que la