Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2053
2054

SIGER DE COURTRAI SIGNE


P. Mandonnet, Siger de Brabant, t. i. p. 65-78 ; A. Niglis, Siger von Courtrai, Beiträge zu seiner Würdigung, Fribourg-en-B. , 1903 ; H. Vercruysse, Étude critique des sources relatives à la personnalité du sorboniste Siger de Courtrai, dans Mémoires du cercle hist. et archéol. de Courtrai, t. iv, p. 37-85 ; G. Wallerand, Les œuvres de Siger de Courtrai, Etude critique et textes inédits, dans Les philosophes belges, Louvain, 1913.

P. Glorieux.

SIGNE. — La notion de signe est théologique au premier chef. Saint Augustin a donné du signe une définition qui est restée classique : « Un signe est une chose qui, en plus de l’image qu’elle imprime sur nos sens, nous fait venir par là-même à la connaissance d’une autre chose. » De doctrina christiana, l. II, c.i, P. L., t. xxxiv, col. 35. De cette définition très générale, l’enseignement catholique tire une théologie du signe dont les trois principales applications concernent :
I. La volonté divine.
II. La crédibilité de la révélation (col. 2053).
III. Les sacrements (col. 2060).

I. La volonté divine.

Les théologiens distinguent en Dieu « volonté de bon plaisir » et « volonté de signe ». Cf. S. Thomas, Ia, q. xix, a. 11. Les signes par lesquels nous manifestons notre volonté sont les actes extérieurs dont la connaissance permet aux autres de parvenir jusqu’à la connaissance de notre décision intérieure. Les signes par lesquels nous faisons voir notre volonté intérieure sont au nombre de cinq : l’exécution ou opération, la permission, le précepte dont il faut rapprocher le conseil, la prohibition. Ces signes ne peuvent être transportés en Dieu que d’une manière métaphorique, car en Dieu la volonté est une, acte pur, s’identifiant avec Dieu lui-même. De plus, souvent les « signes » de la volonté divine sont tels qu’on ne peut les attribuer au sens propre à la divinité. Ainsi, la punition qui, venant de Dieu, est appelée le signe de la colère divine, ne saurait être signe de la colère que d’une manière métaphorique, la colère n’existant pas en Dieu. S. Thomas, ibid., ad 2um ; cf. a. 12, ad 2um.

En toute hypothèse, deux points sont à noter. Tout d’abord, certains signes de la volonté divine, le précepte, la prohibition, la permission n’indiquent pas nécessairement en Dieu une volonté de bon plaisir concordante. Parfois, en effet, Dieu commande quelque chose dont il n’entend pas du tout poursuivre l’exécution, comme il est apparu dans l’ordre donné à Abraham d’immoler son fils. Bien plus, Dieu ne veut jamais le mal, qu’il permet seulement. Ensuite, bien que Dieu ne veuille pas toujours ce qu’il commande, et qu’il ne veuille jamais ce qu’il permet simplement, il existe cependant en lui une réelle volonté à l’égard de tels objets. En effet, Dieu veut que tout homme se soumette à l’ordre qui lui est intimé par l’autorité légitime ; il lui plaît également que ce qu’il permet soit en notre pouvoir. Cette volonté de bon plaisir est toujours annexée au précepte ou à la permission, bien qu’elle ne porte pas sur la chose permise ou ordonnée.

Ainsi, en Dieu, il existe une volonté de signe qui ne porte jamais sur le même objet que la volonté de bon plaisir : c’est la permission. Il existe une volonté de signe qui porte toujours sur le même objet que la volonté de bon plaisir : c’est l’opération ou l’exécution. Il existe une volonté de signe qui peut parfois coïncider avec la volonté de bon plaisir et parfois s’en distinguer : c’est la prohibition, le précepte et le conseil. Cf. S. Thomas, De veritate, q. xxiii, a. 3.

II. La crédibilité de la révélation.

Il s’agit ici des « signes divins » de la révélation, c’est-à-dire des effets sensibles « par lesquels l’homme est amené à quelque connaissance surnaturelle de ce qu’il faut croire ». S. Thomas, IIa-IIæ, q. clxxviii, a. 1.

Notions générales.

La définition de saint Augustin est toujours à la base de ces notions : il s’agit toujours, grâce à la connaissance directe d’un effet sensible, de parvenir à la connaissance d’une autre chose. Trois sortes de signes peuvent vérifier cette notion générale.

D’abord, le signe naturel, c’est-à-dire celui dont la signification vient de la nature des choses, par exemple la fumée est le signe du feu. « Il suffit, dit saint Augustin, qu’on ait expérimenté une fois cette connexion, pour comprendre le signe. » Loc. cit., c. ii, col. 37. Venant de la nature, le signe naturel ne peut, une fois qu’il est connu, comporter d’erreur.

Ensuite, le signe conventionnel ou arbitraire est celui qui a été fixé par une convention humaine. Tels, par exemple, les signes télégraphiques, la signalisation des routes et chemin de fer, le drapeau national, etc. Un signe peut être à la fois conventionnel et cependant naturel.

Enfin, le signe est symbolique ou mixte ou emblématique quand il résulte d’une convention fondée sur la nature des choses : le lion est l’emblème de la force, la violette est celui de l’humilité, le cœur est celui de l’amour. En liturgie, la couleur des ornements est un signe symbolique.

Les signes divins de la crédibilité ne sauraient être rangés dans la catégorie des signes naturels, précisément parce qu’ils sont ordonnés à la connaissance surnaturelle des vérités révélées. Ils ne peuvent rentrer non plus dans le cadre des signes conventionnels ou arbitraires, car aucune convention n’a été établie à leur sujet entre Dieu et l’homme. Le signe divin de crédibilité ne peut être que symbolique, mais d’un symbolisme particulier qu’il conviendra de préciser plus loin.

Caractère du signe divin de crédibilité.

Ce signe doit être sensible et en connexion avec la vérité révélée.

1. Sensible. — La révélation est un fait concret, d’ordre historique et, puisqu’il dépend de la volonté de Dieu, contingent. Concret et d’ordre historique, il ne peut être établi que par une expérience sensible, extérieure ou intérieure, soit directement en lui-même (par exemple : un miracle d’ordre physique), indirectement dans ses effets (par exemple : la sainteté héroïque se manifestant par les actes qu’elle inspire) ; soit immédiatement (par ceux qui en sont les témoins), soit médiatement (par ceux qui le connaissent grâce au témoignage d’autrui). Contingent, il n’est pas produit au gré de nos caprices et de nos désirs, même légitimes, mais simplement si Dieu le veut, quand Dieu le veut et comme Dieu le veut. Voir ici Miracle, t. x, col. 1810.

2. Surnaturel. — Pour être signe divin, il doit être supérieur aux forces de la nature et ne pouvoir être attribué qu’à Dieu comme cause principale : « La révélation est un fait de l’ordre surnaturel, la doctrine révélée est un bienfait totalement gratuit de Dieu qui élève l’homme à l’ordre de la grâce et de la gloire. A ce fait surnaturel, il faut des signes du même ordre, qui ne puissent être produits que par Dieu comme cause principale : ceux-là seuls attestent que Dieu a parlé. » A.—A. Goupil, Apologétique, Paris, 1938, p. 98. En disant que ces faits sont des signes surnaturels, il faut préciser la signification de ce mot. La théologie distingue entre surnaturel absolu et surnaturel relatif. Le surnaturel relatif est celui qui excède la puissance de telle nature créée (nature humaine, par exemple), mais non de toute nature créée : le surnaturel angélique est un surnaturel relatif. Le surnaturel absolu est celui qui excède la puissance de toute nature créée, humaine et angélique et tout autre, s’il en était. A son tour, le surnaturel absolu se divise en surnaturel essentiel (quoad substantiam) et surnaturel modal (quoad modum). Les signes divins de crédibilité ne sauraient appartenir au surnaturel essentiel, qui n’est autre que la vie divine elle-même (surnaturel substantiel ou incréé) ou une participation de la vie divine par la