SIGNE
grâce (surnaturel accidentel) ; ils relèvent ordinairement du surnaturel modal, qui consiste en un fait essentiellement naturel, mais produit d’une manière surnaturelle ou ordonné d’une manière surnaturelle à une fin surnaturelle. Cf. Garrigou-Lagrange, De revelatione, t. i. Paris. 1918, p. 202-203. Ordinairement, disons-nous, car certains signes de crédibilité, par exemple la transfiguration de Notre-Seigneur ou la manifestation de la gloire céleste d’un saint, peuvent être considérés comme le prolongement sur le corps de la participation essentiellement surnaturelle de l’âme a la vie divine. De toutes façons, des créatures peuvent être employées comme instruments de la puissance divine dans la production des signes de crédibilité.
3. En connexion avec la vérité révélée.
L’œuvre divine qui constitue le signe de crédibilité doit se rapporter à cette crédibilité de la foi comme le signe à la chose signifiée. C’est ce que l’on appelle la « finalité du miracle ». Voir Miracle, col. 809. « En effet, les vérités de la foi dépassent la raison humaine ; elles ne peuvent donc être prouvées par des raisonnements humains ; mais il leur faut les preuves de la puissance divine, afin que, lorsqu’un homme accomplit des œuvres que Dieu seul peut accomplir, on croie que ce qu’il annonce est de Dieu. C’est ainsi que lorsqu’un messager remet une lettre scellée de l’anneau royal, on croit que le contenu de la lettre émane de la volonté du roi. » S. Thomas, IIIa, q. xliii, a. 1.
Cette connexion du signe à la chose signifiée peut revêtir un double aspect. Elle peut être intrinsèque ou extrinsèque. Intrinsèque, si elle ressort de la nature même du signe par rapport à la chose signifiée. Ainsi la sainteté, la propagation admirable, la stabilité et la perpétuité, caractères de l’Église catholique, sont en connexion intrinsèque avec l’origine divine de cette société. Extrinsèque simplement, si la connexion ne résulte pas de la nature même du signe et ne s’affirme qu’en raison des circonstances dans lesquelles l’œuvre divine est accomplie, par exemple les prodiges qui accompagnèrent la mort du Christ, Matth., xxvii, 51-54, ou en vertu d’une déclaration expresse ou équivalente du thaumaturge, par exemple la guérison du paralytique. Marc, ii, 10-12.
Que la connexion soit intrinsèque ou extrinsèque avec la vérité contenue dans la révélation, peu importe d’ailleurs, car le signe divin de crédibilité ne saurait être affirmé comme tel sans que soit suffisamment connu son rapport essentiel avec le fait d’une intervention divine.
3° Division des signes.
D’après les sources où ils se puisent, il faut distinguer les signes subjectifs ou intérieurs, ceux que l’homme découvre en soi, dans sa conscience, et les signes objectifs ou extérieurs et publics qu’il découvre dans les faits historiques, miracles et prophéties.
1. Signes objectifs.
a) Existence et nécessité.
La révélation chrétienne avant été faite extérieurement, publiquement, il fallait que Dieu, pour la rendre croyable, l’accompagnât de signes extérieurs, publics comme la révélation elle-même. L’existence de ces arguments publics est la condition même de la prédication de l’Évangile unique par une Église unique. Cette nécessité de signes externes a été enseignée par Jésus lui même. Matth., xi, 6-8, 20 ; Joa., x, 38 ; iii, 2 ; v, 36 ; xv. 24, et tout le c. ix. La tradition a ton jours mis en relief la démonstration tirée des miracles et de l’accomplissement des prophéties. Les principaux documents du magistère à cet égard sont : sous Grégoire XVI, la 3e proposition souscrite par Bautain, Denz. Bannw., ii. 1619 ; de Pie IX, l’encyclique Qui pluribus, ibid., n. 1637, 1638 ; du concile du Vatican, la constitution De fide catholica, c. iii, ibid., n. 1790, 1794,
b) Signes extrinsèques et signes intrinsèques.
Tout en étant objectifs et extérieurs, les signes peuvent être extrinsèques ou intrinsèques par rapport à l’objet même proposé à la croyance. Signes extrinsèques, les miracles d’ordre physique et les prophéties. Voir Miracle, t. x, col. 1799, et Prophétie, t. xiii, col. 835. Signes intrinsèques, ceux qui contiennent une relation essentielle à la doctrine révélée proposée à notre croyance : ainsi, la transcendance même de cette doctrine, la sainteté parfaite du Christ, le fait de l’Eglise elle-même.
La transcendance de la doctrine chrétienne est un véritable signe extérieur de crédibilité, et cependant il est évident qu’elle comporte une relation essentielle aux vérités révélées elles-mêmes. Elle est un fait visible, puisque la doctrine est prèchée par l’Église ; elle est un miracle d’ordre intellectuel, puisque cette doctrine n’a pu être imaginée ni inventée par l’homme. Elle porte donc en elle-même le signe de son origine divine. On joindra d’ailleurs opportunément l’étude de ce signe extérieur intrinsèque à l’étude des signes extérieurs extrinsèques : un miracle d’ordre physique n’entraînera pleinement l’adhésion que si l’on connaît aussi la doctrine qu’il accrédite.
La sainteté parfaite du Christ est une perfection morale si achevée qu’elle dépasse les forces humaines et qu’elle est naturellement inexplicable. Dès les premiers siècles, les apologistes ont fait valoir l’argument de crédibilité tiré de la sainteté suréminente du Christ. Cf. L. de Grandmaison, Jésus-Christ, t. ii, Paris, 1928. p. 92-98.
L’Eglise « elle-même, à cause de son admirable propagation, voir ici, t. xiii, col. 692 sq., de son éminente sainteté, voir ici, t. xiv, col. 847 sq., de son unité catholique, voir ici Unité, de son invincible stabilité, est un grand et perpétuel motif de crédibilité, un témoignage irréfragable de sa divinité. » Denz.-Bannw., n. 1794,
2. Signes subjectifs.
Ce sont les mouvements intérieurs de l’âme, consolations, joies saintes, désirs ardents dans la possession de la vérité révélée ou, à l’inverse, angoisses et inquiétude profonde tant que l’âme demeure loin de la vérité. De ces mouvements intérieurs qui portent l’âme vers la vérité religieuse, saint Augustin a parlé admirablement ; cf. In Joannis evang., tr. XXVI, n. 4. ''P. L., t.xxxv. col. 1608, lui qui avait reconnu par expérience que le cœur de l’homme est inquiet tant qu’il ne se repose pas en Dieu. Confess., l. I, c. i, n. 1, 'P. L. t. xxxiii. col. 661. En soi, ces arguments sont un indice probable, mais non une preuve certaine ni suffisante de crédibilité. Voir sur ce point l’excellent développement du P. Goupil, Apologétique. Paris, 1938, n. 55-57. En certains cas extraordinaires, ils peuvent, pour certains individus privilégies, constituer des signes assurés de crédibilité : « II arrive exceptionnellement que l’âme a conscience et du don divin et de la présence du donateur. C’est ce qu’on appelle les grâces mystiques ou extraordinaires. L’action divine comme telle est perçue immédiatement et expérimentalement par l’âme. » Id., 'ibid., p. 119.
4° Comment est connu par l’intelligence humaine le rapport du signe avec le fait de l’intervention divine.
Il ne peut être ici question que du rapport certain qui existe entre le signe objectif et le fait de la révélation divine. Question fort débattue : « comment pourrait-on voir et affirmer une référence à l’ordre surnaturel sans une grâce surnaturelle, tout au moins actuelle ? Prétendre le contraire serait du pélagianisme. » E, Masure. La grand’route apologétique, Paris, 1939, p. 59. Thèse également défendue par. Goupil, op. cit. p. 81 92, par d’autres auteurs récents cités à l’art. Miracle, col. 1853 sq., et qui pourrait trouver quelque appui chez Cajétan et d’autres maîtres de l’école thomiste.