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SILVESTRE I er (SAINT) — SILVESTRE II


pleine autonomie du pape, il était allé lui-même s’installer loin de là, sur le Bosphore. Quel exemple pour celui qui, au dernier tiers du viiie siècle, semblait aspirer à jouer en Occident le rôle de Constantin ! Ce n’est pas sans quelque timidité que le pape Adrien fait usage de l’argument dans la lettre signalée ci-dessus ; il l’utilise néanmoins. Un de ses agents lui avait-il montré le papier, qui peut-ôtre sommeillait déjà depuis plusieurs années dans quelque carton de la chancellerie ? Ce n’est pas impossible..Mais, quoi qu’il en soit, la pièce n’avait pas encore aux yeux d’Adrien une incontestable valeur ; s’il paraît s’en inspirer, ce n’est pas elle qu’il envoie alors à Charlemagne, mais des diplômes authentiques, témoignant des droits de propriété du Saint-Siège sur telle ville, tel domaine. Il faudra du temps encore pour que la Donation de Constantin au pape Silvestre devienne la charte fondamentale des droits temporels du Saint-Siège. Au début, c’est un simple manifeste, exprimant les revendications de l’entourage pontifical dans un domaine relativement modeste. Le clerc qui le rédigea ne se doutait pas assurément des répercussions, à échéance retardée, que son acte pourrait avoir dans l’avenir.

1. Pour l’histoire proprement dite.

Liber pontificalis, édlt. Duchesne, t. i, p. 75-80 (1e édit.), p. 170-201 ; .lalïé, Regesta pontiftcum romanorum, t. i, p. 28-30. Se référer aux articles Donatisme, t. iv, col. 1703 sq.j Nicée, ( 1° concile de), l. xi.col. 309-417 ; E. Caspar, Geschichte des Papsttums, 1. 1, Tubingue, 1930, p. 103-130 ; J.-R. Palanque, dans I’iiche-Marlin, Histoire de l'Église, t. iii, 1936, p. 36 sq. Voir aussi P. Batiffol, La paix constuidinicnne et le catholicisme, Paris, 1914, p. 269-302.

II. Pour les légendes silvestrines.

L. Duchesne, Le Liber pont., t. i, introd., p. cvn-cxx ; Levison, Konstantinische Sehenkung und Silvesterlegende, dans Mélanges Ehrle, publiés dans Studie lesti, n. 38, Home, 1921, on y trouvera une bibliographie considérable.

III. Pour la donation de Constantin.

La bibliographie serait énorme ; pour la plus ancienne voir II. Hohmer, ail. Konstantinische Sehenkung, dans Protest. Healencgklopiidic, t. xi, 1902, p. 1-7, on y trouvera une bonne discussion des diverses opinions ; G. Læhr, Die konstantinische Sehenkung in der abendlàndischen Lileratur des M. A. bis zur Mille des XIV. Jahrhunderts, dans Historische Studien, Berlin, 1926, fasc. 116 ; L. Duchesne, Les premiers temps de l'Élut pontifical, 2° édit., p. 181 sq. ; Lcvillain, dans liibl. de l'École des Chartes, t. xciv, 1933 ; R. Aigrain, dans FlicheMartin, Histoire de l'Église, t. v, 1938, p. 425 sq. ; É. Amann, ibi(L, t. vi, 1937, p. 49-70.

É. Amann.

2. SILVESTRE II, pape du 2 avril 999 au 12 mai 1003. — I. Les antécédents de Silvestre. II. Son pontificat (col. 2080).

I. Les antécédents de Silvestre.

1° Le savant. — De son nom il s’appelait Gerbert et sous ce vocable il a laissé une grande réputation de savant.

Gerbert est certainement Auvergnat d’origine, sans que l’on puisse déterminer avec exactitude ni la date, (aux alentours de 938), ni le lieu de sa naissance. Mais c’est, à coup sûr, au couvent de Saint-Géraud d’Aurillac qu’il a reçu sa première formation, fin 967, le duc d’Espagne, Borell, passant à Aurillac, l’emmène a Vich, en Catalogne, pour y recevoir un complément de culture : l'évêquc de cette ville, Hatton, était luimôme fort versé dans les sciences, tout spécialement dans les mathématiques. Dans ce milieu, Gerbert entre en contact avec plusieurs savants, par exemple avec l’abbé Guarin de Cuxa, avec Bonililius qui deviendra plus tard évêque de Gérone, avec Lupitus, évêque de Barcelone, tous personnages avec qui sa correspondance le montre plus tard en relations. Au temps de Jean XIII (965 972), Gerbert accompagne à Borne le duc Borell et l'évêque Hatton. Frappé de sa science, le pape le présente à Otton I er, qui aime à voir affluer à sa cour les célébrités de l'époque, Gerbert n’y lestera pas longtemps. Il sait, dit-il, un peu de mathé matiques, il voudrait se perfectionner dans la dialectique, science nouvelle dont on commence à s'éprendre en Occident. La renommée de l’archidiacre de Reims, Géranne, l’attire en cette ville, où il a tôt fait de dépasser son maître. L’archevêque Adalbéron le nomme écolàtre et, sous l’intelligente direction de Gerbert, l'école de Reims connaît une vogue extraordinaire.

Richer de Saint-Remi décrit avec la précision d’un | témoin l’organisation de l’enseignement que Gerbert avait réalisée à Reims. Ilistoria, t. III, e. xlvi sq., P. L., t. cxxxviii, col. 102. Une grande importance était donnée aux arts du Irivium : grammaire, rhétorique, dialectique. Pour renseignement de la seconde de ces disciplines, l'écolàtre faisait lire à ses élèves Virgile, Stace, Térence, puis les satiriques : Juvénal, Perse, Horace, Lucain aussi que le Moyen Age a toujours aimé ; Sénèque et Quintilien fournissaient les modèles pratiques de déclamations. La dialectique était fort en honneur ; successivement étaient lus l’Isagogue de Porphyre, dans les traductions de Victorin et de Boèce, les Catégories et le Périhcrméneias d’Aristote dans la version du même Boèce, les Topiques de Cicéron avec les explications de Boèce, suivies par le De difjerentiis topieis, le De syllogismis catégoriels et hypotheticîs, les Deflnition.es et les Divisiones des mêmes auteurs. Gerbert ne se bornait pas, d’ailleurs, à l’enseignement du Irivium ; il semblerait même que les disciplines du quadrivium : arithmétique, géométrie, astronomie, musique eussent ses préférences. Aussi bien l'écolàtre était-il l’un des premiers, dans la chrétienté d’Occident, à renouer la tradition des études mathématiques que les Grecs de l'époque hellénistique avaient amenées à un si haut degré de perfection. Au dire de Richer, c’est surtout en astronomie qu’il se révéla un maître préoccupé de faire toucherdu doigt à ses élèves les aspects divers de la réalité. Au lieu de tant calculer et de tant déduire, il construit une sphère céleste qui fera comprendre les mouvements des astres ; d’autres instruments imaginés par lui montreront les positions respectives des planètes aux divers moments ; un dispositif spécial permettra, par l’observation des astres, de déterminer l’heure, non seulement pendant le jour, comme le cadran solaire permettait de le faire, mais pendant la nuit même. Tout cela suppose une masse de réflexions, de tâtonnements, mais aussi de connaissances fort sûres d’ellesmêmes, que l’on chercherait vainement à l'époque. De même en arithmétique, où les opérations sur les nombres sont rendues si compliquées par le système de numération écrite des Latins. Gerbert, qui utilise comme ses contemporains l’abaque (sorte de boulier compteur), simplifie l’instrument en employant des chiffres ou des signes qui ressemblent aux chiffres arabes. Nous ne saurions dire exactement jusqu’où l'écolàtre poussait l’enseignement de la géométrie, ni ses leçons sur la musique, qui correspondaient à la partie de notre acoustique où l’on traite des rapports quantitatifs entre les divers sons musicaux.

Un enseignement si complet et si nouveau ne pouvait manquer de faire sensation. On en parlait jusqu’au delà du Rhin. A Magdebourg, le savant Othric en prenait ombrage et cherchait à se renseigner tant sur les méthodes de Gerbert que sur ses conclusions, principalement dans le domaine de la dialectique ou, comme l’on commençait à dire, de la philosophie. Richer, ibid., e. lv, sq. Or, en 980, dans un voyage qu’il fait en Italie avec Adalbéron son archevêque,

l'écolàtre Gerbert se rencontre à Hænne, à la cour même d’Olton II, avec le savant de Magdebourg. t ne joule dialectique, extrêmement brillante, à laquelle préside l’empereur lui-même, les met aux prises. Tous deux en retirent honneurs et profits. Pour son compte,