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SIMON (III CHAUD)


pendant ce temps, c|tn’le premier de ses grands ouvrages, qu’il ait sux écu niés de trente-cinq ans à sa sortie, Richard Simon reste pour l’histoire le célèbre oratorien » à l’Oratoire, il doit sa vocation de critique et une bonne part de sa formation. Il en a dit quelquefois du bien, plus souvent du mal, dans la ie de Jean Morin ; dans mmi Apologie il le venge du reproche d’avoir été janséniste : i L’Oratoire devint partagé entre deux factions. Celle qu’on nommait les jansénistes y était beaucoup plus forte que l’autre parti, qu’on appelait des molinistes… Le premier y a tellement prévalu qu’il y régne presque tout présentement. Mais j’appellerais plutôt ce parti anti-jésuite que janséniste. Car tous les Pères de l’Oratoire ont signé le Formulaire, et seraient bien fâchés qu’on les traitât de jansénistes.. Iiibl. crit., t. H, p. 330-331, vers 1660. Bien qu’il ait parlé durement du P. Morin, de Thomassin et d’autres, il restait en relation avec quelques-uns de ses anciens confrères, les PP. Du Breuil, Bordes (Iiibl. crit., t. iv, p.. 220), Malebranche, Jean l.amy, La Tour, supérieur général. On seul un peu d’amertume dans cette phrase : » C’est l’ordinaire de la plupart des gens de communauté de se porter envie les uns aux autres, surtout ceux qui se mêlent d’écrire. » Ibid., t. i, p. 145. Batterel, qui ne l’avait pas connu personnellement, ne l’aime pas, il lui reproche son caractère acariâtre, de la duplicité, il l’appelle souvent « notre rabbin » : peut-être traduisait-il le sentiment commun, lequel a persisté au xix 1’siècle, si l’on s’arrête à ce jugement du P. de Valroger : « R. Simon devait perdre le fruit de ses facultés et de son immense érudition. .. L’attention resta concentrée sur les parties dangereuses de ses ouvrages dont les erreurs ont compromis la partie saine et féconde. »

Le moliniste.

A une époque où presque tous

les théologiens étaient augustinistes, il se déclara et resta toute sa vie moliniste ; la plupart de ses confrères à l’Oratoire étaient augustinistes militants : pour un homme qui aimait à batailler, il choisissait bien son temps en y entrant, et ce fut peut-être la première cause des difficultés qu’il rencontra. Bruzen La Martinière dit que le P. de Sainte-Marthe (1(372-I(j ! 10) i avait commencé l’exercice de sa nouvelle dignité par l’éloigncment de ceux qu’il ne croyait pas assez zélés pour le système de la grâce, tel que ses disciples font profession de l’enseigner… Simon fut traité avec beaucoup plus de douceur que beaucoup d’autres à qui on ne faisait aucun quartier. » Éloge, p. 28. A cette époque, l’influence de saint Augustin était telle qu’on peut à peine l’imaginer ; pour Port-Royal en particulier, il est plus qu’une doctrine, c’est une vie ; on y trouvait non seulement des sentences d’oracle, mais de véritables arrêts de vie ou de mort.

Cette doctrine inspire à Simon une aversion qu’il n’essaie pas de dissimuler : damner les cillants morts sans baptême, c’est, selon lui, faire comme dans les cités antiques, vouer à la morl ou à l’esclavage tout ce qui n’en est pas l’élite. Saint Jean Chrx sostome n’amoindrit pas le mystère de la grâce en le presen tant sous un biais plus favorable à la nature humaine. Ce n’est pas que Simon dédaigne saint Augustin, donl il fait souvent l’éloge, mais il refuse d’admettre que, ne sachant pas l’hébreu, il ait "Cependant mieux enten du le véritable sens de l’hébreu que les 1 Iéhrcux mêmes’. Hibl. critique, t. iii, p. Kilt. Il n’approuve pas toutes les allégories et, comme il dit, les pointillés ; il sourit, comme tout le monde fait, quand le docteur entend l’instrument à huit cordes, du jugement dernier : « Il faut mettre, dit-il, de la distinction entre les opinions qui ont été particulières à saint Augustin et celles qui lui ont été communes avec toute l’antiquité… (eux qui favorisent la doctrine des Pères grecs sur la grâce, sur le libre arbitre, sur la prédestination et la répro bation n’entretiennent pas une guerre irréconciliable dans l’Église. Hibl. critique, t. m. p. 137. Il va même jusqu’à dire : « Nous n’avons pas de plus grands ennemis que ceux qui font profession d’être augustiniens. Calvin et nos autres réformateurs, qui ont cru qu’on devait mettre à mort les hérétiques, s’appuient principalement sur l’autorité de ce Père. » Lettres choisies, t. h. p. 233. Il n’attribue pas, et c’est juste, à saint Augustin la même érudition qu’à Origène et à saint Jérôme, mais il a suppléé en quelque manière à ce défaut par la force de son esprit et la solidité de son jugement ». Hibl. critique, t. iii, , p. 468. Cette manière de juger lui venait sans doute des maîtres qu’il avait eus dans sa jeunesse, les jésuites de Rouen, les professeurs de Sorbonne Grandin et Chamillart. Pendant son noviciat, il voulut entrer chez les jésuites, le 1’. lier thad l’en détourna ; toute sa vie, il prit soin de mettre en lumière les titres scientifiques de la Compagnie de Jésus si décriée ; il fait l’éloge du Ratio studiorum, de Petau, de Maldonat qu’il considère comme les deux plus grands savants du xvir’siècle. Il appelle Maldonat « ce grand homme qui fait tant’l’honneur à leur société ». Lettres choisies, t. i, p. 170 ; voir Hibl. critique, t. i, p. 379. < La Société accorde, dit-il, à ses professeurs la liberté de sentiments, ne s’étant pas dévouée à aucun maître en particulier comme font la plupart des compagnies. » Lettres choisies, t. î, p. 351.

Polémique avec Hossuet.

Toutes sortes de

raisons devaient mettre aux prises Hossuet et Richard Simon : le molinisme de celui-ci d’abord. A l’égard de la Bible, Hossuet resta toute sa vie sur l’émotion attendrissante de sa première lecture dans la bibliothèque de son père ; pour Simon, elle fut toujours l’objet d’une curiosité passionnée : étudiant le même livre, ils parlaient deux langues différentes ; l’un ne voyait que la doctrine traditionnelle qu’il fallait axant tout sauvegarder, l’autre s’efforçait de montrer que les idées religieuses, comme toutes les autres, ont une histoire : « Il ne veut pas, dira Hossuet, qu’on le tienne pour suspect. Qui le sera donc, si ce n’est celui qui a vu condamner un livre, où il traitait le fondement de la religion, sans en avoir rétracté aucune erreur’? » 7 re insl., vi* rem., G. Déjà, dans une lettre à Nicole du 7 décembre 1691, il voyait dans l’attitude de Simon un complot contre la religion : « Pour moi, il ne m’a jamais trompé ; et je n’ai jamais ouvert aucun de ses livres où je n’aie bientôt ressenti un sourd dessein de saper les fondements de la religion. »

Avec une volonté impérieuse, Hossuet axait un esprit naturellement timide ; la critique le faisait trembler pour le dogme ; il lui faut, non le langage de la sagesse humaine, mais celui de la volonté divine ; conservateur axant tout, il a horreur de toute nouveauté ; homme de gouvernement, il redoute ce qui peut troubler l’ordre établi : par ses révélations inattendues, son rival était un révolutionnaire dangereux qu’il fallait dénoncer à l’autorité civile. La vérité religieuse ne peut se trouver que dans une tradition ininterrompue dont saint Augustin est le centre. La querelle n’est donc pas entre deux personnes, mais entre deux systèmes : chez l’un, le goût et la recherche des connaissances précises ; chez l’autre, le maintien d’une doctrine vaguement traditionnelle. Simon le disait : Infelix eruditio est scire quod mulii nesciunt, mullo eliam infelicior scire quod omnes ignorant. Lettres choisies, t. iv, p. 159. L’érudition en exégèse était plus quc négligée, presque méprisée par certains au x ir siècle. N’était ce pas le caractère strictement historique des ouvrages de Simon que condamnait Hossuet, pourtant historien lui-même ? Il disait de son adversaire : i (.’est un moqueur déclaré », sans se demander si les qualificatifs dont il était l’objet et les mesures prises envers lui n’avaient pas contribué à le rendre tel. l’eut-on lui