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reprocher la modération, un peu narquoise sans doute. qu’il oppose aux diatribes violentes de son adversaire, lui faire un grief de sa prétention d’être un savant, là où tout le monde se contentait d’être un croyant ? N’aurait il pas mieux valu, au lieu des fins de non recevoir opposées par Bossuet, se rendre aux raisons apportées, comme a essayé de faire Simon, retremper ses armes contre des hérésies subtiles et raisonnantes. qui liraient tout leur avantage de l’étude de l’histoire et de la connaissance littéraire des textes’.'

Faut-il voir là plus qu’une coïncidence, une relation de cause à effet, comme dans ce que 11. Brémond appelle la » retraite des mystiques » ? Après 1678, la vie intellectuelle va s’affaiblir singulièrement : Launoy vient de mourir : la grande et forte génération des jésuites si chers à Simon, Petau, Sirmond, l.abbe, llallois a disparu, l.a condamnation de la méthode historique, nouvellement créée, n’allait-elle pas jeter l’interdit sur la recherche exégétique ? Si Bossuet a réussi à imposer ses vues au plus grand nombre, n’estce pas que le plus grand nombre, même à son insu, les avait aussi : la critique froisse certains sentiments profonds et mal définis de la nature humaine. L’ardeur de tout comprendre, en religion surtout, passe pour témérité, curiosité frivole, sinon sacrilège. Le fait est que la fin du xvii>e siècle donne le spectacle d’une paresse intellectuelle déconcertante, qui sera suivie de la complète indifférence du xviir siècle. Bayle, dit-on, s’étonnait que l’on ait traité si sévèrement un ouvrage si favorable aux prétentions de l’Église romaine sur l’autorité de la Tradition. Batterel, op. cit., p. 258. Peut-être que beaucoup de mal eût été évité, si Bossuet, examinant à tête reposée le livre contre lequel il s’était déchaîné, avait pu le faire servir, comme il se l’est proposé un moment, à la réfutation du protestantisme. Voir Éloge liist., p. 59 et Lettres choisies, lettre à Mgr l’archevêque ***, t. iii, p. 261. La condamnation de l’Histoire critique est devenue pendant deux siècles la condamnation même de la critique simonienne et de la méthode historique en exégèse.

Richard Simon et le protestantisme.

Si Bossuet

n’accuse pas positivement Simon d’être protestant, il ne se cache point pour dire qu’il est de connivence avec eux : « Déplorons la nécessité où nous sommes de faire connaître un auteur qui voudrait être l’interprète de l’Église catholique, après s’être livré aux protestants pour mériter auprès d’eux cette qualité. » / instr..i* rem.. 7. Il est plus vif encore dans a Défense de la Tradition et des Saints-Pères, I re part., t. II, C. xviii. A ce coup, il se déclare à visage découvert. L’esprit protestant, je le dis à regret, mais il n’est pas permis de le dissimuler, oui, l’esprit protestant paraît.

L’accusation est au moins étrange à l’égard de celui qu i s’est toujours vu attaqué par les protestants et qui a composé contre leurs ministres les réponses citées plus haut. Simon est au contraire l’adversaire déclaré des conceptions fondamentales de la théologie protestante : ne montre-t-il pas que les réformés ne sauraient trouver dans la Bible les dogmes qu’ils professent ; tant de questions difficiles qu’il pose sur l’état des textes bibliques ne sont-elles pas restées comme autant d’arguments invincibles pour prouver la nécessité d’une Église qui nous les explique ? Il est impossible de se passer d’une tradition surveillée et dirigée par elle. Comment le libre examen peut-il se tirer des difficultés provenant des variantes du texte, de la diversité des versions ? Il en acceptait la loyale discussion et la révocation de l’Édit de Nantes a pu lui apparaître comme la véritable banqueroute de la controverse.

Port-Royal, au contraire, tout en combattant le protestantisme, ne parait-il pas obligé de s’en défendre lui-même ? Les anathèmes qu’il lance contre la doctrine protestante, les syllogismes dont il se sert ne sem blent-ils pas faits pour tenir à distance un adversaire dont il n’est pas bien sur de différer ? L’illuminisme protestant est-il donc si éloigné de ce que disaient les jansénistes, que la lumière infuse peut suppléer à la connaissance des grammaires ? Si B. Simon s’était senti quelque sympathie pour le protestantisme, aurait-il mis tant d’ardeur à relever les contresens de Luther dans sa traduction de la Bible ? Le plus intéressant, c’est qu’il ne se montra pas autrement surpris de ces violents reproches d’hérésie qui ne semblent pas avoir troublé sa placidité d’érudit.

Changements de l’opinion en ce qui le regarde.


Après tout cela, comment s’étonner que Richard Simon ait été si diversement jugé ? A part quelques-uns, car il paraît n’avoir eu que peu d’amis et pas ou presque pas d’élèves, ses contemporains lui ont été à peu près tous défavorables ; longtemps, les Pères de l’Oratoire ont paru vouloir faire le vide autour d’un confrère si compromettant ; le xviii c siècle semble s’en être peu occupé ; le xix r siècle, qui s’y est intéressé davantage, n’a pas été beaucoup plus juste.

Sainte-Beuve, qui se vante de « remonter le coul rant », de briser la couche de glace que forment sur les œuvres importantes les décisions du passé, si aveuglément suivies quelquefois, se contente cependant de reproduire les idées de Bossuet et de signaler dans une note les dangers de la nouvelle exégèse : « C’est par cette espèce de critique qu’en Allemagne la foi en l’Écriture a péri, Strauss est au bout. » Port-Royal, 2e éd., t. iv, p. 395 ; plus loin, il le qualifie ainsi : « Le célèbre Bichard Simon, alors de l’Oratoire, et le prochain introducteur du rationalisme dans l’exégèse », t. v, p. 201. C’est injuste.

Brunetière ne loue-t-il pas également Bossuet d’avoir placé Simon parmi les pires ennemis de la religion et de n’avoir « laissé sans réponse aucun de ses arguments ». Études critiques, t. v, p. 83. Lanson, pourtant rationaliste, n’a-t-il pas tracé de Simon une effigie qui pourrait être le portrait, non pas même de Strauss ou de Benan, mais de Dupuy et de "Volney, pour le dénoncer comme l’ennemi de toute véritable exégèse. Bossuet, c. vii, 5, p. 373 sq.

La fin du xixe siècle est revenue sur des jugements si sommaires : Citons d’abord le chapitre du P. de La Broise dans Bossuet et la Bible, 1891, c. xii r « Chez Bossuet, le ton n’est pas longtemps sans s’élever et l’épigramme touche à l’anathème… Il a parfois des paroles dures et qui pourraient donner une fausse idée de son adversaire… Il ne distingue pas assez la critique elle-même d’avec les témérités de B. Simon », p. 359, 363 ; ensuite, l’étude si intéressante, mais peut-être excessive dans ses éloges, de M..Margival, parue dans la Revue d’histoire et de. littérature religieuse, cinq premières années. Ils axaient été précédés par les ouvrages de Graꝟ. 1817, Cochet, 1862, Bernus, 1869 et 1882 ; Denis, 1870. Voir la bibliographie.

Au xx c siècle, des livres importants sont consacrés à B. Simon : le plus considérable est de F. Stummer, Die Bedeulung Richard Simons fur die Peniateuchkritik, Munster, 1912, qui admet comme à peuprès définitif le jugement de Bichard Simon sur l’âge et la valeur du Pentateuque samaritain, jugement porté en un temps où tous les sa ants étaient dans l’erreur et qui suffirait sans doute à établir sa gloire. Les articles de Bludau lui donnent raison pour le Comma fohannseum ; eu 1922. dans une étude sur les Lettres choisies, Stummer démontre que Simon n’a rien du savant de cabinet, du collectionneur de manuscrits, que son érudition au contraire est aussi étendue et aussi pratique que possible, que son esprit est as^cI. universel, fout en jugeant insuffisante la théologie courante, ayant dû endurer beaucoup de la pari des représentants (le l’Église, il est resté au fond de lui-même fermement attaché à