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SIMON LE MAGIC ! EN

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croyaient à la réalité du personnage de Simon. Outre les Actes canoniques, ils en avaient pour garants les affirmations de Justin. Nous avons Indiqué plus haut que Justin, originaire de la Samarie, pouvait avoir sur l’existence d’une secte simonienne des renseignements de bon aloi. Nous demeurons sceptique quant à la valeur de son témoignage relatif à une activité de Simon à Rome.

2° Le magicien Simon tt l’hérétique Simon. l’osée l’existence historique du magicien dont parlent les Actes canoniques et Justin, on peut se demander si une confusion ne s’est pas produite entre ce personnage et le fondateur éponyme d’une secte simonienne, lequel pourrait être postérieur d’un siècle ru charlatan de Samarie. De prime abord il y a une telle différence entre ce que les Actes nous rapportent de Simon, qui est surtout un enchanteur et un faiseur de tours, et ce que disent d’autre part les hérésiologues — quelle que soit d’ailleurs la manière dont ils exposent le système simonien — que l’on est bien tenté d’opérer cette dissociation du magicien contemporain des apôtres et d’un gnostique postérieur à cette date, la dissociation du Simon de Samarie et du Simon de Gitthon.

H. Waitz, dans Prot. Realencyclop., t. xviii, p. 357, rejette comme intenable » cette combinaison qui avait été présentée par divers critiques du milieu du xi.e siècle. « Justin, dit-il, devait être suffisamment renseigné sur les choses de Samarie pour ne pas antidater d’un demi-siècle ou même de trois quarts de siècle le fondateur d’un groupe religieux connu de lui, qu’il semble bien identifier avec le Simon des Actes. A quoi l’on pourrait faire observer que Justin n’en est pas à une confusion près. D’origine helléniste, était-il si bien renseigné sur les diverses sectes de la Samarie, surtout à une époque de sa vie où sa pensée religieuse ne se détachait pas encore du paganisme gréco-romain’.' Il ne faudrait pas trop insister sur un témoignage qui se trouve vicié, quand il s’agit de la statue de Simon, par une grave inexactitude. Si on le retient, il faudra ne pas oublier, d’ailleurs, que Justin parle moins d’une secte de simoniens que du culte rendu à Simon et subsidiairement à Hélène par un très grand nombre de Samaritains. Ce n’est pas tout à fait la même chose. A la vérité, les mots de Justin sur Hélène que Simon aurait fait passer pour sa première pensée, Ijvoux — pco-rr, , semblent bien faire allusion à un début tout au moins de spéculation métaphysique. Il convient de les retenir.

Le magicien Simon divinisé.

Le livre des

Actes avait déjà marqué le double caractère de Simon. C’est un faiseur de prestiges ; mais les prodiges qu’il réussit font croire, autour de lui, à une origine surnaturelle : il est une « Vertu de Dieu », il est même la « Grande vertu ». Et il n’est pas invraisemblable que le magicien se soit prêté, de son vivant même, à cette sorte d’apothéose populaire. Sans aller jusqu’à lui faire dire des paroles comme celles que mettent sur ses lèvres les Actes de Pierre, ci-dessus, col. 2 32, on peut penser qu’il s’est plié aisément à certaines manifestations d’enthousiasme de ses compatriotes. Que cette apothéose populaire ait persévéré après sa disparition, sur les conditions de laquelle nous n’avons aucune donnée ferme, c’est ce qui n’a rien d’impossible, (/est ainsi que Simon serait devenu le Dieu dont parle Justin. I.e difficile est d’expliquer la place qui fut faite à côté de lui a une divinité parèdre, Hélène, que l’on aurait considérée ultérieurement comme sa pensée, son verbe hypostasié.

H. Waitz, pour y aboutir, est obligé de prendre un singulier détour. I.e culte de Simon, dit-il, se serait confondu peu a peu, en Samarie et peut-être aussi dans la région tyrienne, qui n’en est pas fort éloignée, avec le culte du dieu-soleil (le nom de Simon est-il si

loin du mot Semei : le soleil’.'). Mais en toutes ces régions sémitiques le culte du dieu-soleil a pour inévitable complément celui de la déesse-lune, Astarté, culte qui. au temps hellénistique, avait aussi pénétré dans la Samarie. Ainsi aux côtés de Simon-soleil parait le culte d’Hélène-lune. Car, on n’en saurait douter, pense II. Waitz. Hélène n’est pas un personnage historique ; elle est inconnue aux Actes canoniques, à la tradition représentée par les Actes tir Pierre, aux Alexandrins, Clément et Origène, à -’i' r y.n’.ç U-e-fàXlf] (on noiera pointant qu’elle est mentionnée dans les Clémentines). C’est Justin qui. par une fausse interprétation du culte des Samaritains, lui a donné existence personnelle, en même temps qu’il a suggéré l’explication que l’on donnait de sa présence aux côtés du personnage historique de Simon. « lue certaine Hélène, qui l’accompagnait (de son vivant) dans toutes ses courses et qui avait d’abord vécu dans un lieu de prostitution, passe (chez les Samaritains adorateurs de Simon) pour être sa première pensée, Tout ceci est très ingénieux, mais n’est peut-être pas très convaincant. Voir une autre explication présentée par I..-H. Vincent, dans la Revue biblique, 1936, p. 227 sq. Elle constate l’existence en Samarie d’un culte d’Hélène, et fait de Simon le mystagogue ou le pontife de ce sanctuaire local de la tille de /eus. Dans cette hypothèse, d’ailleurs, on ne nie pas l’existence à côté de la déesse Hélène, d’une compagne de Simon, d’une Hélène en chair et en os, incarnation, si l’on peut dire, du personnage céleste. De toutes manières s’explique la divinisation de Simon et de sa déesse parèdre.

4° Le dieu Simon objet de spéculation métaphysique.

— L’existence, au milieu du iie siècle, d’une secte simonienne paraît assez clairement attestée, sinon par Justin, comme nous l’avons dit plus haut, du moins par Irénée (ou son garant), par Clément et Origène qui sont indépendants de l’auteur du Contra hæreses. Tout en déclarant que la secte a peu d’importance, ces deux derniers ne laissent pas de la considérer comme une grandeur bien définie.

Quels étaient les rapports de la secte avec Simon supposé le même que Simon le Magicien ? Faudrait-il envisager celui-ci comme le fondateur même de ce groupe religieux ? Ce n’est pas du tout certain. Le seul renseignement tout à fait authentique, celui d’Act., vm, ne le présente pas sous ces traits. Il n’y apparaît ni comme un Messie venant implanter sur la terre le règne de Dieu, ni comme le chef d’un mouvement religieux parallèle au christianisme. Rien qui rappelle chez lui le fondateur d’Eglise que fut Marcion. Comme le fait remarquer justement H. Waitz, dans le système gnostique qui porte son nom, il est a objet de spéculation », ce qui exclut, ou à peu près, l’idée qu’il serait l’inventeur de la doctrine même. Sur sa personne, sur son rôle dans l’histoire du monde et de la religion, on s’est mis à spéculer, à une date sans doute où le souvenir de sa personnalité historique s’était déjà bien effacé. En d’autres termes la secte simonienne, avec ses dogmes et, si l’on veut, ses pratiques arrêtées, a pris naissance dans les milieux où l’on adorait le cieu Simon, elle ne dérive pas directement, comme la secte basilidienne par exemple, ou comme l’Église marcionite, d’une activité propagandiste de Simon.

Les doctrines qui se déduisaient dans ce milieu qui paraît avoir été fort syncrétiste, ne s’exposaient pas partout de la même manière. Nous avons noté la ditïé renée considérable qui sépare l’exposé l’ait par Irénée et celui que donne I lippolvle. l’our ce qui est du premier, il apparente nettement les i ées simoniennes à la gnose valenlinienne, mais a une gnose valenti nienne moins complexe. Car — c’est l’idée d’Irénée les spéculations de Valentin ont leur point de départ