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SOCINIANISMF.


blêmes qui le passionnent : la personnalité du SaintEspiit, la divinité de Jésus-Christ, la résurrection de la chair, la prédestination. Calvin s’irrita très vite de ses audaces. Bullinger lui-même, bien que moins intransigeant et moins combatif, lui conseilla la prudence, l.élius passa en Allemagne pour visiter Wittemberg. Là il fit la connaissance de Mélanchthon qui fut séduit par son intelligence, sa souplesse d’esprit, son aménité, sa gaieté. On le trouve en septembre 1549, immatriculé a YVittemberg. Une lettre du Polonais Jean Maczinski à Conrad Pellikan, un Alsacien passé au zwinglianisme et devenu professeur d’hébreu à Zurich, prouve que, dans ses pérégrinations, Socin se faisait volontiers le messager des « réformateurs » des divers pays d’Europe, transportait leurs lettres et discutait leurs doctrines. Cette même lettre trace de lui un portrait ravissant. Elle vante l’agrément de sa conversation, l’abondance de sa parole, la hardiesse de sa pensée, la liberté de ses discours : liberrime de omnibus rébus cum liujus scholæ doctoribus colloquitur, confert et disputât, liberrime etiam vestram et suam sententiam profiietur. Cette liberté ne l’empêche pas, ajoute Maczinski, d'être l’intime de Mélanchthon, qui, depuis la mort de Luther, trois ans plus tôt, était le grand chef de l'Église de Saxe. « Il n’est personne à "Wittemberg, dit Maczinski, étudiant lui-même à l’université du lieu, qui ne recherche l’amitié de Lélius, ne converse volontiers avec lui, et notamment Philippe (Mélanchthon) qui ne lui cache rien de ses pensées. » Voir Th. Wotschke, Der Briefwechsel der Schweizer mit den Polen, Leipzig, 1908, p. 27 sq. Sa liaison avec Maczinski et d’autres étudiants polonais engagea sans doute le grand voyageur qu'était Socin à visiter la Pologne. Il y fit plusieurs séjours, notamment en 1556 et 1558. Nous avons, à la date du 24 mai 1558, une lettre de Calvin le recommandant au prince Nicolas Radziwill, dont le secrétaire était justement Maczinski. D’autres lettres de Bullinger et de Musculus lui servirent d’introduction dans la société polonaise, alors très portée aux innovations religieuses et très accueillante à toutes les variétés d’opinions : zwinglianisme, calvinisme, luthéranisme, anabaptisme, néo-arianisme, néonestorianisme, etc. Voir Trechsel, Die protestantische Antitrinitarier vor F. Socinus, 2 vol., Heidelberg, 1839 et 1844. Nous avons aussi des lettres de Lélius à Pullinger. datées de Cracovie en janvier 1559, dans Illgen, Symbolarum ad vitam Socini illustrandam particula, Leyde, 1826, t. iii, p. 35. Lélius assista à la Diète polonaise de Petrikau, où le nonce du pape, accompagné de saint Pierre Canisius, fut si mal reçu (novembre 1558-février 1559). Mais Lélius Socin ne restait pas longtemps en place. Il revint à Zurich, passa en Italie pour disputer son patrimoine a l’Inquisition qui le poursuivait pour ses opinions suspectes, échoua dans cette entreprise et revint à Zurich, pour y mourir prématurément, en 1562, a l'âge de trente-sept ans. Ce premier Socin, figure fuyante et mystérieuse, toujours en route, toujours en discussion avec quelqu’un, mais sans acrimonie et sans violence, ne fit que préparer les voies à son neveu, Fauste, héritier de ses manuscrits bourrés de notes et de ses idées aventureuses.

2° Fauste Socin était né, lui aussi, à Sienne, en 1539. Il se rattachait, par sa mère, à l’illustre maison des Piccolominl qui avait donné deux papes à l’Eglise, Pie II et Pie III. Pesté orphelin de bonne heure, il eut une jeunesse un peu négligée et sa formation subit des lacunes que sa vive intelligence ne put jamais combler. Comme ses ancêtres et son oncle, il s’adonna aux cluiles de droit, tout en manifestant un goût prononcé pour les problèmes t héologiques et bibliques. Il semble bien que son oncle, soit par ses lettres, soit par ses entretiens, l’ait détourné très vite de la doctrine catho lique. Quand l’Inquisition poursuivit Lélius, en 1559, Fauste jugea prudent de s'éloigner. Il vint à Lyon, grande ville de commerce, où abondaient les étrangers, où pullulaient les opinions religieuses. Il y resta trois ans, de 1559 à 1562. Il se rendit alors à Zurich pour recueillir les papiers de son oncle, qui venait d’y mourir. Ces papiers, en général notes érudites, mais sans ordre, lui fournirent une abondante matière à réflexion. Fauste, dont les dispositions d’esprit étaient assez semblables à celles de son parent, se nourrit avidement de son héritage et accepta toutes les idées qui lui étaient léguées. Il pourra se vanter plus tard de n’avoir eu d’autres maîtres que la Bible et son oncle. Le premier fruit de ses études fut la publication d’une Hxplicatio primæ partis primi capitis Evangelii Joannis, l’ouvrage parut sans nom d’auteur. Fauste était prudent ; il devait publier la plupart de ses nombreux ouvrages sous le voile de l’anonymat. Sa première œuvre porte déjà la marque de son esprit. Elle était, a-t-on dit, le programme de l’antitrinitarisme. En la même année 1562, Fauste Socin revint en Italie. Ses titres de jurisconsulte et ses relations de famille lui donnèrent entrée à la cour très libre du grand-duc François de Médicis, à Florence. Il y remplit des charges importantes et y fut comblé d’honneurs durant les douze ans qui s'écoulèrent jusqu’en 1574. Un seul petit traité, De S. Scripluræ autoritate, anonyme naturellement, prouve qu’il n’oubliait pas, au sein de sa vie mondaine, les questions religieuses. En 1574, soit lassitude, soit crainte de l’Inquisition, soit goût des aventures, il quitta Florence, sans prendre congé, et repoussa dans la suite toutes les amicales invitations de la cour grand-ducale. Il séjourna quatre ans à Bàle et y publia deux de ses plus importants ouvrages : De Jesu Christo servatore et De statu primi hominis ante lapsum. Tout en refusant à Jésus-Christ la divinité proprement dite, il affirmait qu’on devait le vénérer et même l’adorer comme la « Parole » de Dieu au monde, associé par Dieu à son pouvoir après sa résurrection. C’est ce qui explique qu’en 1578 il se soit rendu à l’invitation de l’antitrinitaire Blandrata — un Italien également — qui le suppliait de venir réfuter, avec lui, en Transylvanie, l’hérésiarque François Davidis, autre antitrinitaire, qui repoussait l’adoration due au Christ. Il y eut, à ce sujet, de violentes discussions. Davidis fut jeté en prison pour ses idées.

Socin quitta le pays pour se rendre en Pologne, où le souvenir de son oncle était toujours vivant. Il espérait y trouver des amis, des partisans, une Église de son choix. Ses efforts parurent d’abord vains. Les « Frères polonais ». qui étaient des antitrinitaircs comme luimême, exigèrent de lui qu’il se fit rebaptiser. Comme il s’y refusait, la communauté le repoussa de ses rangs. Fauste Socin n’admettait pas le baptême des enfants, mais, comme il n’attachait pas au rite baptismal une très grande importance, il estimait que seuls les nonbaptisés devaient recevoir le baptême, en devenant chrétiens. D’autres dissentiments le séparaient du reste de ce groupe antitrinitaire anabaptiste de Pologne (Cracovie). Fauste Socin ne se rebuta pourtant pas. Il entreprit, avec une belle audace, de gagner ses propres adversaires, en réfutant les opinions qu’il ne partageait pas chez eux et en s’elTorçantde faire l’unité sur les points qui lui étaient communs avec eux. Et il réussit dans cette difficile entreprise. La réaction catholique opérée sous le roi Etienne Hathory l’obligea à quitter Cracovie, en 1583. Mais il se réfugia dans un Village voisin, épousa la Mlle du seigneur du village et acquit de la sorte une certaine Influence au sein de la noblesse polonaise, très Indépendante et très libre d’allures. Il put revenir à Cracovie, pour de courts séjours, en 1585 et 1587, se fit un nom comme théologien dissident, subit, à diverses reprises, des persécutions de