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SOI". 1 NIANISME

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la part des catholiques, vit même ses papiers, ses livres et ses manuscrits brûlés sur la place publique, sa personne maltraitée, en 1508. Il put rester pourtant en Pologne, Jusqu'à sa mort, le 3 mars 1604, sous la protection d’un seigneur de village, non loin de Cracovie.

II. Organisation de l'Église socinienne en Pologne. — Les deux Socin appartenaient a l’aristocratie italienne. Ils avaient de la prestance, du charme dans les manières, une éloquence entraînante. Cela explique leur succès dans les milieux aristocratiques de Pologne. Fauste Socin utilisa avec persévérance et habileté l’extrême indépendance de la noblesse du pays, pour créer, surtout dans les châteaux, de nombreux petits groupes de chrétiens antitrinitaires. Les adhérents de la secte se piquaient de culture humaniste et biblique. Ils ouvraient des écoles où la jeunesse noble puisait les idées sociniennes. La plus importante de ces écoles fut celle de Rakow. petit bourg de la province (palatinat, en polonais) de Sandomir (actuellement de Kielce). Ce bourg avait été créé par le castellan de Zarnow, Jean Sieninski, passé au protestantisme. Il s’y réunit un groupe important d’antitrinitaires et, lorsque le fils du fondateur, Jacques Sieninski, passa au socinianisme, en 1600, le village devint une sorte de capitale de la secte. L’enseignement de la philosophie et de la théologie y fut organisé, une imprimerie établie.

Les sociniens durent leur force expansive à ce double outillage : une haute école et une presse pour publier leurs écrits. De toutes parts, la noblesse envoyait ses enfants à cette sorte d’université dont l’esprit libre les attirait. On y compta jusqu'à mille étudiants et on y vit, côte à côte, des calvinistes, des anabaptistes, des sociniens (en majorité) et même des catholiques. Enfin, ce fut à Rakow que se tint régulièrement chaque année, durant une ou deux semaines, le synode général des sociniens, comprenant tous les ministres, les anciens et les diacres des communautés particulières. Au-dessous de ce synode général se réunissaient des synodes de districts réglant toutes les questions doctrinales ou disciplinaires d’un groupe de communautés. Grâce à l'école de Rakow, la succession spirituelle de Fauste Socin se trouva assurée. Nommons parmi les principaux continuateurs de son œuvre et de sa pensée : Valentin Schmalz (1572-1622), grand polémiste, écrivain fécond, professeur écouté ; Jean Vôlkel († 1618) ; Christophe Ostorodt († 1615) ; Jérôme Moskorzowski (Moscorovius) (+ 1625) ; Adam Goslaw ; André 'Woidowski ; JeanCrell (1590-1631) ; Martin Ruarus (1589-1657), etc.

Pourtant, la restauration catholique dont la Pologne fut le théâtre sous le règne de Sigismond III (15871632) gêna considérablement le développement du socinianisme. Après ce règne, le Gymnasium bonarum urtium de Rakow, orgueil et citadelle de la secte, fut fermé en 1638. Vingt ans plus tard, la diète de Varsovie mettait fin à l’aventure socinienne en Pologne et obligeait les membres de la secte à s’expatrier. Ils se répandirent en divers pays. Plusieurs passèrent en Amérique et fusionnèrent avec les groupes unitariens issus d’origines diverses. Le socinianisme se confond dès lors avec l’unitarisme.

III. La doctrine socinienne.

Le socinianisme n’a jamais eu de confession de foi officielle. En pratique, il a considéré comme telle une œuvre de son fondateur, Fauste Socin, intitulée : Christianæ reliyionis brevissima institutio per interroyationes et responsioncs, quam calechismum vulgo vocant, appelée plus brièvement : le Catéchisme de Rakow. C’est surtout à ce document que nous demanderons la doctrine socinienne. Notons toutefois que le socinien André Wissowatius publia, en 1656 et dans les années suivantes, à Amsterdam, une Hibliotheca jratrum polonorum, quos uni tarios vocant, qui contenait, en 5 vol., toutes les œuvres de Fauste Socin, celles de Crell et de Jonas Sehlichting et de quelques autres sociniens moins importants.

Ce qui frappe avant tout, dans la doctrine socinienne, c’est le manque de logique. On ne sait comment la définir ou l'étiqueter. Elle est à la fois un fidéisme et un rationalisme inconséquent et timide.

Concept de la religion chrétienne.

Le catéchisme

de Rakow s’ouvre par une définition de la religion chrétienne : Heligio christianæst via patefacta divinitus vitam irternam consequendi. Cette religion a perfectionné la religion hébraïque et la religion patriarcale. La foi en Jésus-Christ n’a rien ajouté de nouveau, mais le Christ a seulement introduit des qualités nouvelles dans la religion primitive, en précisant et surélevant et les promesses et les préceptes de Dieu.

On saisit ici, dès le principe, l’inspiration antitrinitaire du socinianisme : le dogme de la Trinité est en effet étranger à la religion patriarcale comme à la religion mosaïque. Dire que le Christ n’a rien apporté de totalement nouveau, c’est déjà insinuer l’unitarisme. Pourtant, le socinianisme se confondrait avec le judaïsme, s’il en restait à l’Ancien Testament. Il s’en garde bien. Il affirme que le Nouveau Testament contient tout l’Ancien, avec plus de clarté et de perfection, que l’Ancien Testament n’a plus guère, pour le chrétien, qu’un intérêt historique. Et malgré cela, il admet l’inspiration, car selon lui, les écrivains bibliques ont écrit divino spiritu impulsi eoque dictante. Mais l’inspiration ne s'étend pas aux détails. Et c’est ainsi que le rationalisme illogique des sociniens fait son apparition. Au lieu de s’incliner purement et simplement devant le texte inspiré, ils prétendent le juger, au nom de la raison. Us admettent qu’il peut contenir certains dogmes supérieurs à la raison, mais non contraires à la raison : contra rationem sensumque ipsum communem. Mais comment faire la distinction entre ce qui est au-dessus et ce qui est contre ? Et comment supposer que, dans un texte inspiré, aient pu s’introduire des affirmations contraires à la raison ? Nous avons donc affaire ici à un fidéisme sans consistance, doublé d’un rationalisme sans règle fixe.

Unité de personne en Dieu.

Le premier exemple

d’un dogme au-dessus de la raison, mais non contraire à la raison, est, selon les sociniens, celui de la personnalité divine. La raison ne peut connaître, par ses seuls moyens, ni l’existence ni la nature de Dieu. Il lui faut, pour cela la révélation. Les seules preuves de l’existence de Dieu sont dans les Écritures. Pour nous, savoir que Dieu est, c’est savoir qu’il est notre créateur et notre maître souverain. L'Écriture nous l’apprend. Mais la raison nous affirme d’autre part que nous sommes libres, donc, contre le fatalisme de Luther et de Calvin, nous ne pourrons admettre que l’omniscience de Dieu s'étende au-delà des futurs nécessaires. Au surplus, les sociniens insistent beaucoup plus sur la bonté, la miséricorde, et « l'équité » de Dieu, que sur sa justice punitive. Enfin, le dogme qui leur tient le plus à cœur est celui de l’unité de personne en Dieu. L’unité de Dieu est affirmée avec force à toutes les pages de l'Écriture. Elle est un dogme nécessaire au salut. Le dogme traditionnel de la Trinité, professé par les catholiques et les protestants, est contraire à la Bible. En particulier, l’Esprit-Saint n’est nulle part appelé Dieu. Il est clair que, dans les textes bibliques, il n’est rien de plus qu’un attribut de Dieu, une force ou activité de Dieu. On chercherait en vain, dans l'Écriture, les mots de « personne », de « génération éternelle du Verbe ». La raison s’oppose Invincible ment à ce que dans l’unique essence divine il y ail plusieurs personnes : Plures numéro personæ in una