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SOCINIANISME — SOCHATK


rieure. Ils professent donc un pélagianisme radical. L’homme a reçu du Christ la révélation de la volonté de Dieu et de ses promesses. Il a en lui-même tous les moyens d’obéir à cette volonté afin de bénéficier de ces promesses. La présence d’un influx divin ne saurait être qu’une exception. Elle n’est pas exigée d’ordinaire et l’autonomie de l’homme est totale. L’homme est sauvé par la foi à l’enseignement de Jésus, mais cette foi ne suffit pas, il faut en outre la confiance en Dieu et dans le Christ, conduisant a l’accomplissement des commandements. La justification est purement imputée : Justifîcatio est cum nos Dcus pro justis habet, quod ea ratione facit cum nobis et peccata reniillil et nos vita œterna donat. Mais il n’y a pas eu besoin pour cela de la mort satisfactoire du Christ. Cette mort ne fut pas un sacrifice expiatoire pour nous. Elle ne fut donc qu’un grand exemple, de même que la résurrection du Christ fut un grand miracle, qui nous assure du don de l’immortalité que Dieu entend nous faire, si nous obéissons à ses préceptes. Cette immortalité d’autre part ne sera pas la résurrection de notre chair actuelle, mais une résurrection avec un corps spirituel, tel qu’il est décrit par saint Paul, dans I Cor., xv. Ce changement de corps n’affectera aucunement la personnalité proprement dite, car l’identité de personne vient de l’identité de l'âme et non de la chair.

Ecclésiologie.

Si le socinianisme diffère profondément, en tout ce qui précède, des autres formes du

protestantisme, puisqu’il repousse avec netteté non seulement le dogme de la trinité, celui de l’incarnation, celui de la rédemption par le sacrifice de la croix, mais encore les dogmes spécifiques du protestantisme luthérien ou calviniste : la déchéance originelle, le serf-arbitre, la prédestination absolue, la justification par la foi seule, le biblicisme antirationaliste, il s’en rapproche au contraire très clairement dans sa conception de l'Église. Il distingue en effet, comme Luther et Calvin, entre l'Église visible et l'Église invisible. Il définit la véritable Église par la vérité de la doctrine. L'Église visible est pour lui : cœtus eorum hominum, qui doctrinam salularem tenent et profitentur. C’est ce qui a fait dire à Harnack que le socinianisme « définit l'Église comme une école » (Précis de l’histoire des dogmes, trad. Choisy, Paris, 1893, p. 427), c’est-à-dire comme une académie de théologie.

Cette Église, les sociniens la veulent indépendante de l'État. Ils la conçoivent comme une monarchie, dont le Christ est l’unique roi, et dans laquelle, audessous du Christ, tous sont égaux. Les offices exigés par le fonctionnement de l'Église ne sont pas des ordinations proprement dites, mais de simples services subordonnés à la communauté entière. Ces offices sont au nombre de trois : les pasteurs, les anciens, les diacres.

Les pasteurs ont la charge de l’enseignement et de la prédication. Les anciens administrent la communauté et résolvent les cas litigieux. Les diacres sont préposés aux finances, au soin des pauvres, des veuves et des orphelins. Les anciens et les diacres sont nommés à l'élection par la communauté. Les pasteurs sont désignés par le synode. Il y a deux sortes de synodes, les synodes provinciaux et le synode général. Y prennent part les pasteurs, anciens et diacres de chaque communauté locale. Le synode général est la plus haute autorité de l'Église socinienne, la dernière instance en matière disciplinaire comme en matière dogmatique. Il se réunit chaque année. La discipline socinienne est très stricte. Les sanctions appliquées varient de la simple admonestation à l’excommunication. Le pouvoir de lier et de délier est identifié au pouvoir de déclarer digne ou indigne d’appartenir à l'Église. Le recours au « bras séculier » est interdit dans tous les cas. Et, d’autre part, la rébellion contre un

pouvoir hostile n’est jamais permise. Socin désapprouvait formellement les guerres de religion, telles qu’elles avaient eu lieu, de son vivant, de la part des huguenots français contre le gouvernement établi.

Telle est, dans ses lignes essentielles, cette doctrine étrange, à la fois suprarationaliste et rationaliste, en ce qu’elle admet la révélation, le miracle, la prophétie et qu’elle va jusqu'à faire de l’immortalité de l'âme un don surnaturel, mais, dans le même temps, veut élever la raison pure au rang de juge suprême de la révélation, de son sens, de ses limites et de sa portée. Le socinianisme apparaît ainsi comme une sorte de compromis bâtard entre l’humanisme italien plus ou moins incrédule, le protestantisme antiromain et le nominalisme rationaliste, un amalgame des tendances éparses et contradictoires du temps où il naquit et se développa.

Sources.

Bibliotheca fralrum polonorum, quos unitarios vocanl, Irenopoli (Amsterdam), 1656 sq., 5 vol., surtout

les t. i et ii, contenant les œuvres de Fauste Socin ; Der Briefwechsel der Schweizer mit den Polen, publié dans Archiv fiir Heformationsgeschichte, par Théodore Wotschke, Leipzig, 1908 ; Lubieniecius (Lubienecki), Historia reformations Polonicæ, Preistadii (Amsterdam), 1685 ; Illgen, Symbolarum ad vitam Socini illustrandam particula, Leyde, 1826, 3 vol.

Littérature.

Illgen, Vita Lœlii Socini, Leipzig, 1814 ;

Lamy, Histoire du socinianisme, Paris, 1723 ; Trechsel, Die protestantische Antitrinitarier vor Faust. Socinus, 2 vol., Heidelberg, 1839 et 1844 ; surtout O. Fock, Der Socinianismus nach seiner Stellung in der Gcsamtenlwicklung des christlichen Geisles, sein hislorisches Verlauf und sein Lehrbegrifꝟ. 2 vol., Kiel, 1847 ; Harnack, Lehrbuch der Dogmengescliichte, t. iii, 4°> éd., 1910, p. 784-808.

L. Cristiani.

    1. SOCRATE##


SOCRATE, historien ecclésiastique du ve siècle. — Nous savons peu de choses de la personne de Socrate. Il nous apprend lui-même, Hist. eccles., V, xxiv, qu’il est né à Constantinople et y a été élevé ; il dut y passer la plus grande partie de sa vie. Dans ses jeunes années, il suivit les leçons des grammairiens Helladius et Ammonius qui, vers 390, étaient venus d’Alexandrie à Constantinople. Hist. eccles., V, xvi. Il est au moins vraisemblable qu’il fit un certain nombre de voyages, Hist. eccles., i, xii ; II, xxxviii ; V, xxii, et apprit ainsi à connaître le monde. Les manuscrits de son Histoire ecclésiastique lui donnent le surnom de Scolastique, d’où il faut conclure qu’il avait étudié le droit, et peut-être qu’il faisait profession de juriste. Il n’appartenait en tout cas pas au clergé. On avait cru naguère qu’il pouvait avoir été novatien, parce qu’il parle beaucoup des novatiens et qu’il possède sur eux des renseignements très détaillés : cette hypothèse doit être rejetée, car il range expressément les novatiens parmi les hérétiques, avec les ariens, les macédoniens et les eunomiens. Hist. eccles., V, xx. Reste cependant qu’il témoigne à leur égard d’une réelle sympathie et qu’il juge avec sévérité ceux qui, comme saint Jean Chrysostome et saint Cyrille d’Alexandrie, ont détruit leurs églises ou les ont persécutés. Hist. eccles., VI, xix ; VII, vu. Socrate, qui pouvait être né aux environs de 380, mourut, semble-t-il, peu après 450. Du moins la seconde édition de son Histoire ecclésiastique fut-elle achevée du vivant de Théodose II, Hist. eccles., VII, xxii, c’est-à-dire avant cette année-là.

De Socrate, nous ne connaissons qu’un ouvrage, une Histoire ecclésiastique en sept livres, qui se présente comme la continuation d’Eusèbe. Elle s'étend de l’abdication de Dioclétien en 305 jusqu'à l’année 439, et fut écrite à la demande d’un certain Théodore, à qui elle est aussi dédiée. Hist. eccles., II, i ; VI, proœm. ; VII, xlviii. Ce Théodore paraît avoir été un clerc ou un moine ; Hussey l’identifie au diacre Théodore qui, selon Libératus, Breviar., x, vivait à Constantinople au temps du patriarche Proclus.