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50PH0NIE. LE PROPHÈTE
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des Rois et le voyant d’Anatoth. Culte de Baal, culte des astres, adoption des modes et usages étrangers marquent dès le début de l’oracle du petit prophète

la situation lamentable de l'époque ; ses graves avertissements auront pour effet sinon d’apporter le remède, de préparer du moins les esprits à le recevoir. î. 1-6. S. De la prédiction relative à l’extermination du « reste de Baal. i. 4. quelques critiques ont conclu que ce culte idolâtrique n’avait plus alors l’extension des premières années du règne de Josias qui, par les mesures prises contre les cultes païens, en avait déjà préparé la disparition et que par conséquent l’oracle de Sophonie serait à ramener aux temps qui ont suivi la réforme. Mais tel n’apparaît pas le sens de l’expression exterminer le reste de Baal », qui dans l’usage de l’Ancien Testament signifie : détruire complètement Jusqu’au dernier reste. Cf. Is., xiv, 22 ; Amos. iv. 2. Les Septante ont lii, au lieu de « reste de Baal », les « noms de Baal ».

Non moins que la situation religieuse et morale la situation politique que laissent supposer les allusions du livre de Sophonie nous reporte à cette même période du règne de Josias antérieure à la réforme de 622. Dans son annonce de l’approche du Jour de Jahvé et des châtiments terribles qui fondront sur Juda et Jérusalem, de même que sur quelques peuples voisins, le prophète prévoit que la catastrophe sera causée par une guerre qui répandra la terreur et l’angoisse, la désolation et la ruine, t, 5 ; ii, 4-5. « Bien qu’il faille faire la part du développement oratoire et surtout de la portée eschatologique que les événements attendus revêtent dans la vision prophétique, il est évident que Sophonie se montre en droit de supposer chez ses auditeurs la conscience d’un grand danger qui menace le royaume de Juda. l.e ton sur lequel il profère ses reproches et ses avertissements à l’adresse de ses concitoyens ne permet, en effet, de songer à aucune espèce de fiction à cet égard. » Yan Hoonacker, Les douze petits prophètes, p. 500. Quel est l'événement historique qui correspond à cette menace du prophète et à cette crainte des habitants de Juda ? Pour le déterminer, on a rapproché de l’oracle de Sophonie celui de la prophétesse Holda, IV Reg., xxii, 15-20, et surtout ceux des six premiers chapitres du livre de Jérémie, qui témoignent des mêmes préoccupations et des mêmes angoisses à Jérusalem au temps de Josias. Ni l’un ni l’autre prophète ne nomment ni ne désignent clairement cet ennemi, instrument des vengeances divines. On ne saurait y reconnaître les Assyriens ; leur décadence déjà commencée et la condamnation prononcée contre eux, Soph., ii, 13, ne permettent guère de les considérer comme les farouches envahisseurs prédits. On a pensé à l’invasion des Scythes, dont les hordes, au témoignage d’Hérodote, i, 103-106, répandaient alors la terreur et portaient la dévastation à travers l’Asie occidentale ; leur domination, toujours au dire d’Hérodote, i, 106, aurait duré vingt-huit ans, chiffre probablement exagéré qu’il faut réduire, d’après les données d’historiens postérieurs, à une dizaine d’années, de 632 à 622 environ. Dans leur campagne contre l’Egypte, la Palestine, sinon le pays même de Juda, eut à souflrir de l’invasion ; la ville de Scythopolis, l’ancienne Beth-San, aujourd’hui Beisàn, est un témoin assez sérieux de l’occupation de la ville par un groupe d’envahisseurs, dont elle aurait pris le nom, étant désignée à partir de l'époque hellénistique sous le vocable de Scythopolis. Cf. Abel, Géographie de la Palestine, t. ii, p.' 280-281 ; Hev. biblique, 1912, p. 112413. Il n’est pas certain toutefois, même admise l’exactitude des renseignements d’Hérodote, que l’ennemi visé par Sophonie soit le peuple des Scythes ; sa description en effet est trop peu précise pour qu’on puisse y voir la désignation de te ! ou tel peuple. Les derniers

commentateurs du livre de Sophonie se montrent très réservés à ce sujet ; le prophète de Jahvé, observe Junker, n’a pas besoin d’une menace déjà existante pour avertir Juda, il sait que Jahvé a la puissance de susciter quand il lui plaira un instrument de ses vengeances. Die zwôlf kleinen l’ropheten, n Ilàlfte, p. 63. Il n’en reste pas moins que la terreur répandue par les invasions des hordes scythes a pu fournir au prophète un point d’appui solide pour ses descriptions hyperboliques et eschatologiques de la catastrophe que devait amener le Jour de Jahvé.

A l’hypothèse de la composition du livre de Sophonie antérieurement à la réforme de 622 on ne manque pas d’opposer des indices d’une rédaction plus récente, entre autres la dépendance dont témoigneraient certaines expressions du prophète à l’endroit du Deutéronome, influence qui s’expliquerait tout naturellement par la découverte récente de ce livre. Par ni les exemples invoqués à l’appui de cette affirmation, la plupart se réfèrent à des tournures de phrase trop générales ou trop communes pour permettre de conclure à quelque dépendance ; seule pourrait être retenue la seconde partie du ꝟ. 13 du c. n : « Ils bâtiront des maisons et n’y demeureront point ; ils planteront des vignobles et n’en boiront pas le vin », dont la ressemblance est indéniable avec Deut., xxviii, 30 : « Tu bâtiras une maison et tu ne l’habiteras point ; tu planteras un vignoble et tu n’en jouiras pas. » Cf. Deut., xxviii, 39. Mais déjà une formule semblable se trouve dans Amos, v, 11, ce qui prouverait qu’il y a là une expression accoutumée des oracles de menace et qu’il n’y a pas lieu en conséquence d’en conclure à une dépendance littéraire entre les auteurs qui l’emploient. On peut en dire autant du rapprochement suggéré entre Soph., i, 17, et Deut., xxviii, 28-29.

On ne saurait davantage retenir comme un indice de rédaction postérieure à la réforme la menace du châtiment divin contre les princes et, selon le texte massorétique, les fils du roi, qui auraient été bien jeunes, même au temps de la réforme, pour mériter pareille menace. Le passage doit s’entendre, selon la leçon des Septante qui semble préférable, des membres de la maison du roi, wv gIjcov toù fi<xaiké<x>ç, . Plus significative serait l’allusion du prophète à une violation de la loi par les prêtres, ni, 4, cette loi n'étant autre que celle du livre découvert dans le temple, ainsi que semble bien l’entendre le verset suivant. Pour autant du moins que l’obscurité de ce verset permet d’en dégager la signification, il y est dit que les habitants de Jérusalem ne peuvent ignorer la loi qui leur est annoncée régulièrement : « tous les matins il (Jahvé) établit son jugement (sa loi) pour donner la lumière », autrement dit : il met sa loi en lumière, ce qui n’empêche pas les impies de la violer. Faut-il voir dans ce passage la condamnation, non plus comme au c. i des pratiques idolâtriques, abolies par la réforme deutéronomique, mais la violation de la loi morale dont la réforme malgré des rappels incessants n’avail pu assurer la fidèle observation ? Pas nécessairement, car il n’est pas certain, tout d’abord, que la loi dont il est ici question soit une loi écrite ; même si elle l'était, on ne serait pas tenu pour autant d’y voir le Deutéronome, comme si, avant sa découverte, on avait ignoré l’existence de toute loi écrite ; Osée ne dit-il pas : « Que j'écrive pour lui les paroles de ma loi, elles sont réputées comme d’un étranger ? » viii, 12 ; cf. iv, 6. Si, d’autre part, le livre de Sophonie avait été rédigé après la découverte du Deutéronome et la réforme qui suivit, ne devrait-on pas y rencontrer quelque allusion tout au moins à ce qui fait l’objet principal et du livre de la loi découvert dans le temple et de la réforme qui s’en inspire, à savoir la centralisation du culte ? Or, l’absence de toute allusion a cette centralisation n’est-