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SOPHONIK. LE LIVRE


elle pas une preuve que le livre n’a pu être composé qu’avant les événements de 622 ?

Non moins que la situation particulière du royaume de Juda durant la première partie du règne de Josias, la situation générale de l’Asie occidentale à cette même période semble bien répondre au milieu historique de l’oracle de Sophonie ; les bouleversements dont cette partie du monde ancien étaient alors le théâtre ne furent pas sans répercussion en effet sur la vie politique et même religieuse de Juda et permettent d’en mieux comprendre l'évolution. Au siècle précédent, l’empire assyrien avait étendu sa domination sur les Araméens de Damas, le royaume d’Israël et la Babylonie. Avec Sennachérib (705-681), la conquête s'était étendue jusqu’au rivage méditerranéen et Jérusalem avait été assiégée. Avec Assurbanipal (669626), c’est l’apogée de l’Assyrie et le triomphe sur l’Egypte, marqué par la ruine de Thèbes en 663, qui apparaîtra au prophète Nahum comme une image anticipée de l’anéantissement de Ninive. A la mort du grand conquérant assyrien, c’est le déclin rapide de son vaste empire ; la capitale succombe sous les coups de la coalition des Mèdes, alliés à Nabopolassar et aux Scythes, et bientôt c’est Babylone qui va prendre la place de Ninive dans la suprématie du monde oriental.

Achaz, Manassé et Amon furent sous la dépendance de l’Assyrie. Or, la suzeraineté politique n’allait pas à cette époque sans une influence morale et religieuse ; les dieux du peuple vainqueur ne s’avéraient-ils pas en effet plus puissants que ceux des peuples vaincus, ne méritaient-ils pas dès lors les honneurs d’un culte que, par intérêt ou conviction, leur accordaient les vaincus, en l’associant à celui de leurs divinités nationales ? Ce syncrétisme religieux avait été très florissant au temps d’Achaz et la réaction politique et religieuse d'Ézéchias n’avait assuré que pour un temps le triomphe du jahvisme, car avec Manassé, fils et successeur d'Ézéchias, réapparurent plus que jamais la guerre aux fidèles de Jahvé et les pratiques du syncrétisme religieux ; les dieux de l’Assyrie étaient à la place d’honneur parmi les dieux d’autres nations, à côté des Baal, des Astarté, de Milcom ; il importait en effet de se ménager également le concours des peuples voisins pour le cas d’une tentative d’affranchissement du joug assyrien. Cependant la rébellion malheureuse contre Assurbanipal, II Par., xxxiii, 11, l’opposition persistante des Israélites demeurés malgré tout fidèles à leur Dieu, les protestations énergiques des prophètes ne laissèrent pas que de porter une grave atteinte à l’anti-jahvisme, dont le court règne d’Amon ne parvint pas à le relever, ce qui permit au jeune roi Josias d’entreprendre, sous d’heureuses influences, la puri 11cation dans Jérusalem de tout ce que l’idolâtrie y avait laissé de traces depuis les règnes de ses deux prédécesseurs et de commencer ainsi à « rechercher le Dieu de David son père ». La mort d' Assurbanipal, la décadence de l’Assyrie qui va se précipiter, des événements comme l’apparition des hordes Scythes sont autant d'éléments favorables à l’affranchissement définitif de l’inlluence étrangère et païenne. Cf. Florit, So/onia, Geremia elacronucadi Gadd, dans Biblica, 1934, p. 8-13. A un prophète, soucieux de l’avenir du jahvisme, les circonstances ne pouvaient manquer de paraître favorables à une intervention, c’est ce que, sous l’inspiration divine, comprit Sophonie dont l’oracle devait aider au succès de la réforme que ne devait pas tarder à entreprendre le roi Josias.

II. Le LIVRE.

Contenu.

L’idée fondamentale

de l’oracle de Sophonie est l’annonce du « Jour de Jahvé » ou du jugement de Dieu contre toute la terre et Juda en particulier ; mais de l'épreuve doit sortir le salut qui sera d’autant plus éclatant que le châtiment aura été plus terrible.

Dans les trois chapitres du livre, dont la répartition n’est pas identique chez tous les exégètes, on peut distinguer trois parties.

La première, i, 2-13, commence par l’annonce du jugement divin sur la terre entière, selon le sens probable du mot « la terre », à entendre ici, non dans le sens restreint de pays de Juda, mais d’une manière absolue, de la terre entière, comme le laisse supposer la menace de destruction des oiseaux du ciel et des poissons de la mer, 2-3. Ce jugement frappera durement Juda et Jérusalem mais surtout les fauteurs d’idolâtrie plus soucieux de rendre un culte à toutes sortes de divinités étrangères qu’au seul vrai Dieu, 4-6. Pas plus que les idolâtres, les grands et les princes n'échapperont aux rigueurs du jugement, car ce sont eux qui ont introduit les mœurs étrangères en Israël et se sont rendus coupables de violence et de fraude ; conviés à un sacrifice, tous ces prévaricateurs en seront les victimes, 7-9. Le châtiment est si proche que le prophète entend déjà les clameurs de l’ennemi aux portes de la ville et les gémissements des habitants. Jahvé, dont les impies proclamaient l’indifférence, portera jusque dans les recoins les plus obscurs la lumière révélatrice de leurs prévarications ; biens, maisons, vignes seront dévastés et pillés, 10-13.

Conclusion de cette première partie de l’oracle ou, plus probablement, commencement de la deuxième partie, les versets 14-18 font une description terrifiante du Jour de Jahvé : jour de fureur, d’angoisse, d’affliction et de ruine dont rien ne saurait délivrer les coupables, pas plus leur or que leur argent. De cette peinture du Jour de Jahvé s’est inspiré le chant du Dies iræ dans sa description du jour du jugement général. A ce jour redoutable pour la terre entière Juda n'échappera pas ; toutefois l’exhortation au repentir laisse espérer aux « humbles du pays » que les terribles effets de la colère divine leur seront épargnés, ii, 1-3. Mais pour les nations païennes, voisines de Juda, pas de rémission : les Philistins à l’Ouest, les Moabites et les Ammonites à l’Est seront exterminés, 4-11, les grands empires eux-mêmes succomberont, le paysdeCoushou l’Egypte, au Sud, et celui d’Assour, au Nord, 12-15. Cette série de catastrophes qui frapperont les peuples tout à l’enlour de Juda doit être pour ce dernier un solennel avertissement.

Une troisième partie ramène la pensée et la menace du prophète sur Juda et Jérusalem, demeurés sourds à tous les appels de Jahvé. De nouveau les princes sont sévèrement jugés et avec eux les juges, les prophètes et les prêtres, qui tous manquent aux devoirs de leur charge, alors que Jahvé au milieu de son peuple est le Juste qui fait connaître à tous ses préceptes, iii, 1-5. Et, puisque la leçon du châtiment des nations est demeurée sans effet sur Juda, qui semble n’en avoir été que plus empressé à se pervertir, le même Jugement frappera d’extermination Juda et les nations, 6-8. Le châtiment toutefois ne sera pas inexorable niais purificateur et, par la disparition des coupables, il préparera les voies à une restauration et à une ère nouvelle, où les nations elles-mêmes Invoqueront le nom de Jahvé et lui rendront hommage, 9-10. Jérusalem, purifiée de tous les éléments mauvais qui axaient provoqué la fureur divine, rentrera en ^ràcc et ce qui aura échappe à l’extermination servira Jahvé dans l’humilité, la confiance, la justice et la paix, 11-13. A cette pensée la joie du prophète s’exhale en un hymne triomphal. La plus vive allégresse remplacerai' angoisse et l’affliction, car Jérusalem, vengée maintenant par la défaite de ses ennemis, rassemblera de nouveau ses enfants dispersés par la captivité ; ils reviendront dans Sion pour y vivre à Jamais en présence de Jahvé qji habitera au milieu d’eux, afin de leur assurer salul et gloire, autrement dit le bonheur idéal de l'ère messianique, 14-20.