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comme un de ses traits particuliers, qui s’accentuera surtout au xv siècle et plus tard, l’importance accordée aux questions de morale et aux fameux cas de conscience qui deviendront comme une spécialité de la maison ? C’est une tournure d’esprit, plus encore qu’une ligne doctrinale : mais elle est nettement marquée.

Du jour où la Sorbonne eut des maîtres nombreux, sortis de son sein et enseignant dans ses murs, il était Inévitable, étant donné surtout l’intense esprit de famille qui régnait entre ses associés, qu’elle devînt une personnalité puissante dans la faculté de théologie. Elle ne fut jamais qu’un collège, c’est vrai ; elle demeura toujours distincte de la faculté dont elle dépendait ; on comprend du moins l’influence qu’en la personne de ses maîtres elle y exerça et le rôle qu’elle fut amenée à jouer dans son histoire.

I. Sources.

Les sources manuscrites sont nombreuses et en grande majorité encore inédites. Pour les origines, il faut consulter en premier lieu le Cartulaire de Sorbonne, Paris, Bibl. nat., lat. 16 069, recueil de 382 pièces, menant jusque vers 1300. Les originaux s’en trouvent en grande partie aux Archives nationales, principalement S. 62116232. Quelques documents ont été publiés par DenilleChatelain, Chartul. universil. Paris., t. i, il. Voir l’Index aux mots Universitas, Domus Sorbonæ, Sorbonæ domus.

Pour suivre l’histoire du collège, il y a quatre catégories de registres. 1° Les registres du prieur, où sont analysées toutes les affaires concernant les personnes, les études, les examens, la discipline générale : du 3 décembre 1430 au 2 mars 1484 : Paris, Bibl. nat., lat. 16 070 ; puis après une lacune de 56 ans, la série reprend de 1540 à 1790 aux Archives nationales, ms. MM. 268, 269, 271, 272, 276, 277 (il faut leur ajouter le n. - « '5, double de 27 1 ; et à la Bibl. nat., le ms. lat. 15 441, copie des n. 268 et 269 ; et le ms. 15 442, copie de 272 et 276). Pour la période des débuts, le ms. Bibl. nat., lat. 16 574 contient, mais de façon moins rigoureuse, les premières conclusions, de 1253 à 1412, jointes aux Statuts et au Nécrologe de Sorbonne (voir aussi le Bibl. nat., lat. 15 615). — 2° Les registres du procureur, contenant les délibérations relatives aux intérêts matériels de la maison. Ils vont du 25 octobre 1617 au 13 juin 1790 : Archives nat., MM. 270, 2 73, 274, — 3° Begistres des comptes. On les possède pour 1633 : Archive-, H. 2633 ; pour 1661-1664 : Archive-, MM. 278 ; pour 1695-1781 : Archives, II. 2736-2725. Ajouter également pour 1758-1791 : Archives, H. 2634-2735. — 4° Begistrede la caisse, del534 a 1618 : Archives, MM. 296.

Pour la bibliothèque, outre les points du règlement qu’on trouve soit dans les Statuts soit dans le registre du prieur, on possède le catalogue de 1338, contenant le répertoire de la petite librairie (1090 vol.), de la grande librairie (330 vol.) et l’inventaire de la grande librairie. Ms. Arsenal, franc, hist. 855. Voir les études de L. Delisle, Le cabinet îles manuscrits de la Biblioth. nul., t. ii, p. 180-185 ; et leur édition, ibid., t. iii, p. 9-114. On possède encore le registre des prêts, de 1402 à 1519 : Diarium bibliothecæ Sorbonæ, ms. Mazar. 3323.

Pour le règlement et la discipline internes, se reporter aux Statuts, Bibl. nat., lat. 16 574 ; et aux registres du prieur. Une compilation en a été faite plus tard, en 1740 : Disciplina Sorbonæ Domus, Paris, Bibl. nat., lat. 16 071 (copie dans Arsenal, 1023).

Consulter encore pour l’ensemble des sources manuscrites relatives à la Sorbonne, Marcel Poète, Héperloire des sources manuscrites de l’histoire de Paris, t. iii, p. 373-386.

II. Notices et travaux. — [Ch. Meunier], Bibliotheca Sorbonica, seu liber de scriptoribus sorbonicis, vers 1640, ms. de l’Arsenal, 1020 ; Cl. Hemere, Sorbonæ origines, disciplina, viri illustres, vers 1646, (ms. de la Bibl. nat., lat. 5493 [copie dans Arsenal, 1186]) ; (Mauduison ?], Domus et Societatis Sorbonicæ /lisforia, vers 1690, ms. de l’Arsenal 102 1 (copie incomplète dans Arsenal, 1022) ; Du Boulay, Ilistoria universitatis Parisiensis, t. iii, Paris, 1666, p. 224 sq. ; E. Pasquiei, Kecherclies de la France, Paris, 1675, t. XI, c. xv ; Ladvocat, Diclionn. hist. et bibliographique, 1752 ;.1. Duvernet, Hist. de la Sorbonne, dans laquelle on voit l’influence de la théologie sur l’ordre social, Paris, 1790, 2 vol ; Le Foucault, Xotice sur la Sorbonne, 1818 ; A. Franklin, La Sorbonne, ses origines, sa bibliothèque, 1875 ; P. Féret, La vieille

Sorbonne, sa fondation et son organisation au Alogen Age, dans Bulletin du comité d’hist. du dloc. de Paris. 1884, p. 98118 ; H. Denifle, Die Vniversilâten des Mittchittcrs bis 1400, t. i, Berlin, 1885, p. 64-132 ; O. Gréard, Nos adieux à la vieille Sorbonne, Paris, 1893 ; II. Bashdall, The Universities of Europe in the Middle Ages, t. i, Oxford, 1895, p. 250 sq. ; et le chapitre The studies of Paris, p. 426-462 ; P. Féret, La faculté de théologie de Paris, t. ii, 1895, p. 1-16, 203-213 ; L. Liard, L’université de Paris, 1909 ; Stephen d’Irsay, Hist. des universités françaises et étrangères, t. i, 1933, c. vil, p. 145 sq. ; J. Bonnerot, La Sorbonne, Paris, 1935.

P. Glorieux.

    1. SORCELLERIE##


SORCELLERIE.— I. Idée générale.— II. Possibilité et mécanisme (col. 239(5). — III. Réalité (col. 2400). — IV. Dill’usion (col. 2405). — V. Sorcellerie et morale (col. 2414).

I. Idée générale et définition.

1° Idée générale. — La sorcellerie est la forme fruste et populaire de la magie, magie blanche et magie noire entremêlées, avec intention malfaisante. Celui qui en fait profession, le sorcier, doit son nom, sortiarius, à ce qu’il dirigeait les sorts par ses sortilèges ; les sorts, en effet, jouaient un rôle immense au début du Moyen-Age, commandant les déterminations journalières et même les affaires publiques. Mais, si le mot ne date que de la fin de l’empire romain, la fonction remonte beaucoup plus haut : le sortiarius n'était que l’héritier barbare de ces faux mages de la Perse et de l’Assyrie qui avaient commencé par l'étude officielle des astres et avaient fini par celle des procédés occultes d’assurer les vengeances particulières ; il eut pour continuateurs les « égyptiens » et les « juifs » du bas Moyen Age, les « bohémiens » et les « tsiganes » des siècles derniers, enfin nos sorciers actuels des campagnes, bien que ceux-ci délaissent les sorts, tombés en désuétude, pour les maléfices de toutes sortes, par contact, regard ou même action à distance. On continue cependant à désigner l’action du sorcier par le mot sortilège et à dire qu’il a jeté un « sort » sur telle personne, sur tel objet. Le résultat produit ou espéré, c’est-à-dire le dommage, se nomme maléfice ; mais les deux expressions se prennent l’une pour l’autre. Autre expression populaire : le mauvais œil, la jetlalura, désignant l’action malfaisante du simple regard des « jeteux de sorts » sur de malheureuses victimes, surnommées « mauveux », etc. Cf. D r Cavalier, Elude médico-psychologique sur les sortilèges à l'époque actuelle, 1868.

Sous tous ces noms transparaît le caractère populaire, empirique, d’une science magique dont on ne possède plus que des débris. Cette ignorance n’empêche pas que la sorcellerie soit une faute contre la justice et la charité par son action malfaisante, et un acte contre la religion, une espèce mal définie de superstition, un mélange de magie et de vaine observance. Voir ci-dessous l’art. Superstition. C’est à ce double titre qu’elle intéresse la théologie morale, il faut en dire un mot, parce qu’il existe sur ce point beaucoup de vague dans la pensée des croyants et que les condamnations énergiques de l'Église ne sont pas aussi précises qu’on le désirerait.

Mais, avant de porter un jugement de moralité, il faut distinguer quatre points qui ont assez souvent été confondus en cette matière :

1. Les prétentions diverses des sorciers, dont l’examen psychologique amènera à une classification provisoire des pratiques de sorcellerie ; 2. les tentatives de ces mêmes sorciers de mettre en action des forces occultes, dont une étude plutôt philosophique démontrera la possibilité ou l’absurdité ; 3. l’efficacité de ces tentatives pour faire intervenir le démon, qui ne pourra être définie que par la théologie catholique ; 4. les croyances de la foule, en matière de sorcellerie, dont les errements relèvent du jugement de l’histoire.