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v.

SPALATIN — SPÉ (FRÉDÉRIC)

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si— lit. à la cour, son avocat en toutes circonstances. Ce fut grâce à lui que Luther, après avoir cherché son appui du côté îles chevaliers révolutionnaires, inspirés par les humanistes de même tendance Franz von Sickingen et Ulrich von Ilutten représentant bien les uns et les autres — put, à partir de 1521, compter sur la protection occulte mais efficace de son prince, protection autrement décisive et s’exerçant politiquement par des moyens autrement légaux et puissants. Spalatin se trouvait aux côtes de son maître lors de la diète d’Augsbourg, en 1518, où eut lieu l’entrevue de Luther et de Cajétan : en 1520, au couronnement de Charles-Quint ; en 1521, à la diète de Worms, où Luther fut mis au ban de l’empire.. Il est sur que partout sa protection se lit sentir de la façon la plus adroite en faveur de son grand ami. C’était lui qui traduisait au prince les passages les plus édifiants des ouvrages latins de Luther, lui qui en faisait ressortir les aspects les plus séduisants, en expliquait les obscurités, prenait la défense de Luther contre les critiques de ses adversaires. La thèse juridique de la cour de Saxe fut que la condamnation de Luther était sans valeur aussi longtemps qu’il n’avait pas été entendu par des juges « allemands, libres et chrétiens ». Spalatin contribua sans nul doute à créer cette position juridique dans l’esprit de l’électeur ou du moins à confirmer ce dernier dans des sentiments de cette nature.

Mais l’influence de Spalatin s’exerça aussi du côté de Luther. S’il était l’avocat du réformateur auprès du prince, il était aussi celui du prince auprès du réformateur. Il essayait de le calmer, de le contenir, de lui inspirer des démarches moins audacieuses, moins bruyantes, moins périlleuses pour l’électeur responsable devant le Saint-Siège, l’empereur et la diète, et aussi pour lui-même, le banni de Worms. La plupart des démarches faites en vue de la paix, entre 1517 et 1520. peuvent être attribuées à Spalatin. Même quand la rupture avec Rome fut définitive, Spalatin fut attentif à prévenir tout ce qui pouvait isoler la Saxe du reste de l’Allemagne. Il fut le diplomate de la révolution luthérienne. C’est grâce à lui que cette révolution fit son entrée dans le monde politique et devint une pièce de l’échiquier européen.

A la mort de Frédéric le Sage, en 1525, il reçut un legs substantiel comme gage de la gratitude de son souverain. Mais sa situation subit de grands changements. Dès 1524, du reste, il avait quitté le service de la cour pour se retirer à Altenbourg. où il possédait une prébende de chanoine. Mais il revint à la cour pour assister le prince à son lit de mort. Puis il retourna à Altenbourg, y entra en conflit avec le chapitre, en raison de ses idées luthériennes. Le catholicisme se maintenant encore en maints endroits de la Saxe, Spalatin fit front contre les éléments catholiques du chapitre, devint curé d’Altenbourg (premier sermon : 13 août 1525). se maria, le 19 novembre suivant, fut exclu, pour cela, du chapitre, mais fit appel au nouvel électeur, Jean de Saxe, qui s’était prononcé résolument pour le luthéranisme.

En dehors de son action comme curé d’Altenbourg, il fut encore appelé souvent à remplir des missions pour le compte de l’électeur Jean et de son successeur, Jean-Frédéric, son ancien élève. Il prit part notamment à la diète d’Augsbourg de 1530 et resta absent d’Altenbourg dix-huit semaines. En 1533, Jean-Frédéric lui rendit la haute surintendance de la bibliothèque de Wittenberg et de la sienne propre, avec mission d’acheter les livres grecs et hébreux qu’il jugerait utiles. De son mariage avec une femme nommée Catherine Heidenreich et dont le caractère était parfaitement adapté au sien, il eut deux filles, mais cette famille lui causa des souris d’argent qui assombrirent ses dernières années. Il tomba, en 1544, dans une sorte

de neurasthénie inconsolable.. Il mourut le 16 janvier 1545. Il avait écrit d’innombrables lettres, fait grand nombre de traductions ; il laissait peu d’ouvrages Originaux, mais seulement des matériaux utiles pour l’histoire de son pays adoplif, la Saxe électorale.

Endors, Luther’t Brieftuechsel, 18 volumes parus do 1884 i l^ii.Schlegfcl Uir.tonu uttse ( sorjii Spalaltni :.nx, 1613 Wagner, 0. Spalatin imd die lielormation <lcr Kirclien und Schulen in Altenlmrg, Altenbourg, 1830 ; en outre toutes los grandes biographies do Luther.

L. Cristiani.

SPÉ ou SPÉE Frédéric, jésuite allemand (15911635).

I. Vie.

Il naquit à Kaiserswerth, près de Dusseldorf, le 25 février 1591 ; il appartenait à la famille noble de Langenfeld ; son nom, qu’il écrivait lui-même Spe, fut le plus souvent dans la suite orthographié Spee ou von Spee.. Il entra au noviciat de Trêves le 22 septembre 1610, fit ses études de philosophie à Wurtzbourg de 1612 à 1615, fut professeur de grammaire et de belles-lettres à Spire, Worms et Mayence, étudia la théologie dans cette dernière ville.

Prêtre en 1622, il fut trois ans professeur de philosophie à Paderborn et à Cologne. En 1628-1629, il devint missionnaire dans le diocèse de Hildesheim, surtout autour de la petite ville de Peine, où il obtint le retour à la vraie foi de villages entiers ; la violence seule interrompit un apostolat si fructueux : un fanatique l’assaillit à Woltorf, le 29 avril 1629, et le frappa de cinq coups de poignard. Guéri après plusieurs mois de soins, il fut nommé professeur de morale à Paderborn (1630). Des plaintes injustifiées le forcèrent à interrompre cet enseignement qu’il reprit à Cologne en 1631.

C’est cette année que parut son ouvrage, la Caulio criminalis ; ce livre pouvait susciter de graves difficultés à son ordre ; il aurait difficilement reçu l’approbation des censeurs et des supérieurs ; un ami du P. Spéen ayant pris connaissance, jugea la publication si utile au bien général qu’il le fit paraître comme étant d’un théologien romain anonyme. Mais le véritable auteur fut vite découvert et le P. Spé, par suite de l’émotion et des colères soulevées, se trouva en position difficile : toute une correspondance fut échangée entre son provincial et le P. général, Mutius Vitelleschi, et il fut même question de renvoyer le P. Spé de la Compagnie ; cf. B. Duhr, Geschichte…., t. n b, p. 760. L’affaire fut cependant arrangée et le P. Spé retrouva la pleine confiance de ses supérieurs qui l’envoyèrent à Trêves professer de nouveau la théologie morale.-Cette ville était alors en plein milieu des luttes sanglantes que se livraient Impériaux et Français. Le P. Spé se dépensa pour soigner les blessés et les malades des deux partis. C’est dans cette œuvre de charité qu’il mourut, atteint de la peste, dans cette même ville, le 7 septembre 1635.

IL Œuvres. — Du P. Spé nous avons trois œuvres remarquables à divers titres : 1° Les deux premières — deux volumes de vers publiés après sa mort — lui ont mérité une place de choix dans la littérature de son pays ; d’abord un recueil de cantiques religieux intitulé Trutz-Narlilii/al oder Geisllich-Poe.tisch l.ust-Waldein. .., Cologne, 1649, in-12, 341 p. Ce recueil semble avoir été composé dès 1629 ; quelques pièces parurent déjà en 1638 dans un psautier jésuite ; des rééditions nombreuses, avec ou sans musique, suivirent ; il en est même de récent es ; les historiens de la littérature allemande s’accordent sur l’importance et la valeur de ces poésies sacrées, pleines de sentiment et d’imagination, cf. Buchberger Lea icon, t. ix, col. 713 et H. Duhr. loc cit., p. 757. Ensuite un poème ascétique en 2H chants sur les vertus théologales : (, ultimes Tugend-buch, dus ist Werck der dreyen Gôttlichen Tu