Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/501

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
2503
2504
SPINOZA. LA RELIGION


miracles véritables, Dent., xiii, 1, et tous les miracles vus par les Juifs n’aboutirent qu'à ce qu’ils adoreront Dieu sous la forme d’un veau. Salomon a cru que toutes choses sont livrées au hasard. Eccle., iii, 19-21 ; ix,

2-3 s<|.

D’ailleurs, si l’on examine avec soin les récits de miracles, on se rend compte que souvent les termes du récit montrent que l'événement se produisait par le

concours de causes naturelles : ainsi Sai.il retrouvant ses finesses perdues, I Keg., îx. l’arc-en-eiel signe de la réconciliation entre Dieu et les hommes, Gen., ix, le lléau des sauterelles répandu par un vent d’Est, Ex., x, etc. Les auteurs inspirés n’ayant pas pour but de nous renseigner sur ['essence des choses, Us parlent le langage populaire et s’accommodent aux croyances populaires. Il importe donc « d'établir une distinction profonde entre les opinions du témoin ou de l'écrivain e ! les faits eux-mêmes tels qu’ils ont pu se présenter à leurs yeux « . Et il ne s’agit pas là d’une simple hypothèse : les cas ne sont pas rares où des choses sont données comme réelles, qui étaient évidemment imaginaires, « comme, par exemple, que Dieu (l'Être en soi) soit descendu du ciel, Ex., xix, 28 ; Deut., v, 28…, ou qu'Élie soit monté au ciel sur un char enflammé traîné par des chevaux de feu », Une fois qu’on a dégagé des constatations qui précèdent les conclusions générales, on est en mesure d’affirmer que tous les miracles sont en réalité déterminés par des causes naturelles, et l’on pourra souvent conjecturer ces causes avec vraisemblance. G. vi.

De ces analyses concernant les récits de l'Écriture, la conclusion s’impose quant au crédit auquel ils ont droit. La plus grande partie de l’humanité n’est pas capable de se conduire autrement que par les désirs suscités par l’imagination : pour ces hommes donc, les préceptes qui s’imposent à leur conduite privée et sociale ont besoin d'être enveloppés dans des récils qui frappent les sens et l’imagination. Les gens ont donc besoin de croire littéralement aux prophéties, aux miracles et à tout le reste. Par contre, cette foi imaginative est inutile à ceux qui, convaincus par la raison, possèdent des conceptions claires et distinctes et par là connaissent véritablement ce que c’est que Dieu. La foi aux récits de l'Écriture n’a donc rien à faire avec la béatitude.

VII. La. doctrine de la religion. — Spinoza a paru à beaucoup une âme religieuse ; et, si l’incrédulité et l’irréligion ont pris îles armes dans son arsenal, une spéculation religieuse extraordinairement riche s’csi aussi inspirée de lui. Pour qu’un courant aussi abondant ait pu couler pendant plus « l’un siècle et coule encore, il fallait bien, même si la source recevait des affluents, que la source existai. Et il y a bien chez Spinoza une doctrine positive de la religion, ou plutôt

une double doctrine. D’une paît, la religion populaire,

déterminée par l’imagination, est nécessaire aux individus ci aux sociétés ; elle est engendrée par îles eau ; es naturelles, par des lois nécessaires, elle sort donc de Dieu lui même, et, à ce t Itre, elle est légitime et bonne. D’autre part, la connaissance de Dieu, telle que l’ob tiennent les sages par des conceptions claires ci distinctes, leur livre la signification totale de ce que le peuple n’atteint que par les symboles imaginatifs. La philosophie est dune la religion véritable. Examinons les deux phases de la religion, la phase imaginative ci la phase intellectuelle.

La loi, c’est a dur ce qui impose une manière

d’agir fixe et déterminée a un individu quelconque »,

dépend de la nécessité naturelle (lois de la nature) ou

de la volonté des lu un mes (luis civiles) ii, en ce dernier cas. elle est humaine ou divine. I ne lui divine est une loi qui n’a rapport qu’a la vraie connaissance et a

l’amour de Lieu. L’importance des lois divines est

immense, puisque toute la connaissance humaine dépend de l’idée de Dieu, et notre souverain bien y est contenu tout entier. La loi divine naturelle, consistant à connaître Dieu par la raison et à l’aimer, est universelle et, par elle-même, elle n’a aucun besoin d'être fondée sur des récits historiques, car « la lumière naturelle n’exige rien de nous qu’elle ne soit capable de nous faire comprendre » et sa récompense est de connaître Dieu et de l’aimer. Le Christ, qui était « la bouche même de Dieu », a compris la religion dans sa vérité adéquate, « par la seule force de l’esprit pur, sans paroles et sans images ». Sans doute, il présentait aux hommes grossiers la révélation sous la forme d’une loi positive, mais à d’autres plus éclairés il enseignait les vérités éternelles, et c’est en ce sens que, selon le langage de Paul, il les délivrait de la « servitude de la Loi ». L’Ancien Testament lui-même enseigne que la connaissance de la vérité donne la vie. Prov., xvi, 23 ; xin, 4 ; iii, 13, 16, 17 ; ii, 9 ; cf. Rom., i, 20, etc. Spinoza se flatte d’avoir démontré ainsi l’unité fondamentale de la religion : au fond, l’Ancien et le Nouveau Testament ne sont que l'écorcc imagée qui enveloppe la vérité totale sur Dieu, laquelle n’est accessible qu’au philosophe seul. La religion est le symbole de la philosophie et la philosophie est la véritable religion. The’ol.pol., C. IV.

Cependant, la religion positive n’est pas uniquement le véhicule de la religion en esprit et en vérité (cette dernière expression, employée par les disciples modernes de Spinoza, n’est pas de lui). Et même il n’y a guère que les récits à être ce véhicule. Car l’appareil juridique de l’Ancien Testament et des Églises, ainsi que le culte, n’ont pour but que la prospérité matérielle et l’utilité de l'État. L'Écriture, en clïet, n’a jamais promis aux Juifs que des récompenses matérielles. Les juifs ne sont donc plus tenus par leur législation après la ruine de leur empire, puisqu’elle n’avait pas d’autre rôle que de maintenir la cohésion sociale en faisant sentir à chacun qu’il dépendait toujours et dans toute sa conduite d’une puissance supérieure. Dans le christianisme, les cérémonies ne possèdent « aucune vertu sanctifiante », elles sont « des signes extérieurs de l'Église universelle ». Pour interpréter ce dernier point, on se rappellera que Spinoza ne connaissait pas le catholicisme.

On voit maintenant de quelle manière le spinozisme renfermait le germe d’une théologie chrétienne. Il suflirait de considérer la connaissance par symboles, non pas comme inférieure à celle de l’entendement, mais comme son égale, ou même, sous L’influence du romantisme, comme une révélation de Dieu supérieure aux abstractions intellectuelles. Alors les prophètes seraient au-dessus des philosophes..Mais auparavant, il faudrait que les philosophes eux-mêmes, Sehelling, Hegel, Schleiermacher. eussent assoupli le panthéisme rigide de Spinoza en substituant révolution dynamique à la substance statique. Alors l'évolution des religions sérail l'évolution divine et le christianisme serai ! le terme le plus élevé atteint par cette évolution. Victor Delbos a retracé celle histoire dans la seconde partie de son ouvrage fondamental sur Le problème moral dans lu philosophie de Spinoza et dans l’histoire du spinozisme. Seulement, n’oublions pas que Spinoza lui-même en est resté a la conception la plus aristocratique et la plus Intellectualiste de la religion : la seule religion vraie selon lui est la méthode mathématique appliquée en métaphysique, le christianisme n’est qu’un lissu d’erreurs utile au peuple. Si l’on veut trouver la postérité spirituelle authentique de Spinoza, on la cherchera parmi les personnages de M. Paul I lazard. dans son livre : Lu (lise de la eoiiseienee eunijieenne. Et,

de nos jours, les vrais héritiers de Spinoza n’onl pas été

Natorp, llerinanii Liilien, ou Trollsch, ou Augusle