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    1. SCIENCE DE DIEU##


SCIENCE DE DIEU. DOCTRINES THÉOLOGIOl ES

It.ii

vine, les théologiens sont donc d’accord pour éliminer t mit ce qui pourrait Impliquer complexité en Dieu et dépendance à l'égard des créatures. Ainsi, pour I >ieu, il ne peut ("ire question de recevoir une impression quelconque, analogue à celle qui dispose notre intelligence à saisir les objets intelligibles. 1 >ieu, connaissant toutes choses par un acte très simple qui s’identifie avec son essence même, n’a p ; is d’autre moyen de connaissance que cette essence divine, exemplaire de toutes les réalités concevables. C’est en connaissant toutes les manières innombrables d’ailleurs — dont son essence peut être imitée et participée, que Dieu connaît ce qui n’est pas lui. Ainsi l’on a coutume de dire que Dieu connaît les êtres crées ou créables in seipso, tanquam medio cognilionis.

On ajoute que ce moyen de connaissance n’empêche pas que 1 >ieu connaisse ces êtres tels qu’ils sont en cuxiiiènies. c’est-à-dire avec toutes les notes distinctives de leur individualité réelle. Toutes les perfections créées se retrouvent éminemment dans la perfection divine. Or, Dieu ne se connaîtrait pas parfaitement lui-même, s’il ne connaissait toutes les manières dont sa perfection peut être participée par d’autres. Et la nature même de l'être ne lui sciait pas connue en perfection, s’il ne connaissait toutes les manières d'être. Il est donc manifeste que Dieu connaît toutes choses d’une connaissance propre, selon que chacune se dis tingue de toutes les autres, i I », q. xiv. a. (i.

C’est a ce point de la doctrine générale qu’interviennent certains théologiens pour donner un sens différent à la connaissance que Dieu aurait des êtres créés. in seipsis. Voir les Wirceburgenses, De Deo, disp. 111, a. 3, n. 117-137, et surtout Suarez, De atlributis Dei positivis, t. III, c. h. n. 16 ; De scientia Dei fulurorum contingentium absolutorum, t. II, c. vii, n. 15 ; et aussi de nos jours, Piccirelli, De Deo uno et trino, n. 584 sq. Dieu connaîtrait aussi les choses immédiatement en elles mêmes, dans leur objective vérité. On retrouvera cette conception à la hase de plusieurs opinions qu’on examinera ultérieurement. La réfutation de cette opinion se trouve chez la plupart des thomistes dans leur commentaire sur la q. XIV de la I a. Cf. Jean de Saint Thomas, les Salmanticenses, Gonet, Gotti, Billuart, etc., et les manuels de Billot, Hugon, Diekamp.

Retenant donc la doctrine généralement admise, nous disons que l’essence divine, objet primaire de la science de Dieu, est le moyen dans lequel et par lequel Dieu atteint l’objet secondaire de sa science, c’est a dire les êtres autres que lui. Cf. S. Thomas. Contra génies, I. I. c. i.xix ; Comp. theologiæ, c. xxx. Descendons aux applications.

1. Connaissance des passibles. On dislingue deux sortes de possibilité, la possibilité intrinsèque et la pos sibilité extrinsèque. La possibilité intrinsèque, qui est la vraie possibilité métaphysique, consiste dans ia convenance essentielle qu’ont entre eux les éléments de l'être possible. La possibilité extrinsèque marque Simplement l’existence d’une cause extérieure capable d’appeler l'être à l’existence.

Les thomistes enseignent que la convenance essen lielle des éléments a son fondement dans l’essence divine et se trouve constituée formellement par l’acte de l’intelligence divine découvrant Luîtes les virtualités de l’essence. Aussi, clisent ils. Dieu connaît les possibles en tant qu’il connaît, dans son essence infinie, les manières innombrables dont elle peut être participée. El ces possibles sont en nombre actuellement

infini. Mais il faut bien s’en tendre sur la signification, en Dieu, de cette expression : infini actuel. Uu’im ne

dise p ; is : l’infini actuel ciani impossible, on ne peut le poseï en Dieu, il ne s’agit pas de cela… Il n’y a pas

en 1 lieu d’idées distinctes, non plus que de multiplicité

d’aucune sorte. Dieu connaît lout dans sa seule

essence, qui est parfaitement une. Mais, là où il n’y a pas d’idées distinctes, il y a d’autant mieux l’idée de la distinction des choses, que cette distinction soit actuelle ou simplement possible. Il y a donc là une connaissance Infinie, une connaissance de l’infini, et cependant il n’y a pas d’infini actuel, au sens pluraliste de ce mol ; il y a encore moins un infini potentiel : l’infini dont il s’agit est l’infini de l’unité infiniment riche et qui a une infinie connaissance de soi. i Serlillanges, Dieu, t. H, p. 354, note tlli. Cf. S. Thomas. Contra i/ent., 1. 1, c. i.xix. i.xxi ; Sum.theol., T', q. i. a. 12 : De veritale, q. ii, a. 9 ; In l" m Sent., dist. 1 q. i. a. 3.

Cette thèse communément enseignée est plus ou moins contredite par le préjugé tiré de l’opinion, précédemment relatée, de la connaissance des choses in seipsis et aussi par des notions philosophiques différentes du possible intrinsèque. Duns Scot admet que les possibles sont directement formes par l’intelligence divine, sans que l’essence divine y ait quelque part. Voir Duns Scot, t. iv, col. 879 ; NOMINALISME, t. x, col. 7lit>. Dieu connaît les possibles en lui-même, mais comme des idées de son intelligence. Pour les nominalistes. le possible intrinsèque n’existe pas. Dieu connaît les possibles sans qu’on puisse assigner à cette connaissance aucun principe. Voir t. xi, col. 760. Descartes fail dépendre la possibilité intrinsèque de la volonté divine : si Dieu connaît les possibles, c’est qu’il les veut d’abord. Voir ici t. iv, col. 54C.

2. Connaissance du mal. Comment l’essence divine peut-elle être le moyen pour Dieu de connaître le mal î Saint 'Thomas explique que Dieu connaît le mal en connaissant la limitation ou privation du bien. Ce mode de connaissance résulte d’ailleurs de la nature même du mal qui n’est pas quelque chose, mais la privation d’un certain bien. De malo, q. i, a. 1. Le mal est donc « oppose aux œuvres de Dieu, œuvres que Dieu connaît par son essence et donc, les connaissant, il connaît par elles les maux opposés »..S’imi. theol.. [ », q. xiv, a. 10, ad 3'"" ; cf. De veritale. q. ii, a. 15.

Cette connaissance indirecte n’est cependant pas une connaissance imparfaite, puisque « le mal n’est pas connaissable en lui-même ; car c’est la nature du mal d'être une privation du bien ; et ainsi il ne peut être ni défini ni connu, si ce n’est par le bien ». Ibid., ad 4um. A quoi Sert illanges ajoute cette remarque judicieuse : « On pourrait même dire qu’il appartient à la perfection de la connaissance de connaître le mal indirectement, puisque c’est ainsi qu’il est. Op. cit., p. 351, note 11)7.

3. Connaissance des choses viles. Les choses viles el basses sont elles aussi, à un degré infime, des participations lointaines de la perfection de l'être divin. I a matière elle-même, si opposée cependant à l’esprit, est une réalité contenue dans Texemplarisme divin. Dans le Contra génies, t. I, C. LXX, saint Thomas rappelle que la connaissance des choses viles n’est pas indigne de Dieu, car, loin d’entraîner en Dieu quelque complaisance à l'égard du mal que de tels êtres peuvent présenter, cette connaissance concourt à la perfection infinie de la science divine. Dieu devant tout connaître parce qu’il est la cause première de tout : La Sagesse est plus prompte que tout ce qu’il J a de prompt el elle allcinl partout a cause de sa pureté. Elle est la vapeur de la vertu de Dieu… et c’est pour cela que rien de souille n’entre en elle. Sap., VII, 24-25.

l. Connaissance des êtres singuliers. Bien que Dieu connaisse lout dans et par son essence, il y saisit les êtres dans leurs caractères singuliers ci Individuels. Noire connaissance humaine procède, elle, par voie

d’abstraction, ce qui explique que notre connaissance

du singulier SOil l’aboutissement d’une série de jugementS réflexes, lai Dieu et dans les esprits sépares.