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SPIRITUELS. EN PROVENCE


pauvreté, question sur laquelle <>n reviendra bientôt. Cependant la figure centrale iU-s spirituels dans le midi de la France est frère Pierre de Jean Olieu (Olivi), dont la doctrine et la vénération après sa mort (1298) eurent un grand retentissement en Italie et en Catalogne. Renvoyant à l’article Olieu, t. xi, col. 982 sq., il nous suffit de dire qu’Olieu est un caractère bien complexe : d’un côté il était un penseur profond, subtil et logique, de l’autre un enthousiaste des rêveries joachimites et un champion exalte de la pauvreté franciscaine absolue. Sa doctrine à l'égard de la pauvreté se trouve dans ses Questions sur la perfection ivangëlique, en partie publiées par Ehrle dans l’ArcAû », t. m. p. I, .17.")3 : 5. dans son traité Sur l’usage pauvre, et dans le c. x de son Commentaire à s. Matthieu inédit. Dans son Exposition île la règle (dans l’innamentum Iriutn uni., part. 111. Venise, 1513, fol. 106 r°12 4 v°), écrite pour les frères simples (Prologue), il est plus réserve. Son joachimisme apparaît surtout dans ses Pastilles sur l’Apocalypse (inédites), qui ont eu une influence décisive et néfaste sur les développements ultérieurs du mouvement des spirituels. Pendant son séjour à Florence (1285-1289), il y répandit ses idées et eut comme disciple docile Ubertin de Casale. qui, dans le premier Prologue de son Arbor vitæ, dit expressément avoir été introduit par Olieu, à Florence, dans les secrets de l'état du Saint-Hsprit et du renouvellement de la vie du Christ. Le 1. V du même Arbor vitæ est inspiré et même en grande partie copié des Poslilles sur l’Apocalypse. D’autre part, Olieu ne partagea nullement quelques extravagances des spirituels italiens que, dans sa lettre à Conrad d’Offida, il blâma vivement parce qu’ils voulaient se séparer de l’ordre et révisaient de reconnaître Bonifæe VIII. Dans sa propre province il y eut des désordres à cause de sa doctrine et Nicolas IV, vers 1290, en écrivit au ministre général, lui ordonnant de faire une enquête à ce propos. Anal, franc, t. iii, p. 420, 422 ; Ehrle, dans Archiv, t. iii, p. 435 sq. Cette bulle n’a pas été conservée. De son vivant quelques frères furent emprisonnés et, après sa mort, frère Poncius Butigati, que quelques auteurs confondent avec frère Poncius Carbonelli, qui fut un des maîtres de saint Louis d’Anjou et de son frère Robert pendant la captivité en Catalogne, subit d’affreuses souffrances de la part de la Communauté. Ce sont ces persécutions qui provoquèrent la grande discussion sur la pauvreté et sur les écrits d' Olieu à la cour pontificale (1309-1312).

Sur la cause immédiate de cette discussion nous avons des sources divergentes, mais conciliables, puisqu’elles ne s’excluent pas. D’après Ange de Clareno, Trib., 0, c’est le fameux médecin catalan et théologien laïc, Arnaud de Yillanova, jadis médecin de Bonifæe VIII, ami des maisons royales d’Aragon, de Sicile et de Naples et partisan des béguins catalans, qui fit les premiers pas pour venir en aide aux spirituels de Provence. Il serait entré en rapports, dans ce but, avec Charles II, roi de Naples et, l’ayant mis au courant des souffrances des frères zélés de Provence, l’aurait déterminé a en écrire au ministre général Gonsalve. Arnaud fit même des démarches auprès de Clément Y, pour que hiNsen ! convoqués à la cour pontificale les frères Raymond Gaufredi, Gui de.Mirepoix, Barthélémy Siccardi et Ubertin de Casale et que fussent entendus leurs plaintes et leurs projets de réforme. D’après Raymond de Fronsac, procureur de l’ordre en cour de Rome, cf. Archiv, t. iii, p. 18, l’initiative aurait été prise par les bourgeois de Narbonne en 1309. Leurs procureurs, dans une pétition adressée probablement au pape, se plaignirent de ce que les écrits d’Olieu avaient été condamnés injustement, que la règle des frères mineurs n'était pas observée et que (eux qui suivaient la règle étaient persécutés et emprisonnés. Bouagratia

de Bergame, aide é procureur, répète à peu près la même chose dans un acte notarié de 1310. Archiv, t. iii, p. 30.

Les deux versions de l’origine de la grande discussion sont parfaitement conciliables et il en résulte qu’il y eut une action combinée en faveur des spirituels persécutés. D’une part. Raymond de Fronsac s’appuie sur deux actes des procureurs des bourgeois de Narbonne, de l’autre, les sentiments joachimites cl spirituels d’Arnaud de Yillanova sont trop connus pour que l’on puisse rejeter le témoignage d’Ange de Clareno sur son intervention. D’ailleurs Arnaud luimême, dans son Interprétation du songe de Frédéric 1 1 1 de Sicile, écrite peut-être vers 1308, dit expressément que les papes ont été priés (par Arnaud, comme il le fait entendre après) d’examiner la cause des spirituels dans les provinces de Provence et de Toscane, mais en vain, puisqu’on craignait de diffamer l’ordre. Voir le texte quelque peu obscur dans M. Menendez y Pelayo, Ilistoriu de los helerodoxos espanoles, 2e éd., t. iii, p. lxvi. Arnaud, en s’intéressant aux spirituels en 1309, n’a donc fait que répéter des efforts déjà tentés une fois en vain. Il y a pourtant une difficulté. On a vii, col. 2530, qu’en 1300 Charles II avait enjoint l’exécution des bulles contre les spirituels réfugiés en Grèce et qu’il les fit expulser de son royaume après leur retour en Italie. On a donc proposé de substituer à son nom soit celui de son fils Robert qui, le 5 mai'1309, lui succéda sur le trône de Naples, soit celui de Frédéric, roi de Sicile, tous les deux à fortes tendances mystiques. Mais ces hypothèses ne semblent nullement nécessaires : malgré son hostilité aux spirituels des Marches d’Ancône, Charles II pouvait très bien avoir des sentiments différents à l'égard des spirituels du midi de la France, qui étaient ses sujets en tant que comte de Provence ; comme tel, il devait aussi pourvoir à la tranquillité de ses villes. Il est certain du reste qu’Arnaud donna ses soins médicaux à Charles II avant le 18 février 1308, cf. Finke, Acta Aragonensia, t. iii, p. 176, et que le médecin catalan était à la cour pontificale au mois d’août 1309. Ibid., t. ii, p. 883 ; Menendez y Pelayo, op. cit., t. iii, p. 217. C’est alors probablement qu’il eut avec Clément V, touchant les affaires des spirituels, le colloque secret mentionné par Ange de Clareno, Trib., 6. Clément V, ainsi gagné à la cause des spirituels, fit appeler secrètement les frères désignés par Arnaud. Ils arrivèrent vers octobre 1309 à la cour pontificale, qui résidait alors au prieuré de Groseau près Malaucène. Les pourparlers commencèrent aussitôt. Les frères de la Communauté ne virent pas de bon œil ce développement et semblent même avoir pris une attitude menaçante pour la sûreté personnelle des recourants. Dans ces circonstances, Clément V, le 1 er avril 1310, donna la bulle Dudum ad apostolatus, dans Bull, franc., t. v, p. 65, d’un ton fort bienveillant envers les spirituels. Le pape mentionne d’abord qu’il a été averti secrètement des conditions lamentables qui existent dans l’ordre des frères mineurs et que l’ordre lui-même n’a pu éliminer. C’est pourquoi le pape a appelé un certain nombre de frères — dont les noms sont donnés — pour faire examiner leurs griefs devant une commission de trois cardinaux et de trois membres éminents choisis dans les ordres des prêcheurs, des carmes et des augUStins. Pour soustraire les frères convoqués à tout danger ou à l’intimidation, il les déclarait exempts de la juridiction de l’ordre.

Cette bulle était un succès très réel pour la cause des spirituels, non seulement de ceux qui étaient immédia tenient intéressés, mais encore, a cause de la présence en curie d’Ubertin de Casale, des par tisans italiens. La Communauté en fut conster

née ; près d’une année se passa avant qu’elle ri