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SPIRITUELS. EN PROVENCE

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En date du l™ mars 1311, Raymond de Fronsac et son bras droit, Bonagratia, simple frère convers mais ancien avocat, protestèrent en plein consistoire contre la bulle d’exemption qui. selon eux. était subreptice et

ne pouvait en aucun cas servir aux fins désirées, puisque les hérétiques ne peuvent bénéficier des faveurs de l'Église. Pour prouver que les zelanli étaient des hérétiques ils relevèrent les erreurs d’Olieu. N’ayant pas obtenu ce qu’ils espéraient, les deux représentants de la Communauté renouvelèrent, le 4 Juillet suivant, leur protestation devant le trésorier du cardinal.Jean de Murro. en y insérant la première protestation. Cette pièce a été publiée par Pluie. Arcliiv. t. n. p. 365 sq. H est fort remarquable que, dans ce texte, on trouve déjà énumérées les erreurs imputées à Olieu et réprouvées dans la suite par le concile de Vienne.

La commission pontificale chargée de l’examen de la cause des spirituels subit différents changements : les premiers commissaires étaient les cardinaux Pierre de Capella, évêque de Palestrina et Thomas Joyce, (). P. (f le 13 décembre 1310). Au premier, invalide, furent substitués Guillaume Arrufati. neveu de Clément V, et Bérenger Fredoli, évêque deTusculum. En 13Il appartenaient à la commission cardinalice Nicolas de Prato, évêque d’Ostie, et Nicolas de Freauville. Les trois théologiens des ordres mendiants étaient le maître du Sacré- Palais, qui était alors Guillaume de Godino, (). P., Gérard de Bologne, (). Garni., et Arnaud, O S. A. Le nombre des frères du parti rigoriste convoqués est beaucoup plus considérable dans la bulle que chez Ange de Clareno qui ne nomme que les principaux. La Communauté était représentée par le ministre général Gonsalve et son futur successeur Alexandre d’Alexandrie, par Vital Du Four et surtout par Raymond de Fronsac et Bonagratia de Bergame. Quant à la lactique des deux partis en opposition, il est fort intéressant de noter comment la Communauté, pour parer aux accusations de relâchement lancées par les spirituels, met en avant les « hérésies » d’Olieu et partant des spirituels. A ce propos, Ehrle a justement fait observer que, sans ces démêlés cl ces procédés intéressés, la mémoire d’Olieu n’aurait pas tant soulfert plus tard.

l.a commission pontificale commença ses travaux en soumettant quatre questions aux zelanli convoqués, en leur demandant d’y répondre. Ce sont les suivantes : l. Sur la secte de ['esprit de liberté qu’on soupçonnait être répandue dans les rangs des spirituels. 2. Sur l’observance de la règle et des déclarations pontificales dans l’ordre. 3. Sur la doctrine et les livres d’Olieu parmi les spirituels. 1 Sur Us griefs des spirituels en Provence, l.a réponse (le Raymond Gaufredi et de ses compagnons, conservée dans une réplique de la Communauté, Archiv, t. m. p. 111, est franche et modérée. Quant au l, r point, notons « pie la secte de l’esprit de liberté qu’il ne faut pas confondre, comme l’ont fait

la plupart « les historiens. acc la secte apparentée du libre esprit, s'était formée en Ombrie à la fin du xiic siècle, surtout dans les milieux claustraux, et professait, ci il re autre, un quiétisme obscène. Ces spiri tuels provençaux déclarent n’en rien savoir : mais, si la secte s’est glissée < Cuis l’ordre, ils demandent qu’elle

soit réprimée. Répondant au 2 « point. Raymond et ses associés reconnaissent que les déclarations pontificales sont observées parla Communauté quanl a la subs

tance, mais que, dans les détails, existaient beaucoup d’infractions surtout en matière de pauvreté. La cause de ce relâchement est que beaucoup de frères sont d’opinion que l’usage pauv rc (enseigné par Olieu) n’est

pas de la substance de la règle et du vuu de pauvreté,

A la 3* question ils répondent qu’ils ne croient pas

qu’il V ail des erreurs dans les écrits d’Olieu ; s’il s’y trouve des articles douteux, Tailleur en a donne des

explications qui suffisent à calmer toutes les appréhensions. Répondant enfin à l’article 4, les spirituels déclarent que, pendant les vingt dernières années, les zelanli de Provence ont subi maintes tracasseries par des enquêtes souvent défectueuses dans la forme et excessives dans les punitions, l.a Communauté, de son côté, s’efforça de se justifier dans sa réplique.

Bien plus redoutable était le réquisitoire qu’l’bertin de Casale dressa dans sa réponse, Sanctitas vestra, aux quatre articles..rchii>, t. iii, p. 48 sq. Il est surtout inexorable dans la question de la pauvreté et, avec une clairvoyance surprenante, il déclare, p. 87, qu’il n’y aura pas de paix dans l’ordre franciscain tant que le Saint-Siège ne permettra pas à ceux qui veulent observer la règle à la lettre de se séparer du corps de l’ordre. Presque aussitôt après sa première réponse, l’bertin, vers la fin de 1310 ou au commencement de 1311, composa un autre traité polémique, désigné sous le nom de Rotulus iste. Archiv, t. iii, p. 93 sq. C’est une réponse plus ample à la deuxième question sur l’observance de la règle et sur la discipline dans Tordre. l'.n suivant la règle, chapitre par chapitre, les préceptes qui y sont contenus et la décrétale Exiit de Nicolas III, l’bertin s'évertue à démontrer que ni la règle, ni la déclaration pontificale ne sont observées dans la Communauté. Ce texte a été utilisé plus tard dans la composition de la décrétale Exivi de Clément Y, comme le releva Ange de Clareno. Archiv, t. ii, p. 139. La décrétale elle-même l’atteste en termes généraux. La disposition générale des deux documents est identique. Contre le Rotulus iste plusieurs réfutations furent présentées par la Communauté. Celle de Raymond de Fronsac, avec l’incipit : Sapientia œdificavit a été en partie publiée par Ehrle avec le Rotulus ; une autre par A. Chiappini dans T Archiv. franc, hist., t. vu. 1914, p. 654-675 ; t. viii, 1915, p. 56-80.

L’indomptable l’bertin de Casale, au cours de 1311, réfuta par deux nouveaux écrits les explications données par la Communauté. Comme celle-ci avait passé rapidement sur les abus dans Tordre pour insister davantage sur les erreurs d’Olieu, l’bertin alla au fond en écrivant une apologie d’Olieu, analysée par W’adding à Tan 1297, n. 36-47, t. v, 3 « éd.." p. 427-438, et publiée en entier par Ehrle, Archiv, t. ii, p..'iTT sq. Il réfute point par point les accusations lancées contre son confrère, tout en prenant la précaution d’ajouter qu’il ne partageait pas toutes ses opinions. Ce deuxième écrit, Archiv, t. m. p. 162 sq., portait encore sur l’observance de la règle. La Communauté s'était vantée d’observer non seulement la règle, mais de faire, en plus, des (luv rcs surérogatoires, a quoi l’bertin répond en démontrant qu’il n’en est rien, parce qu’il s’agit d’oeuvres prescrites par la règle, ou d'œuvres qui ne sont pas pratiquées. 1 Hplus, il spécifie sans merci les transgressions manifestes contre la règle, en indiquant lieux et personnes coupables. Cet écrit est probablement le plus violent de toute cette polémique et en même temps le plus précieux du point de vue historique, en tant qu’il nous fait connaître la vie primitive de Tordre, exposée souvent par les paroles de frère Léon, compagnon de saint François.

Dans le cours de cette longue et pénible lutte des deux partis devant la commission pontificale, il y eut deux événements qu’il faut signaler en particulier.

L’un l’ut, vers 1310, la mort presque subite de l’ancien ministre général Raymond Gaufredi, suivie peu après de celles de ses compagnons Gui de Mirepoix. Barthc leiny Siccardl et d’un autre frère, tous du parti spiri tuel. l.a Communauté attribua ces morts aux juge incnts secrets de I lieu. Antil. jranc., t. m. p. 158, tandis

que Ange de Clareno (Archiv, t. n. p. 133) parle de poison. Quoi qu’il en soit, il est tout naturel que, a la suite de ces sinistres événements et de nouvelles vexa-