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STERCORANISME. AU I Xe SIÈCLE

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pas cela. Mais, comme une cire que l’on approche du feu ne se raffine pas, ni ne laisse de résidu, île même ici, estime que les mystères sont consumés par la substance du corps. »

P. liatitïol commente justement : « L’auteur parle îles uuary ; pia, c’est-à-dire du pain et du vin consacrés. Ne pense pas, dit-il, que ce soit là du pain et du vin. Non, car ces aya-r^pia n’ont pas le sort des autres aliments qui Unissent au fumier. Les u.ua-rrjp'.a se comportent comme la cire qu’oïl approche du feu et qui fond sans laisser de résidu : ainsi les [i.uaT7)pta sont consumés par la substance du corps du fidèle qui communie, ((/est l’idée de s. Cyrille de Jérusalem.) ChrySOStome axait dit d’une manière analogue que, au contraire du sang de l’ancienne alliance qui purifiait le corps du dehors, dans la nouvelle alliance la purification est pneumatique ; elle entre dans l'âme ; elle se mêle à la substance de lame. //) llebr., hum. xvi, 2 ; Jean Chrysostome avait dit encore que le corps du Sauveur se dissout (In Eph., boni, ni) intégralement dans l'âme du fidèle. » Op. cit., p, 421.

Le compilateur de l’homélie : Quod non indigne acceclendum sil, dans les Eclogæ, P. G., t. lxiii, col. 898, reproduit le passage du pseudo-Chrysostome. Saint Jean Damascène lui-même se fera l'écho de cette opinion touchant l’incorruptibilité des espèces : ctwu.(x iozl y.al ocTu.a Xpiaroû… où çŒipôfxevov, oùx elç, àçeSpwva ytûpoùv, p.7) yévoiTO, àXX' sic, "rijv f)U.ûv oùaïav ytxi o’jvTrjpr^oiv. De fide orlh., IV, xiii, P. G., t. xciv, col. 1152. Voir aussi Euthymius de Zigabène, Comm. in Matin., xxiv, 26, P. G., t. cxxrx, col. 605.

On retrouve la conception de la vivilication physique de notre corps par l’assimilation physique du corps vivifiant du Sauveur, qui, en vivant en lui, le transforme totalement, dans saint Grégoire de Nysse, Oral. catech., xxxvii, P. G., t. xlv, col. 93-97, et saint Cyrille d’Alexandrie. In Joli., vi, 54, P. G., t. lxxiii, col. 577580.

Ces pensées ont certes leur racine dans l'évangile de saint Jean. Le discours du Pain de vie, c. vi, attribue une efficacité vivifiante à la chair glorifiée du Christ ressuscité qui met, dès maintenant, dans le fidèle un principe de vie divine et lui donne l’assurance d'être ressuscité au dernier jour. C’est dans la communion eucharistique à la chair glorifiée du Christ que se fait mystérieusement la participation réitérée à l’Esprit qui vi ilie. Sur le comment de cette vivifleation réelle, mais spirituelle de l’aliment divin qui nous fait demeurer en Jésus, et le fait demeurer en nous, comme un principe de vie éternelle, l'Évangile est muet. Les Pères grecs croient pouvoir lever un coin du mystère en concevant la communion comme une assimilation physique qui cache en notre corps comme un germe de l’incorruptibilité ; ainsi, selon eux, la résurrection ne fera quc mettre en activité les forces que la communion a déposées en nous en vue de l’incorruptibilité. N’y a-t-il pas quelque outrance dans cette systématisation rigoureuse qui ramène surtout l’effet de l’eucharistie a une action physique sur le corps ? Cf. Batiffol, op. cit., p. 399. Il y a la comme un danger de matérialisation du mode d’action de l’aliment divin dans le fidèle, de rétrécissement de cette action au corps, et un danger aussi de spirit ualisation excessive des rie ments consacres que l’on déclare incorruptibles. Celte

conception qui se retrouvera dans la suite chez les

Latins ne sera pas sans retarder la solution du problème de l’objectivité et du devenir des espèces dans la communion.

IL Genèse et développement de la contro VERSE Sl’li L’OBJECTIVITÉ 1.1 LE DEVENIR DES ÉLÉMENTS CONSACRÉS (IV au Mil'e siècle). 1° Genèse

tic lu controverse. Amalaire < ers 850) </ Florus († 860). ec la renaissance carolingienne, la réflexion

théologique va être préoccupée par la question du devenir du corps du Christ après la communion ; elle s’exercera comme chez les Grecs en deux sens différents. Les uns, confondant plus ou moins le corpus Christi et les éléments consacrés qui le revêtent, se demandent si ce corpus Christi est sujet aux mêmes icissitudes que les autres aliments. D’autres, distinguant, à la suite de saint Augustin, entre le sacramentuni et la res sacramenti, n’auront pas de peine à reconnaître la corruptibilité des éléments consacrés et l’incorruptibilité du corpus Christi.

1. Amalaire. — Il est un témoin du premier courant. Interrogé par un jeune noble, son disciple Gontrade, qui était troublé par certaines altitudes du maître après la communion : me slutim spuerc posl comestam eucharistiam, il lui répond ainsi, Epist., vi, P. L., t. cv, col. 1330-1339 : Il sait qu’on doit vénérer le corps du Seigneur par dessus tous les autres aliments, mais d’une façon spirituelle : Non hoc dico quod non debeamus corpus Domini venerari præ omnibus sumplibus, sed quod si veneratum fuerit ab inleriore homine, quidquid nuluralilcr ab exteriore agitur, dominico honori deputetur. Col. 1337 A. Il comprend d’ailleurs le scrupule de son disciple : quasi sumptum corpus simul cam sputo projiciam. Mais reste son infirmité et il a confiance que Dieu, dans tous les cas, saura vivifier son âme par l’aliment eucharistique : lamen con/ido in Domino, ut facial intrare corpus ad animam vivificandurn, et quiitl excundum est propler sanilalem corporis, jaciat exire sine dispendio animse. Col. 1337 D. A nous de vouloir et de demander à Dieu un coeur pur, à lui de répandre son corps dans nos membres et dans nos veines pour notre salut. Il nous donne sa présence vivifiante comme il veut : et le corps du Christ qui est la vie et qui donne la vie est incorruptible, où qu’il soit.

En résumé, pour ce qui est du corps du Christ reçu avec bonne intention, Amalaire » ne veut point discuter s’il est invisiblement porté au ciel, ou s’il se conserve dans le corps du fidèle jusqu’au jour de sa sépulture, ou s’il s’exhale dans les airs, ou s’il sort du fidèle soit avec le sang, soit par la voie ordinaire (aut exeat de corpore cum sanguine, aut per poros emillatur) selon la parole de l'Évangile : Omnc quod intrat in os in venI ru /il vadit et in secessum cmitlitur. Matth., xv, 17. Le fidèle ne doit pas soulever ces questions ; il ne doit se préoccuper que de ne pas recevoir le corps du Christ d’un cœur sacrilège comme Judas et de le discerner des aliments ordinaires. Col. 1338 D.

Ainsi Amalaire professe, avec la Tradition, la croyance dans l’eucharistie à la présence réelle d’un corpus Christi, qu’il faut vénérer par dessus tous les aliments ; il croit, comme Cyrille de Jérusalem, que ce corpus Christi &e répand dans nos membres et dans nos veines et nous communique la vie pour notre salut. Quant à percer le mystère de cette présence, quant à préciser sa durée, à dire comment elle cesse, à dire si le corpus Domini serait sujet aux mêmes vicissitudes que les aliments, à répondre aux conceptions en travail dans les imaginations de celle époque, il se garde de le faire, et recommande même le respect du mystère. Avec E. Vernel, arl. EUCHARISTIE, t. v, col. 1221, il faut dire : « On a eu tort de compter Amalaire parmi les tenants (du stcrcoranisine) ; dans la lettre ad GunIradum, il ne veut pas discuter les opinions diverses qu’il énumère et ailleurs il se déclare pour la permanence du corps du Christ dans le communiant. » Reconnaissons que la façon dont il conçoit l’assimilation physique du corpus Domini dans nos membres et dans

nos veines appelle des critiques. Les augustiniens ne

les lui ménageront pas.

2. FlorUS. - Diacre de Lyon, il écrivit contre Amalaire avant et après le concile de Quicrzꝟ. 838. Sur cette