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STEKCORANISME. AU XI* SIÈCLE


lion posée pour superflue. Lui, distingue fort bien outre le sacramentum, élément visible et corruptible, et la rirtus sacramenti ou eorps spirituel eucharistique qui produit l’incorporation au Christ. Tout comme Pascase, il ne veut pas que ce qui est l’aliment de l’Ame soit de nature à être digéré ; il insiste sur la spiritualité de cet aliment jusqu'à condamner ce qu’a dit Pascase. « Récemment, dit-il à Héribald. certains ont affirmé à tort que le corps eucharistique est celui-là même qui est né de la vierge.Marie. » A cette erreur, ajoute-t-il. j’ai répondu dans ma lettre à Égil et j’ai dit ce qu’il faut penser de cette question.

La lettre à Égil de Prum est perdue, mais ce que Raban dit ici sutlit à montrer qu'à la différence de Pascase, l’archevêque « le Mayence admet la réalité du sacramentum qui demeure après la consécration. Réalité matérielle, le sacramentum subit les vicissitudes de toute matière et suit doue le cours de la digestion. Qute est enim ratio ut hoc qiiod stomacho digeritur et in secessum emittitur, iterum in statuai pristinum redeat, cum nullus hoc viiiquam fieri esse asseruit.' La réponse donnée n’est qu’une application de la conception eucharistique déjà exposée dans le De inslitutione clericorum. c. xxxi, ibid., toi. 516-518, où est marquée la distinction entre l’alimentum corporis et la virtus Chrisii.

En résumé, pour Raban comme pour Héribald, la question posée ne concerne pas le corps invisible et incorruptible du Christ, mais le sacramentum, les espèces du pain et du vin. Que deviennent-elles'.' Raban y fait cette réponse qui sera plus tard celle de saint Thomas. Le sacramentum est un alimentum corporis qui est sujet aux mêmes vicissitudes que les aliments ordinaires. Il n’est nullement question pour lui de soumettre le corps eucharistique lui-même, c’est-à-dire l 'élément incorruptible, à ces vicissitudes.

Ratramne († 868), dans son opuscule De corpore et sanguine Domini, P. L., t. cxxi, col. 125-170, critique lui aussi la thèse de Pascase sur l’identité du corps historique du Christ et du corps eucharistique. Sans aborder directement la question du devenir des éléments consacrés après la communion, il pose des principes semblables à ceux de Raban Maux qui conduisent aux mêmes conséquences. La consécration, selon lui, laisse inchangés le pain et le viii, mais elle opère un changement spirituel. Au terme de ce changement, il n’y a pas qu’un signum, mais un sacramentum, c’està dire un si^nc salutaire. C’est un corps et un san^ spi rituels, c’est une puissance du Verbe qui nourrit l'âme el la purifie. Ainsi, dans la communion, y a-t-il une double nutrition corporelle et spirituelle. Il y a d’abord la substance visible du pain et du vin « lui n’a pas perdu sa qualité d’aliment, mais le pain et le vin sont devenus sacrements, figures, de la « substance de vie divine qui est en eux et qui nourrit l'âme. Il écrit donc : Non secundum hoc quod videtur, quod corporalitcr sumitur, quod denti' premitur, quod jauce glutitur, quod receplæulo oentris suscipitw, a-ternæ vite substantiam subministrat. Isto namque modo carnem » us<il moriluram, /icc aliquam subministrat incorruplionem. C. lii, col. 1 18.

on es1 d’accord aujourd’hui pour attribuer à Gottschalck le petit traité intitulé Dicta cujusdam sapientis, I'. I… i. cxii, col. 1510-1518, donne à tort comme étant la lettre à Égil de Raban Maur. oir É. Amann, dans Miche Martin, Hist. de l'Église, t. vi, p. 317, 318. Oriente dans le même sens que celui de Ratramne, polémiquant comme lui contre Pascase, ce petit traité, d’ailleurs fuligineux à plaisir, distingue ent rc la chair du Christ, telle qu’elle est au ciel, incon sumptibilis, dans, invescibilis, la chair qui est sur l’autel, sumptibilis, data, vescenda, premenda, et en lin le corps mystique du Christ, qui es1 l’Eglise, chair cor

ruplibilis, accipiens, vescens, sumens. C’est l’idée augustinienne, reprise par Ratramne ; mais si cette idée comporte les mêmes conséquences qu’avait dégagées le moine de Corbie, touchant la double nutrition du corps par le sacramentum, et de l'âme par la « vertu du Verbe », ces conséquences ne sont pas explicitées par Gottschalck. Il n’y a donc pas lieu de s’y arrêter plus longuement.

3° La controverse dans l’Anonyme de d’Achéry et dans Hérigcr de Lobbes († 1007). — Sous le nom d’Anonyme de d’Achéry, nous désignons l’auteur du petit traité intitulé liesponsio cujusdam de corpore et sanguine Domini, dans le Spicilegium, 2e éd., t. i, p. 149 sq. Et nous considérons comme d’Hériger de Lobbes, voir ici, t. xi, col. 809, l’opuscule De corpore et sanguine Domini, dans P. L., t. cxxxix, col. 179-188.

L’abbé de Lobbes est un esprit conciliateur qui connaît fort bien la controverse suscitée au temps de Pascase et de Ratramne et continuée sous ses yeux louchant la question de l’identité du corps eucharistique avec le corps historique du Christ, et aussi la question du devenir des espèces eucharistiques préoccupante pour plusieurs esprits de l'époque.

Nous n’avons pas à insister sur le premier de ces problèmes. Pour résoudre celui du devenir des espèces eucharistiques, Hérigcr fait appel à la théorie de la digestion selon les Physici dans Rémi d’Auxerre : In Matin., nom. xii, P. L., t. cxxxi, col. 930 ; mais il s’inspire surtout des principes et des expressions d’un sage qui est l’auteur anonyme de d’Achéry. Pour comprendre la position de l’abbé de Lobbes, il faut connaître celle de l’Anonyme cité par lui au début de son traité : Sicut ante nos dixit quidam sapiens, cujus sententiam probamus. P. L., t. cxxxix, col. 17'.).

La question que Pascase avait écartée comme frivole, qui avait fait l’objet d’un échange de lettres entre Raban et Héribald, entre Amalaire et Florus est abordée en effet d’une façon nouvelle par l’Anonyme. Son texte marque une étape à la tin du x c siècle dans l’histoire de la controverse.

La question du devenir des espèces eucharistiques est abordée pour elle-même et plusieurs solutions sont proposées. La question d’abord : Provocamur respondere de quo dignum est non tacere, videlicet de mysterio corporis et sanguinis Domini…, quo ordine trajectum in nobis naturali et corporea condilione servetur. La solution doit avant tout respecter le mystère de la foi. Il faut distinguer dans le corpus Christi d’abord l’aliment spirituel qui nourrit l'âme, el alors il ne peut être question de digestion. Mais L’eucharistie n’est pas seulement nourriture spirituelle ; elle vivifie aussi le corps ; et au sujet de l’aliment corporel se pose la question de son devenir : Si autem de exteriore dicimus cibo et homine, liquet illa sentent ia qua dicitur : « omne quod in os intrat, in venlrem vaditet in secessum emittitur. » Une chose est certaine ; c’est que l’eucharistie est à distinguer même dans ses espèces corporelles des aliments ordinaires ; elle ne peut subir le sort final de ceux-ci. Comment disparaît-elle'? c’est un mystère ; il faut s’en remettre à la toute-puissance de Dieu qui peut consumer les éléments assimiles ou leur communiquer dans le corps l’incorruptibilité : Quid Dominas de mysterio suo agere voluerit, suas scimus tantum cognoscere esse VOluntatis. Scimus eaiai consumi passe spiritali l’irtute, scimus et servari posse inconsumptibili perennitate quia quæque ex las Christus elegerit de suo sacramenio perfl cit. De toutes façons, les espèces eucharistiques ne peu

Veni avoir le sort final de tout aliment : absil iantiun

ai tantum mysterium secessui liât obnoxium.

C’esi d’après ces principes de l’Anonyme qu’l [ériger de Lobbes va Juger Ratramne, Raban et Héribald cl essayer une solution. Il ne pcui que stigmatiser Raban et Héribald d’Auxerre : El las quidem, qui dixerunt,