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STIGMATISATION


avec une sainteté extraordinaire. Il faut constater les faits et se demander quelle en peut-être la cause : I. Les faits. II. Les explications possibles.

I. Les faits.

Principaux cas.

Le plus connu,

dans le passé, est celui de saint François d’Assise. Quoi qu’il en soit de la façon dont il les reçut, il est bien attesté qu’au moment de sa mort, 1226, il portait aux pieds, aux mains et au côté gauche des marques sanglantes ou sanguinolentes, qui faisaient ressembler son corps à celui du Crucifié. Les témoignages contemporains relatant le fait sont absolument irrécusables, encore qu’il y ait quelques divergences dans la description du phénomène. Voir ces textes rassemblés dans l’art. Stigmates de saint François, du Dictionn. apol., t. iv. col. 1492-1497.

On a at taché quelque importance à la question de savoir si François d’Assise est le premier stigmatisé connu. En fait, il paraît bien qu’il faut mettre avant lui la béguine Marie d’Oignie († 1213) dont la vie a été écrite par son confesseur Jacques de Yitry. Cf. Acta sanct., juin, t. v (éd. Palmé), p. 547 sq. Au dire de son biographe, elle s'était fait elle-même des plaies représentant celles du Sauveur, dans une extase, semble-til, où elle vit à ses côtés un séraphin ; quand, après sa mort, on lava son corps, ces blessures furent révélées : caritate vulnerala et Christi vulneribus vegetala proprii corporis neglexit vulnera. Loc. cit., p. 552. Si le fait est authentique, il est sans aucune relation possible avec ce qui est rapporté du pauvre d’Assise. Au contraire, la stigmatisation de Dodon d’Haske, un ermite mort en 1231, est postérieure à celle de François, on ne saurait exclure à priori une influence des récits, vite mis en circulation, qui relataient les plaies miraculeuses du Poverello. Un autre fait, parfois cité, est celui de Robert, dauphin d’Auvergne et marquis de Montferrand († 1234), qui, chaque vendredi, se faisait avec des clous, sur lui-même, les marques sanglantes de la passion. Que cette idée fort analogue à celle de Marie d’Oignie, lui soit venue spontanément ou qu’il ait agi pour reproduire, en esprit de mortification volontaire, ce qu’il avait ouï dire qui s'était effectué miraculeusement sur le corps de François, elle est à retenir. Il faut mettre l’accent sur le désir de ces pieuses personnes de se transformer en un crucifix vivant. Ce désir n’est certainement pas resté sans influence sur les stigmatisés que l’on enregistre bientôt après la mort de François. Et il est bien remarquable, d’autre part, qu’antérieurement au xiii c siècle, il ne soit jamais question de ce phénomène.

On trouvera dans l’ouvrage du D r A. Imbert-Gourbeyre, La stigmatisation, 2e éd., Clermont-F’errand, 1858, une liste (pas absolument complète) des diverses personnes stigmatisées sur qui l’on a des renseignements plus ou moins certains, avec indication des sources essentielles. La liste qui, à vrai dire, devrait être très sérieusement critiquée, cf. P. Debongnie, dans Études carmélilaines, 20e année, t. ii, oct. 1936, p. 2259, comporte 321 noms, de femmes pour la plupart. Un certain nombre de ces personnes ont été élevées sur les autels, 80 environ. Pour plusieurs d’entre elles l'Église a permis d’introduire dans le récit liturgique de leur vie mention du fait de leur stigmatisation. Sans parler de saint François, c’est le cas, entre autres, pour sainte Catherine de Sienne († 1380), sur laquelle il faut voir Benoît XIV, De servorum Dei bealificatione, etc., I. IV, part. II, c. vin. D’autres fois, au contraire, le Saint-Siège, tout en reconnaissant la sainteté de tel personnage, a fait des réserves sur le caractère de la stigmatisation reçue par celui-ci. C’est le cas, par exemple, de sainte Gemma Galgani (1878-1903), qui en 1899 reçut les stigmates en une vision. Cf. R. P. Germain, Gemma Galgani, adapté par le P. Félix-deJésus-crucifié, Paris, 1924. Dans le décret proclamant

l’héroïcité de ses vertus, le Saint-Siège a déclaré qu’il n’entendait par là prononcer aucun jugement sur la nature exacte des phénomènes extraordinaires si fréquents dans cette vie, en d’autres ternies ne pas décider s’ils étaient prétcrnaturels ou pathologiques. Cf. Acta apost. Sedis, t. xxiv, 1932, p. 57.

Le cas précédent est tout rapproché de nous. Plus voisin encore celui de Marie-Thérèse Noblet, assez particulier d’ailleurs, sur lequel on aura des renseignements dans Pineau, M.-T. Noblet, servante de N.-S. en Papouasie ; celui du capucin Pio Petralcina, à Foggia (Italie méridionale), au sujet duquel le SaintOflice a fait faire des enquêtes, cf. Acta apost. Sedis, t. xv, 1923, p. 356 ; t. xvi, 1924, p. 368 ; t. xxiii, 1931, p. 233. Beaucoup plus connu est le cas de Thérèse Neumann, de Konnersreuth (Bavière), sur lequel s’est développée une littérature extrêmement touffue, dont on aura une première idée dans Études carmélitaines, 17e année, t. ii, oct. 1932, p. 44 sq. ; p. 88 sq. Qu’il soit permis de remarquer, d’ailleurs, que ce dernier cas n’est pas aussi extraordinaire qu’il semblerait d’abord ; des phénomènes très divers qui se présentent chez la voyante de Konnersreuth, il n’en est aucun qui ne soit antérieurement connu ; isolés ou groupés, ils se rencontrent dans un grand nombre de personnes, présentant ou non le phénomène de la stigmatisation.

Les phénomènes.

Pour procéder avec une méthode rigoureuse, il faudrait d’abord que fussent éliminés tous les cas douteux, cf. P. Debongnie, loc. cit.,

puis que fussent étudiés séparément les divers cas qui peuvent être atteints, soit par les témoignages, soit par la vue directe ; on en verrait ainsi, avec les ressemblances, les différences qui sont parfois très apparentes ; peut-être, cette discrimination faite, arriverait-on à les grouper en des séries plus ou moins divergentes. Une attention toute spéciale devrait être apportée aux conditions fort diverses dans lesquelles s’est produite la stigmatisation, aux accidents cliniques, souvent très apparents et caractéristiques, qui ont pu la précéder. Tout cela n’a été fait que de manière fort approximative et sans grande rigueur de méthode. Il faudra donc se contenter ici de quelques indications très banales et nécessairement schématiques.

On a retenu, dans la liste des stigmatisées, des personnes qui ne présentaient pas extérieurement les marques des plaies de Jésus, mais qui déclaraient avoir ressenti à la suite de visions et continuer à ressentir aux pieds, aux mains, au côté des douleurs très vives, analogues à celles qu’auraient produites les instruments mêmes de la passion. C’est le cas, tout spécialement, de la stigmatisation de sainte Catherine de Sienne et, si l’on veut, de la transverbération du cœur de sainte Thérèse. Sur cette dernière, voir Gabriel-de-Sainte-Marie-Madeleine, dans Et. carmél., 20e année, t. ii, oct. 1936, p. 208-242, qui renverra aux divers auteurs. En bonne logique, on ne saurait parler ici de stigmatisation au sens propre ; qui dit « stigmate^. » dit une marque extérieure.

Si l’on réserve le mot de stigmatisation à l’impression, visible dans la chair, des marques de la passion, il faut commencer par mettre à part le cas de saint F’rançois d’Assise. A lire les premiers témoignages, on voit qu’il ne s’agit pas chez lui, au moins pour ce qui est des pieds et des mains, de p’aies ouvertes, mais de l’apparence de clous, ayant à la face palmaire une tête, à la face dorsale une pointe plus ou moins refoulée et émoussée. L’un des témoins qui a touché le cadavre du saint croit qu’il y avait là comme un clou qu’il a pu faire mouvoir, encore que fait d’induration des muscles et des tendons. Autrement en était-il de la plaie du côté, qui présentait comme l’aspect d’une blessure (d’ailleurs superficielle) faite par un coup de la :