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ST ROSS M A V 1 : 1 1’JOSEPH-GEORGES)


nier ici la profonde douleur de mon âme à cause de cet évoque (Del N’allé, cvèque de Huanuco, au Pérou) qui a été exagéré et indiscret à l’égard de l’Église de France. Ah ! si je pouvais faire que ces paroles n’aient jamais été dites ici ! Que ce prélat se souvienne que l’éminente Kglise de France vient de sortir victorieuse d’une persécution honteuse et dure qui lui a été infligée à notre époque malheureuse, et cela par le mérite de ses innombrables martyrs et de ses confesseurs. Si jamais elle a eu des taches, elle les a abondamment lavées dans son sang. Que ce prélat se souvienne que l’Église de France est illustre dans le monde entier et, pour passer sous silence ses autres titres, qu’elle est. après Rome, la mère et l’institutrice de nous tous. » Nous citons les discours de Mgr Strossinaver au concile du Vatican d’après l’édition critique faite par le chanoine André Spiletak dans Biskup J. J. Strossnuu /cr na vatikanskom saboru (L’évêque J.-G. Strossinaver au concile du Vatican), Zagreb, 1929, p. 60. Mgr Strossmayer est pareillement intervenu au concile du Vatican en faveur de l’Église gallicane dans son dernier discours, prononcé le 2 juin 1870, en répliquant au patriarche de Jérusalem, Mgr Valerga. Op. cit., p. 98.

Dans son pays, Mgr Strossmayer joua un rôle politique de premier ordre. On ne doit pas s’étonner que l’attitude intrépide de cet évêque ait déplu à la cour de ienne. A plusieurs reprises on tenta de se débarrasser, en le dénonçant à Rome, de l’évêque importun qui prônait ouvertement la réforme lédérative de la monarchie. Ce fut d’abord son opposition au dogme de l’infaillibilité pontificale qui donna occasion à ses ennemis à demander sa déposition. Mais Mgr Strossmayer se hâta d’annoncer publiquement son adhésion à ce dogme, en janvier l.ST.’i. Lue occasion semblable se présenta au gouvernement autrichien en 1888. La Russie fêtait, cette année-là, le neuvième centenaire de sa conversion au christianisme. Mgr Strossmayer envoya un télégramme chaleureux aux Russes réunis à Kiev pour la célébration de ce mémorable anniversaire. Ce télégramme causa une grande émotion dans la monarchie. L’empereur en prit ombrage. Le Saint-Siège fut saisi. Strossinaver se préparait déjà à quitter son siège, mais il ne se démentit pas. C’est alors que se produisit la célèbre « affaire de Bjelovar », petite ville croate où l’empereur François-Joseph était venu assister aux manœuvres. Les évoques de la région vinrent le saluer. D’un ton acerbe, l’empereur dit à l’évêque de Djakovo qu’il avait certainement été malade au moment où il se décidait d’envoyer le télégramme incriminé à Kiev. Mgr Strossmayer répondit avec beaucoup de dignité et île fermeté : « Sire, ma conscience est pure. » Il quitta Bjelovar au milieu des acclamations de la foule sans avoir assisté au banquet organisé en honneur de l’empereur. Léon XIII et le cardinal Rampolla ne cédèrent pas aux demandes réitérées de la cour de Vienne concernant la déposition de Mgr Strossmayer.

L’épiscopat de Mgr Strossmayer dans le diocèse de Djakovo a été long et fécond. Il est mort à Djakovo le <s avril 1905. Son souvenir est resté très vivant non seulement parmi les Croates, mais dans la Yougoslavie entière. La cathédrale qu’il a fait construire à Djakovo, une des plus belles églises de l’Europe, est le monument le plus éloquent de son activité’épiscopale, laquelle fut dominée visiblement par l’idée (le l’union

de tous les peuples slaves dans l’Église catholique, Le

1 le lier, jour de sa naissance, est célébré chaque année en Yougoslavie comme une fête nationale.

IL Aciiviii m Mon Strossmayer en pavei a de l’union dis Églises. Grâce à la correspondance très abondante échangée entre Mgr Strossmayei et le chanoine Raèki, premier président de l’Académie

yougoslave des arts et des sciences et son ami intime, nous pouvons constater à quel point l’évoque était préoccupé de l’idée de l’union des Églises. Ces préoccupations se reflètent dans beaucoup de ses écrits et discours, et tout particulièrement dans deux de ses lettres pastorales (de 1881 et de 1882) et dans les discours tenus par lui au concile du Vatican.

Il est intéressant de voir quelle idée il se faisait de l’unité de l’Église. Là-dessus il a eu l’occasion de s’exprimer clairement au concile. Prenant la parole lors de la discussion du schéma De disciplina ecclesiastica, Strossmayer s’en prend « à la tendance, qui se fait voir presque à chaque page (du schéma), de réduire tout, même les choses de moindre importance, à l’unité. Certes, mes vénérables frères, dit-il, l’unité est une des plus essentielles et des plus nécessaires propriétés de l’Église. Mais je voudrais que cette unité fût le symbole de la sagesse, de la beauté et de la perfection divines. File doit être faite de la diversité de plusieurs éléments, dont chacun conserve intégralement sa nature, ses fonctions et ses droits. De cette façon l’unité qui fait partie de la nature de l’Église catholique, sera vraiment comme une harmonie céleste qui attire à elle non seulement les yeux de tout le monde, mais encore les cœurs. Autrement, si l’on réduit tout sans distinction à l’unité, on risque de parvenir à une unité qui pourrait susciter des rébellions ». Op. cit., p. 46. Dans la suite du discours, Strossmayer appuie sans réserve la demande faite par les cardinaux et évêques français en faveur de leur Kglise : « Je m’associe de tout mon cœur aux vœux des évêques de France : que ces particularités qui correspondent aux nécessités de l’Église de France, soient religieusement et intégralement conservées. » Ibid., p. 48.

Un des plus grands obstacles à l’union des Églises est, selon Mgr Strossmayer, la crainte chez les nonunis de perdre, en se joignant à l’Église catholique, leurs privilèges et leurs particularités. Dans le même discours, Mgr Strossmayer faisait à ce propos la constatation que voici : « Chaque fois, lorsque je leur (à des évêques orthodoxes) parle de ces choses (de l’union), je trouve toujours chez eux le préjugé et la crainte que le Saint-Siège et l’union n’abrogent et n’anéantissent leurs privilèges et leurs droits, leurs rites, leurs autonomies, leurs coutumes ecclésiastiques particulières. C’est en vain que je leur dis que ce n’est pas là le but ni la vocation du pouvoir de l’Église, mais que, bien au contraire, l’Église n’enlève jamais les droits des Églises particulières, mais les confirme toujours. Je leur dis que le but de cette institution, la plus élevée qui soit, est plutôt d’aider les Églises plus faibles, les Églises opprimées et persécutées. Dans les moments des graves difficultés, elles trouveront toutes dans le Saint-Siège la défense et l’aide la plus eflicace de leurs propres intérêts. » Ibid., p. 48. Il est donc nécessaire d’affirmer cette large conception de l’unité de l’Église, afin d’abolir beaucoup de vieux préjugés et de faciliter ainsi la réalisation de cette unité.

Due preuve tangible de cette unité dans la diversité devrait se faire, selon Mgr Strossinaver, le plus tôt possible, par la réforme du Collège cardinalice, jusqu’alors composé en majeure partie d’Italiens. Dans son discours du 14 janvier LS70, l’évêque rappela la décision du concile de Trente, selon laquelle les cardinaux devraient être choisis dans toutes les nations. Il formail le vœu que cette décision conciliaire se réalisât enfin et que le Collège cardinalice devînt ainsi comme une espèce de « compendium du monde entier ». Ibid., p. 34. Ceci n’est pas seulement, d’ail leurs, opinait Strossmayer, une exigence de justice envers le concile de Trente. La prudence toute naturelle nous en confirme l’utilité. Étant donné que les cardinaux sont appelés à s’occuper de questions très graves touchant soit