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SCIENCE DE DIEU. LA SCIENCE MOYENNE


elle est la mesure. Or, comme le remarque opportunément Janssens, De Deo, t. ii, p. 56, la science moyenne s’oppose au premier principe, puisqu’elle ne fait pas. niais explore simplement les choses : elle s’oppose au second principe, car si Dieu explore les choses indépendamment <le son décret, il ne peut les saisir en lui-même comme futuribles d’une façon déterminée, mais simplement comme possibles ; elle s’oppose au troisième principe, car la science qui ne lait qmcxplorer les choses n’est pas la science de l’artisan, aille rieure à l'œuvre d’art réalisée : elle n’est qu’une science analogue à la science humaine que nous pouvons avoir des choses naturelles, lesquelles sont antérieures à la connaissance que nous en avons.

Mais, en dehors de celle opposition aux principes les plus sûrs de saint Thomas, il y a aussi l’opposition à d’autres principes de la inétaphv sique. Conel les dee loppe. De Dr., , disp. VI, a. (i. Cf. Salmantieenses, De Deo, disp. X, XI, XII. Ces oppositions peux eut essen tiellement se résumer en ceci : la science moyenne enlève à Dieu la plénitude de la causalité première à l'égard « les choses créées. La déterminai ion du futur contingent lui échappe. D’où il faudrait conclure que, sous cet aspect, Dieu n’est ni cause première, ni cause première libre, et ne posséderait pas le domaine sou verain sur nos décisions libres.

Troisièmement, loin de sauver lu liberté, lu science moyenne, telle que la conçoivent Molina et ses disciples, la détruit. Elle prévoit un acte libre qui serait dans telles circonstances déterminées. Mais un tel acte est déjà lui-même déterminé, autrement il serait un simple possible, s’il est déterminé dans son objective vérité ou dans l’essence divine, nous nous retrouvons en face de la même difficulté que dans le thomisme, qu’on accuse de détruire la liberté humaine, avec celle différence que dans la science moyenne, la détermination du futurible est indépendante de la volonté divine cl par conséquent s’impose d’une façon extérieure cl rigide a l'événement futur, tandis que la transcendance de la volonté divine, telle que la reconnaît le thomisme, laisse entrevoir la possibilité d’expliquer, par cette transcendance même, la liberté d’un acte qu’elle fuit libre. Cf. ci dessous, col. ItilT. Sur cette argumentation, voir Gonet, <>p. cit., a. 159, 1<>7.

b. Insuffisance du système exposée pur les molinistes eux mêmes. — La racine de cette insuffisance réside en ce que les molinistes ne peuvent présenter aucune raison sérieuse montrant comment le simple possible, sans une détermination de la volonté divine, peut devenir futurible. Autre chose est qu’un événement puisse être, autre chose, qu’il serait. C’est la difficulté dont les partisans de la science moyenne n’arrivent pas a sortir.

Contre ceux qui, pour la résoudre, vont se réfugier dans l’hypothèse de la vérité objective des futuribles, Molina a institué lui-même nue critique Impitoyable, < oncordia, disp. LUI, memb. i. H rejette cette expli cation : comme contraire à la doctrine d’Aristote et a l’enseignement commun des docteurs ; comme répugnant a la nature même du futur contingent : les futurs contingents en effel sont indifférents à l'être ; chacun deux peut être ou ne pas être..Comment alors com

prendre qu’un des deux ternies de la contradictoire

présente une vérité déterminée par rapport a la déci sion lutine du libre arbitre, et que le libre arbitre de

meure libre, de façon a pouvoir se décider indifférent ment dans l’un ou l’aut re sens ?

La théorie de la science moyenne a souvent 616 proposée s mis une forme dont ses adversaires triomphent, On a dit : Dieu connaît > priori toutes les déterminations possibles de la ciéature raisonnable, à telles enseignes qu’il voit dlstinc i.-iii -iit ci sans alternative im^mte lequel dis deux partis contradictoires prendrait la créature raisonnable, placée

dans tel concours de circonstances. A celle affirmation, les adversaires répondent que la créature raisonnable placée

entre deux partis contradictoires dont l’un et l’autre sollicitent sa volonté peut prendre l’un aussi bien que l’autre, qu’en pareille occurrence l’indétermination est de l’essence même de la liberté, que la réalité (le la détermination est la

condition sine i/iul non de la connaissance que Dieu peut en avoir, et donc qu’il répugne métaphysiquement que Dieu voie la créature se déterminant, soit dans un sens, soil dans l’autre, si, dans la réalité historique, elle ne doit pas se

déterminer. Avouons ingénument que cette réponse nous

parait triomphante et que nous ne saurions défendre la théorie de la science moyenne, proposée en ces tenues, connue préjugeant Universellement de ce qui ne doit pas élupiejugé. A. d’Airs, Recherches de science religieuse, 1917, p. 30.

Et, contre Molina lui-même, on peut lire l’excellente argumentation de Suarez :

Molina enseigne que Dieu connaît les futurs contingents dans leurs causes prochaines ci dans la parfaite compréhension de notre libre arbit ce et de toutes les causes qui peuvent

le déterminer ou l’arrêter… (.elle doctrine est, en ce qui

concerne les futurs absolus, rejetée par les meilleurs scolasi iques, et nous estimons qu’il faut la rejeter même en ce qui concerne les futurs conditionnels…

I.a raison générale est cpic l’effet ne peut être connu dans sa cause quc selon l'être qu’il possède en clic. Maisl’elTel contingent, même dans sa cause immédiate, même dans uic cause tout à lait disposée à le produire dans toutes les circonstances prérequises, n’a pas encore son être certain et déterminé ; il demeure encore dans l’indifférence… de

suppose que la volonté possède déjà le concours de tous les

éléments qui la détermineraient a agir prochainement au

point quc l’on puisse déjà eu maître quel effet en va sortir. Et je demande si tout cela provient d’une nécessité de

nature, de telle soi le que la volonté se trouve c. instituée eu

cei état, non d’une manière contingente, mais par nécessité

naturelle ; ou bien si cet état résulte de la contingence et de la liberté. Si l’on choisit celle seconde hypothèse, il resterait à chercher comment on peut savoir que la v olonté est conseillé.' eu cet élat d’activité délei niinée, puisque tout v relève de la contingence. Si on prétend qu 'on peut le savon dans une cause antérieure, nous pourrons au sujet de cette cause poser les mêmes questions et il n’y aura pas de lin. à

moins de s’arrêter en une cause qui agit nécessairement…

Mais si niais devons dire que tout ce concours d’influences qui déterminent la volonté agit par une sorte de nécessite naturelle, alors périt la liberté, parce que toute cause qui

par nécessité de nature est déterminée ad uniim, ne saurait agir librement. Opu.sc, ii, 1. 11. c. vii, n. 3-4.

En bref : ou bien l’effet contingent ne sera connu que conjecturalement ; ou s’il est connu avec certitude, la liberté n’existe plus.

Enfin, voici contre ceux qui affirment que 1)ieu connaît les futuribles dans les idées exemplaires qu’il s’en forme dans sou essence et telle semble bien cire

la solution insinuée par A. d' Aies - l’argumentation de Kleutgen, De ipso Deo. t. I, q. iii, c. ii, a. 17. n. 518 :

L’essence divine, en lanl que cause exemplaire, et les

idées divines elles-mêmes ne représentent ces futurs conditionnels que comme des possibles. ()r, il s’agit de savoir sous

quel aspect il faut considérer l’essence divine pour qu’elle représente les choses qui sont actuellement futures ou celles qui, dans telle condition donnée, seraient lut mes. Or, a cette

question il n’est fait ici aucune réponse.

Des ailleurs sans prévent ions contre le molinisme

constatent l’impasse où s’engage celui ci. Énorme difficulté, écrit Billot, mi plutôt, énigme insoluble 1 Quand on en vient à l’explical ion. rien ne peut se dire de mieux que la parole de l’apôtre : O profondeur inépuisable de la sagesse et de la science de I >icu. > Lue. eil. 1.'explication systématique se ramène donc au mystère, conclut avec quelque mélancolie V. A. Goupil, op. cit., p. 64. Bossue) se montre sévère pour la science moyenne

ou COndit ionnec i

t ne seule demande faite aux auteurs de cette opinion en découvrira le faible. Quand on présuppose que Dieu voii ce

que fera l’Iioiinne, s’il le prend en un temps et en un (Mal

plutôt qu’en l’autre : ou on veut qu’il le voie dans son décret