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SUAR I L. DOGMATIQUE, LA.1 l S’il FICATIO N

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que cette Bliation, elle ne l’ait due qu'à une relation distincte qui la fait dépendre de l’acceptation divine, eela Importait tort peu pourvu que l’on n’admit point deux formes sanctifiantes. Pallavicini, Histoire du concile de Trente, t. n. t. VIII, e. jci, n. 9, col. 2Ô7.

Seule, par conséquent, la troisième théorie dite de la double justice, dont Seripandi s'était fait au concile le champion convaincu, fut jugée insoutenable par les théologiens et les Pères. Directement visée par l'épithète uniea aeeolée aux mots causa formalis, elle ne fut pourtant point censurée à proprement parler. Voir ici l’art. Justification, t. viii, col. 2185.

Suarez ne suit en cette matière ni la doctrine thomiste ni celle du scotisme, mais une voie moyenne entre l’une et l’autre. Ainsi se refuse-t-il à concéder, d’accord en cela avec le Docteur subtil, qu’il y ait parfaite identité entre l’infusion de la « race habituelle et la rémission du péché ; ou, en d’autres termes, que le passage de 1 injustic ; i la sainteté r. accomplisse en un seul mouvement et se réduise pour l'âme au simple recouvrement d’une forme qu’elle avait perdue. Il n’ignore point les arguments que Vasquez, par exemple, fait valoir pour cette dernière opinion et dont les meilleurs sont d’ordre dogmatique. La justification, d’après le concile de Trente, ne comportant qu’un seul changement : celui de fils d’Adam en lils adoptif de Dieu, on méconnaîtrait cet enseignement en la décomposant en deux temps : un premier où sont remis les péchés ; un second où sont conférés les dons infus (sess. vi. c. iv, Denz.-Bannw.. n. 796). Suarez, .De grat. hab., I. VII, c. xi. n. 3, 4, 5. t. ix, p. 173.

Cette démonstration pourtant n'émeut guère Suarez qui, non sans raison, dénie à ses adversaires tout droit d’invoquer les conciles en matière purement systématique. A ce compte ne pourrait-on pas arguer de ces paroles du décret de la justification : Jusliftcatio non est sola peccatorum remissio sed… et renovatio interioris hominis per… susceptionem gratiie, pour prouver, à l’opposé, qu’il y a distinction réelle entre le pardon des péchés et l'élévation à la vie surnaturelle ? Personne ne dit d’un aveugle guéri de son infirmité que non seulement il a été débarrassé de sa cécité mais qu’en plus la vue lui a été rendue, car la cécité n'étant que la perte de la vue, débarrasser de la première et rendre la seconde c’est tout un. Si donc les Pères de Trente n’avaient pas considéré la rémission des fautes et l’infusion de la grâce comme deux choses différentes, pourquoi auraient-ils tant tenu à souligner que celle-ci n'était pas moins que celle-là le fruit de la justification ? S’ils avaient sur ce point pensé comme les thomistes, il leur eût sufli de noter que le pardon des péchés impliquant métaphysiquemènt l’octroi des dons infus, il serait absurde de prétendre que l’un se rencontrât sans l’autre. Ibid., c. xi, n. 8, p. 17.">.

Au reste ce n’est point le dogme, mais la raison théologique qu’invoque surtout Suarez pour se refuser à identifier, même dans notre ordre de providence, la purification morale de l'âme et son élévation à une vie supérieure, l.e péché habituel ne se réduisant pas, d’après lui, à la seule perte de la grâce, mais incluant aussi, sauf pour la faute originelle, un désordre à l'égard de la fin dernière purement humaine, comporte forcément, de ce lui. deux éléments distincts et séparables l’un de l’autre. Quelle difficulté y aurait-il en effet à ce que Dieu se réconciliât avec le pécheur contrit sans l’adopter à nouveau pour son fils ; le remit dans l’ordre vis-à-vis de sa fin propre sans lui rendre ie droit île le contempler plus tard face a face'.' Il y a doue une tout autre opposition entre la grâce et le péché qu’entre la vue et la cécité. La cécité se réduit en tout et pour tout à la privation de la vue, tandis que le péché n’est point purement et simplement la privation de la grâce. Il serait inexact de le définir

par la seule perte de la grâce car dans un ordre de nature pure, par exemple, il y aurait eu péché sans perte de grâce.

Au vrai, le péché habituel s’oppose à la grâce comme un état donné s’oppose à son contraire, comme le froid s’oppose au chaud, le blanc au noir. Pour passer de l’un à l’autre, il ne suffit pas d’un changement unique, comme celui par lequel un habit us est conféré à celui qui ne l’avait pas ; il en faut deux, une corruption et une génération, comme il advient quand une forme en chasse une autre dont la présence en un même sujet est incompatible avec la sienne. L. VII, c. xi, n. 2. p. 173.

Sans doute, dans le cas de la justification, nes’agit-il point d’un conflit entre deux formes positives, puisque le péché n’est pas une forme de ce genre, mais une simple absence de bien. Toutefois, pour n'être qu’un conflit entre une forme positive et une privation, il n’en ressemble pas moins à celui qui met en opposition deux termes contraires. Ibid., n. G et 10, p. 174. Car, encore une fois, le péché n'étant pas de soi et uniquement la négation de la grâce, ne se trouve point en contradiction métaphysique avec elle, comme l'être l’est avec le non-être. Ibid., n. 13, p. 177. Il ne l’expulse ou n’est expulsé par elle que par la même espèce de nécessité physique, en vertu de laquelle, par exemple, dans une réaction chimique, deux éléments incompatibles s’excluent l’un l’autre. Or, dans ce dernier cas, l’effet normal des lois naturelles peut être suspendu ou contrecarré par un miracle. Ce n’est qu’un jeu pour le Tout-Puissant d’empêcher une flamme de brûler. Pourquoi ne parviendrait-il pas à rendre inefficace la vertu sanctifiante de la grâce ?

Suarez, il importe de le noter, ne conteste pas pour autant que la grâce s’oppose formellement au péché et, par là, sa thèse diffère sur un point très notable de celle de Scot et des nominalistes. Ibid., c.xii, n. 1, p. 182. Ce n’est pas, d’après lui, par suite d’une faveur divine plus ou moins étrangère et surajoutée aux propriétés essentielles des dons infus que s’opère la rémission des fautes, mais par le simple effet régulier de la constitution physique de la grâce. Ibid., n. 3, p. 182. Celle-ci entraînant de soi pour l'âme où elle s’insère la filiation adoptive et le droit à la vision intuitive, se trouve de ce chef incompatible par essence avec le péché. Au reste, s’il en allait autrement, comment pourrait-on voir encore en elle la véritable cause formelle de notre sanctification, comme le demande le concile de Trente ? Ibid., n. 7 et 9, p. 184. A en croire Suarez, le Docteur subtil minimiserait donc à l’excès l’enseignement du magistère en n’unissant l’infusion de la grâce à la rémission des péchés et au privilège de l’amitié divine que par un lien moral. Ibid, n. 10, p. 185.

Cependant le fait d'être enchaîné physiquement et connaturellement au don de la vie surnaturelle n’empêche pas le pardon des fautes de dépendre d’un vouloir du Tout-Puissant théoriquement séparable de celui qui confère la grâce habituelle, car Dieu n’est jamais obligé de prêter son concours à la causalité de ses créatures. Qu’il se refuse à collaborer avec elle, et cette causalité ne produira point son effet. De même, qu’après avoir infusé la grâce dans une âme, il s’abs tienne de coopérer à l’action sanctificatrice qu’elle y exerce normalement, et le péché continuera d’y résider. Ibid., C. xii. n. 12 et 13, p. 186.

Car la coexistence chez un même homme d’une faute grave et des vertus surnaturelles, sans en excepter la charité, ne répugne pas absolument. Pas plus que le pécheur par son offense ne contrainl Dieu de le dé

pouiller de la grâce, Dieu eu donnant la grâce au pécheur ne s’oblige en siriete rigueur a lui pardonner ses

torts. Sans doute le pécheur mérite I il en toute justice