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SI IREZ. THÉOLOGIE PRATIQUE, LA MORALE

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la l<>i. enfin qu’il a admis, pour la prescription coutumière, des temps différents de ceux que le Code devait fixer.

G. — La règle subjective et prochaine de la moralité (la recta ratio ou conscience) nous est présentée dans la dernière disputatio, la N 1 Ie.du trailé/Je bonitateetmalitia, t. iv, ]>. 137 sq. Nous avons là, déjà, un petit traité de la conscience.

En sept sections, Suarez disserte sur les divers sens du mot, la nature de la conscience et son rôle moral ; il étudie spécialement les cas d’erreur et de scrupules ; dans les sect ions v et [. p. I 1$1-$252, il expose la question que l’on nommera plus tard celle du probabilisme.

Partisans et adversaires du célèbre système, cf. A. Sehmitt, S. J., Zur Geschichte îles Probabilismus, Inspruck, 1904, p. 119 sq., et Th. Deman, O. P., ici même, art. Probabilisme, col. 473-481, s’accordent à reconnaître la valeur historique de cet exposé : c’est, semble-t-il, la première systématisation détaillée et complète du probabilisme ; Suarez se trouve en recevoir dans la formation du système un rôle de premier plan.

Entre un probabilisme pour ainsi dire illimité, qu’il attribuée Médina et à Louis Lopez, et un probabiliorisme auquel il donne comme principe : li’nc cerlum et omitte incerlum, et comme tenants Conrad, Adrien, saint Antonin et Soto (sect. vi, n. G, p. 451) et qu’exagère un tutiorisme pour lequel il ne cite aucun patron, Suarez soutient la légitimité de suivre l’opinion vraiment probable dans les doutes de droit, ibid., n. 8, p. 451 ; comme raisons, il énumère l’impossibilité humaine si fréquente de dépasser la simple opinion, le fardeau intolérable qu’il y aurait à obliger tous les hommes à des examens comparatifs, l’insuffisance de la promulgation d’une loi qui reste sérieusement douteuse. Il est des cas cependant OÙ l’opinion vraiment probable ne peut être suivie ; ce sont des doutes de tait, dans lesquels, en justice ou en charité, on est tenu d'éviter un dommage ou inconvénient existant réellement ou à craindre, ainsi le médecin donnant des remèdes hors des cas désespérés, le ministre des sacrements dans leur administration normale. Ibid., n. 11, p. 452.

Ce qui nous paraît le. plus remarquable dans ces analyses, c’est que les limites du probabilisme sont déjà fortement dessinées, spécialement en ce qui concerne les doutes de fait laissés, en principe, hors de ses prises ; si certains problèmes ne sont pas envisagés, comme par exemple les conditions où ces doutes de fait peuvent être convertis en doutes de droit, lis grandes lignes du probabilisme modéré sont du premier coup nettement tracées ; bien des discussions auraient peut être été évitées et la réaction, qui faillit emporter le probabilisme, aurait eu sans doute moins de prise sur lui, si les successeurs de Suarez s’en étaient mieux tenus a sa doctrine.

Parmi les applications qu’il a faites lui-même de celle doctrine, signalons aussi comme importante pour l'éclairer celle que l’on rencontre dans le De religione, i ract. VI, t. IV, c. v. De obligatione voti de quo dubitatur an faclum sit, I. xiv, p. 935 940.

7. - En ce qui concerne les autres traités de la morale générale, nous ne retiendrons que deux points discutés dans la disp. Il du De vitiis et peccatis, I. IV, p. 519 sq.

a) Tandis que, dans le péché mortel, le pécheur est

ilii aimer virtuellement et moralement la créature plus que Dieu, disp. 11. sect. i. n. 3, p. 52(1. le peche véniel est présente par Suarez comme une sorte de retard dans la marche vers la fin dernière, ibid., secl. iv.

n. 10, p. 528 ; le prseter legem de saint Thomas est du reste expliqué dans ce sens : aliquo modo fsc. secundum quid) est contra prmeeptum. Ibid., sect. v, n. 10, p. 531.

Précédemment dans le même ouvrage, tract. I, De fine ullimo, disp. III, sect. iv, n. 2, p. 31, il avait préparé cette doctrine du péché véniel en établissant la possibilité de vouloir deux fins dernières, l’une dernière simpliciter et l’autre secundum quid.

b) Dans la même dis]), ll.sect. viii, p. 539, est posée la question : -4n peccatum mortale debeal necessario pnreedere ven iale ? C’est le problème, présenté, il est vrai, sous un angle un peu spécial, de ce qu’on a appelé : l’option fondamentale : au début de la vie morale, une conversio ad Deum est-elle nécessaire de telle manière que l’enfant, s’il ne la fait pas, pèche mortellement avant de pouvoir véniellement pécher ?

Suarez avait déjà touché cette question dans le tract. I, De fine ultimo, disp. III, sect. v, p. 36 ; il avait répondu qu’une fin particulière suffisait à déclencher le mouvement moral. Dans le De vitiis et peccatis, au passage indiqué, après une discussion sur cette conversio ad Deum et le vrai sens qu’elle a, selon lui, chez saint Thomas, il donne une réponse plus complète : psychologiquement la raison se développant par degrés, il est possible et même sans doute plus fréquent que l’enfant puisse offenser Dieu d’abord véniellement, avant de pouvoir le faire mortellement. Ibid., n. S, 9. Kl. p. 511.

Monde spéciale.

1. Vertus théologales et morales.

- A la morale spéciale se rapportent d’abord les ouvrages de Suarez consacrés aux vertus théologales et à la vertu de religion, à savoir le De triplici virtute theologica, fi.de, spe et caritate, t. xii (traité posthume, donné sous forme de Disputationes et reproduisant son enseignement ; des questions proprement morales terminent chaque partie) et le De virtute religionis, publié par l’auteur en 1 608-1609, t. xiii et xiv, (> traités, que compléta le De statu perjectionis et religionis (posthume), t. xv, xvi et xvi bis (ces deux derniers tomes avec pagination continue). 1 traités, le dernier sur l’institut de la Compagnie de Jésus.

Parmi les doctrines proprement morales de ces ourages nous signalerons les suivantes :

a) Vertus théologales. — Foi : disp. XII, sect. ii, t. XII, p. 339 sq., nécessité de la foi en elle-nièmeel cas exceptionnels où le vœu de la foi suffirait pour le salut ; cf. en particulier le n. 15, p. 3 13. sur la pieuse croyance d’après laquelle la providence divine s’exercera pour éclairer le païen de bonne volonté ; disp. XIV. p. 381 sq., sur le précepte de l’acte extérieur et la défense de cacher la foi, tout un ensemble de cas par exemple sur les vêtements (sect. v, p. 39 1) qui sont de véritable Casuistique à la mode suaresienne. c’csl-àdire fortement appuyée sur des principes développés. Nous parlerons plus loin de la disp. XVIII, p. 130, sur la conversion des infidèles, et des disp. XIX à XXIV, p. 160, sur l’hérésie.

Espérance : comme dans tous les traités anciens et modernes de théologie morale, celle vertu est très brièvement examinée et sans rien de bien saillant, du moins au point de vue pratique.

Charité : il en est longuement traité, 9 disputations. Nous signalerons surtout : disp. Y, secl. v. p. 669 sq., OÙ le précepte d’aimer les ennemis est donné comme existant déjà dans la loi naturelle et la loi ancienne et se trouve étudié avec la plupart des détails qu’on retrouvera chez les casuistes postérieurs ; et disp. VII, p. 676 sq., sur le précepte de l’aumône ; Suarez s’y efforce de préciser la doctrine de saint Thomas, cf. par exemple, secl. iv, n. (i, p. 687, cl. dans l’esprit de la casuistique du temps, d’en déterminer l’exacte obligation ; les diverses nécessités et les divers superllus, ml vitam et adstatum, sont distingués ; les applications

Casuistiques sont très poussées, cl. secl. II, p. 679 sq.,

aumônes permises aux domestiques, religieux, fils de famille, épouses, etc. ; devant des nécessitâtes graves,