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SUA MX. THÉOLOGIE PRATIQUE, LE DROIT


ces passages tendent admettre une oraison de silence ou de sommeil spirituel, qui constituerait le plus haut degré de la contemplation, un état de quiétude où l’esprit veillerait sans ai : ir. Dieu agissant seul en l’aine. Cette conception est fortement combattue par Suarez : des actes intellectuels sont nécessaires au début de cet état ; ils s’y continuent d’une certaine manière : s’il se réduisait à des éléments purement affectifs ou sensibles, il ne serait plus digne du nom de prière ; cf. n. 11, p. 173 ; Tauler ne parle pas en théologien, non scholastica subtilitate, sed myslica phrasi loquitur, il est à interpréter comme Denys et comme généralement les mystiques, n. 17, p. 173. D’autre part les actes de volonté auxquels, s’appuyant sur saint Bonaventure, Gerson, etc., d’autres voudraient réduire la contemplation dite passive, supposent eux aussi des actes d’intelligence. C. xiii, p. 176 sq.

Les chapitres suivants s’occupent avec un détail analogue de l’extase, où Suarez voit plutôt une déficience psycho-physiologique, une faiblesse des forces corporelles et naturelles, qu’un accompagnement normal et une suite nécessaire de la contemplation. C. xvi-xx, p. 191-212.

2° Une autre partie du De religione présente des matières se rapportant directement à notre théologie ascétique actuelle. C’est le tract. VII, en 10 livres, qui traite De statu perjectionis et religionis, t. xv. Suarez y expose ce qu’est la perfection chrétienne, t. I, c. iii, p. 13 sq. ; puis il fait une étude générale et approfondie des conseils évanijéliques, c. vi-ix, p. 31 sq. ; dans les derniers livres du traité, 1. VIII-X, p. 154 sq., il analyse l’application de ces conseils à la vie religieuse grâce aux trois vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance.

Xe pouvant relever les points les plus importants de ces abondantes dissertations encore utilisées parles auteurs qui écrivent sur Ja vie religieuse, nous renverrons, pour une analyse précise et critique des principaux, au résumé qu’en a donné le P. Guéau de Reverseaux dans son édition séparée du Tractatus de Religione Societatis Jesu, Paris -Tournai, 1857, Introduction,

p. XLIV-CV.

Nous signalerons seulement l’influence de Suarez dans la constitution d’une doctrine à vrai dire secondaire, mais autour de laquelle se sont produites de nos jours de vives discussions. C’est celle de l’imperfection morale distincte du péché véniel. Elle était en formation au xvie siècle et devint commune dans la suite. D’après cette doctrine, l’imperfection morale (manquement aux conseils évangéliques, à des règles n’obligeant pas sous peine de péché, à des appels de la grâce) pourrait exister sans péché, non seulement à l'état abstrait, comme objet d’actes à accomplir, mais encore au concret, dans des actes réels et accomplis ; le motif vicieux qui l’accompagne et la domine en fait sans doute souvent un péché véniel ; mais il peut arriver que, ce motif étant honnête, l’imperfection — acte moins bon — ne soit pas peccamineuse et reste une œuvre bonne. Suarez n’a pas discuté et proposé explicitement cette doctrine, présentée avec quelque exagération par certains auteurs, comme Jean Sanchez et Diana, et dans sa forme définitive par Lancicius, Gobât, Lugo, les carmes de Salamanque (cf. Nouvelle revue théologique, mars 1931, p. 217-238) ; mais il a établi plusieurs principes qui y amenaient et la fondaient : les conseils évangéliques et leur non-obligation, De religione, tract. VII, t. I, c. ix, n. 24, t. xv, p. 47 ; les lois pénales et leur obligation seulement indirecte, De leg., I. V, c. iv, t. v, p. 423 ; les régies religieuses n’obligeant pas sous peine de péché, de par la déclaration expresse de leurs législateurs, De religione, tract. VIII, 1. 1, c. ii, t. xvi, p. 5 sq., où il note avec bon sens que ces derniers auraient pris une vainc

DICT. DL THÉOL. CATHOL.

précaution, si les manquements à ces règles étaient toujours en fait fautes vénielles, n. 12, p. 16. Il précisait exactement la portée de la doctrine en reconnaissant que souvent de tels manquements comportaient, à cause de leurs motifs, une faute, raro contingit religiosum sic operari ex nwtivo Iwnesto, loc. cit., et il donnait même l’axiome qui servira à résumer toute la doctrine et sera souvent répété après lui : imperjectio latins patet quam venialis culpa. Ibid., n. 15, p. 17.

3° Enfin mentionnons comme nous donnant aussi des éléments de doctrine ascétique, le dixième et dernier traité du De religione, celui où Suarez a fait une étude détaillée et, si nous pouvons dire, pleine d’amour de l’institut de son ordre, t. xvi et xvi bis. Il y a là, entre autres, des vues très pleines sur l’apostolat et la vie active, vivifiée par la contemplation. On trouve aussi dans ce traité, t. IX, c. v, t. xvi bis, p. 1017 sq., un commentaire des Exercices spirituels de saint Ignace, petit livre dont on sait l’influence sur toute l’ascétique moderne. C’est, croyons-nous, le premier en date des ouvrages de ce genre ; cf. éd. séparée de F. Debuchy, Paris, 1910, Introduction, p. 5. A vrai dire, ce commentaire présente du reste, plutôt que des vues générales sur l’ouvrage et la méthode, une série de notes et d’explications, quelques-unes lumineuses, sur des points obscurs ou attaqués du célèbre recueil.

/II. TBÉOLOaiE JURIDIQUE ET CANONIQUE. — Avant

d’entrer dans la vie religieuse — il n’avait pas encore quatorze ans — Suarez étudia le droit canonique. Avait-il tiré grand profit de cette étude continuée pendant près de trois années ? Il est permis d’en douter d’après ce que disent ses biographes de son développement intellectuel plutôt tardif. Mais, dans la suite, il acquit une connaissance approfondie de cette science, qui tient une place importante dans son œuvre et dans sa vie.

Du reste, nous l’avons dit, même dans le droit canonique il entendait rester théologien. C’est, comme il l'écrit dans le Proœmium du De legibus, t. v, p. x, sub altiori lumine, altiori ratione qu’il voulait traiter des matières canoniques, à savoir in ordine ad conscientiam et en tant qu’elles reposent sur Dieu et tendent à nous conduire à Dieu.

Comme il fut en outre un théologien juridique et qu’il a étudié soigneusement les fondements du droit, spécialement dans le De legibus, nous réunirons ici quelques indications sur la place occupée dans son œuvre par cette dernière matière et par les matières plus strictement canoniques.

La nature et le fondement du droit.

S’il n’a pas

écrit un De justilia complet, du moins dans le De legibus trouvons-nous les thèses maîtresses qui commandent ce traité. Dans cet ouvrage, t. I, c. ii, t. v, p. 3 sq., il expose en détails quid jus significet et quomodo ad legem comparetur. Au t. II, De lege œterna, naturali et jure gentium, p. 85 sq., il explique en vingt chapitres les divisions du droit, le fondement divin de tout droit (la loi éternelle), les caractères du droit naturel et sa distinction du droit positif, civil ou ecclésiastique, privé ou public, jus gentium.

De toutes les doctrines ainsi présentées, nous n’en examinerons qu’une, fondamentale du reste, qui nous permettra de juger d’un reproche fait à Suarez.

Dans le De legibus, il a fortement mis en vue, sans prétendre l’avoir inventée, une notion du droit qui, après lui, prit place dans renseignement catholique et la philosophie du droit, celle de jacullas quædam moralis quam unusquisque habet circa rem suam vel <nl rem sibi debitam. De leg., I. II, c. i, n. 5, t. v, p. 5. Cette notion, nous dit le P. Lachance, O. P., Le concept de droit selon Arislole et saint Thomas, Montréal-Paris, 1933, p. 400 sq., empruntée a Driedo, donnée connue « propre et stricte » et substituée à la notion thomiste

T,

XIV. — 80.