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SUAREZ. THÉOLOGIE PRATIQUE, LA POLITIQUE

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villes, les provinces, les corps divers de la nation, en somme toutes les personnes morales, qui se forment dans l'évolution normale de la cité, in unirersum de eorporibus mystieis, ont à être respectées dans leur activité bienfaisante et harmonisée avec le bien commun général.

Il y a là des vues vraiment modernes, dans le sens d’un corporatisme intelligent et mesuré : elles réclament pour les groupements inférieurs, reconnus comme des « membres de l'État, De leg., I. 111. e. xxxi. n. 7. p. 299. certaines libertés, admises par l’autorité souveraine, devenant ainsi irrévocables et par là limitant intérieurement cette autorité.

Si ces vues restent malgré tout quelque peu générales et imprécises. Suarez va être autrement net et détaillé en ce qui concerne la limitation externe du pouvoir politique.

5. Limitation externe du pouvoir politique : i. L'Église et l'État ; le pouvoir indirect de l'Église. — C’est du pouvoir tic l'Église que l’autorité civile reçoit sa limitation externe la plus accusée et la plus forte.

Évidemment il s’agit ici du droit chrétien et des nations converties à l'Évangile ; ce sont ces nations que Suarez envisageait surtout. Dans le De legibus il a traite avec le plus grand soin cette question des rapports de l'Église et de l'État ; la Defensio fldei a appliqué les principes qu’il avait établis, à un cas d’espèce, celui de Jacques 1 " d’Angleterre.

a) Voici d’abord un résumé de ces principes longuement développés dans le De legibus :

a. — L'Église et l'État sont deux sociétés parfaites, au sens scol astique du mot (sociétés complètes quant à leur fin et leur pouvoir directeur). Elles ont donc toutes deux un pouvoir de juridiction qui les rend capables de porter des lois. En particulier, pour ce qui concerne le pouvoir de l'Église, Suarez l'établit contre Marsile île l’adoue et les juristes qui le déniaient au souverain pontife et ne le reconnaissaient qu’au prince temporel. De IciL. 1. III. c. vu. n. 1-8, p. 195-197.

Mais les fins des deux sociétés étant d’ordre différent, les juridictions, qui ont pour mission de les diriger vers ces tins sont également tout à fait diverses : celle de la puissance ecclésiastique est surnaturelle, spirituelle, éternelle, elle vise le bien des âmes ; celle de l’autorité civile est naturelle, plutôt matérielle, temporelle : elle ((insiste en un bien commun terrestre et transitoire. De IciL, I. III. c. xi, n. 0, p. 213 ; t. IV, c i., n. 6-8, p. 328 sq. ; I. IV. c. viii, p. 361 sq.

b. — Dès lors comment établir en droit les rapports de cette puissance temporelle que possède le prince et de cette autorité spirituelle que détient le pape.

Suarez. De leg., 1. III. c. vi. p. 191 sq., expliquant le mot que la liturgie adresse a saint Pierre : Tibi tradidii Deus omnia régna mundi, rejette une double interprétation : celle d’une donation générale de tout l’univers, qui est manifestement fausse ; celle encore d’un gouvernement de droit sur les nations baptisées et chrétiennes s’exerçant, quant aux matières civiles, par l’intermédiaire de l’empereur, point de ue guelfe dans

la lutte du sacerdoce et (le l’empire, et sens selon lui trop littéral donné a la bulle t’nam sanctam. Il s’arrête à une doctrine qui découle directement du caractère et de la diversité des fins dans les deux sociétés : les deux pouvoirs ont des sphères propres, en soi indépendantes ; l’autorité ecclésiastique, avant une fin spirituelle, n’a pas compétence pour (dicter des lois civiles : directement elle n’a pas a s’occuper du temporel, ibiil.. n. 11. p. 194, incompétente qu’elle est ad ferendat et statuendas leges civiles, preesertim mère positivas et formaliler loquendo. De son côté, l'État comporte une autorité, ayant un droit réel a s’exercer dans l’ordre qui lui est propre, celui de la félicité politique vraie. De leg.. t. III, e. ix, n. 2, p. 202. L'Église recon naît au prince ce libre exercice ; elle ne lui demande que de ne pas apporter d’entraxe au jeu des lois ecclésiastiques, d’obstacles au salul des âmes.

Ainsi les deux autorités peuvent agir, chacune dans son domaine propre, tant que des heurts ne se produisent pas ; mais, si elles entrent en conflit, il y aura à tenir compte de la juste lu-, i ira lue des fins soc i îles le temporel étant en droit subordonné au spirituel, l’autorité civile devra reconnaître, quand des difficultés apparaîtront, la supériorité du pouvoir ecclésiastique.

L'Église aura ainsi un pouvoir indirect sur les princes chrétiens dans les matières qui regardent proprement ces derniers.e pouvoir indirect t jusque ad corn gendas interdum vel abrogandas leges civiles, quando vergere possunt in perniciem animarum. De leg., I. III, c. vi, n. (i. p. 19 1. Il n’a d’autre raison que le souci du bien spirituel et du salut des fidèles ; il suffit à L'Église pour atteindre sa (in et a l’effet excellent de la laisser libre des préoccupations d’ordre matériel. Ibid., n. 5, p. 193. En fait, les souverains pontifes n’ont jamais revendiqué davantage : quotiescumque eirea temporalia usi sunt jurisdictione, solum id fecerunt indirecte et in ordine tut spiritualia, ibid., n. 4, p. 193 ; dans leurs mains ils n’ont tenu, sauf en ce qui concerne les sujels de leurs États propres, qu’un glaive, l’autre n’y étant que indirecte et eminenler, ut sic dicam.

Telle est cette doctrine du pouvoir indirect de l'Église que Suarez établit en termes très clairs dans son De legibus, et qu’il prétend être communiter recepta par la théologie de son temps, ibid., n. 3, p. 192, tenue, dit-il, par Cajétan, Navarrus, Vitoria, Soto, Bellarmin, etc.

b) Dans l’application aussi logique que sereine qu’il en fit au cas de Jacques I er, nous noterons seulement quelques points, capables croyons-nous de mieux l'éclairer :

a. — Le roi d’Angleterre soutenait que le souverain civil, principal membre de l'Église, avait, à ce titre, commandement absolu sur ses sujets aussi bien au spirituel qu’au temporel ; Suarez riposte que l’organisation ecclésiastique est antérieure à l’admission des rois dans l'Église. De/, ftdei, t. III, c. vii, n.3, t. xxiv, p. 238, que, dans le troupeau du Père commun, César n’est qu’un fidèle et doit s’en souvenir s’il veut rester parmi les brebis : ostendimus papam esse pastorem omnium ovium Christi et reges christiani inter oves Christi computantur, alioquin extra ovile et extra Ecclesiam catholicam erunt. Ibid., c. xxi, n. 5, p. 304.

b. — Quant à son autorité temporelle, il est très vrai que le roi a une juridiction, qui, dans son ordre propre, l’ordre temporel, n’est subordonnée a personne, pas même au souverain pontife : ipse… princeps summus nulli superiori in ordine ad eundem finem civilis gubernationis subordinetur. Ibid., c. v, n. 2, p. 22."). Suarez le concède avec une netteté singulièrement loyale : mais spirituellement le chef de l'Église lui est supérieur, non seulement comme à un simple fidèle, mais encore comme à tout roi. en vertu du pouvoir indirect de l'Église dans les matières temporelles ; ce pouvoir indirect lui donne le droit d’inler Venir même dans ces matières quand le bien des finies ci L’intérêt de l'Église l’exigent. Voici, continuant le texte que nous venons de citer, un passage qui expose pleinement la doctrine suarésienne : quia vero félicitas Icmporalis et civilis ad spiritualem et seternam præferenda est, iden fieri potest ni materia ipsa potestatis < ivilis aliter dirigenda ci gubernanda sit, in ordine ad spirituale bonum, quam sola < il postularevidetur. Et tune, quamvis temporalis princeps ejusque potestas in suis actibus directe non pendeant ab alia potestaU

ilem ordinis ci (pur eundem flnem tantum respiciat, nihilominus fieri potest ni necesse sii ipsum dirigi, adjuran vel corrigi in sua materia, superiori potestate guber-