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SUFFREN JEAN)

SUICI DE

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suivre Marie de.Médicis dans sa retraite et son exil. Il l’accompagna à Compiègne, puis en Belgique, en

Hollande et finalement à Londres, (’-est en rentrant avec elle sur le continent, après trois années passées en Angleterre, qu’il mourut à peine débarqué à Flessingue (15 septembre ltill). Jusqu’au bout il avait multiplié les démarches pour réconcilier la reine mère avec le cardinal. Celui-ci dans ses Mémoires ne parle qu’avec estime du P. Sulïren.

On a du I’. Suffren un certain nombre de sermons et de lettres, ainsi que divers écrits historiographiques, tels que la relation de l’entrée du roi Louis XIII a La Rochelle, en 1628, et le récit de sa maladie à Lyon en septembre 1630. Voir Sommervogel, op. cit..Mais l’ouvrage capital est L’année chrétienne ou le saint et profitable emploi du temps pour gagner l’éternité, 5 vol. in- 1°, Paris, 1640. Ce cycle annuel de méditations pour chaque jour, composé, dit-on, à la suggestion de saint François de Sales, a rencontré une certaine faveur. Des traductions en ont été faites en allemand et en italien. Une partie en a été traduite également en latin, sous le titre Circus perfectionis. Enfin un autre extrait dû à l’éditeur Claude Sonnius est intitulé : Avis et exercices spirituels pour bien employer les jours, les semaines, les mois et les années de la vie, Paris, ltil2 (et plusieurs éditions postérieures).

Sommervogel, Ilibl. de la Comp. de Jésus, t. vii, col. lii’aT sq. ; II. Fouqueray, Le I’. Jeail Suffren à la cour de Marie de Médicis et de Louis XIII, dans Revue des questions historiques, t. LXV1II, 1900, p. 7 1 et 445 ; le même, Histoire de la Comp. de Jésus en France, t. nr, iv, v, passim ; cf. tables la la fin du t. v).

J. de Blic.

    1. SUICIDE##


SUICIDE. — Ainsi qu’on l’a indiqué à Homicide, t. vii, col. 35, le suicide est une espèce d’homicide : c’est le meurtre de soi-même, volontairement accompli. « Volontairement » indique ici que le crime de suicide n’existe plus lorsqu’on se donne la mort dans un accès de folie ou dans une crise maladive.

Le suicide peut cire direct ou indirect. Suicide direct, celui qui est recherché directement et résulte directement d’un acte librement et délibérément posé dans cette intention. Suicide indirect, celui qui n’est pas voulu en lui-même, mais qu’on prévoit cependant devoir résulter d’une action qui, sans causer absolument la mort, constitue cependant un péril très grave de mort. I. Suicide direct. IL Suicide indirect.

I. Suicide direct. Pour exposer la doctrine

Catholique relative au suicide direct, nous prendrons la méthode de saint Thomas, II » -II B, q. i.xiv, a. 5 : exposer tout d’abord, en les illustrant par l’histoire et certains systèmes philosophiques, les raisons invoquées pour légitimer le suicide ; ensuite, la doctrine e1 la discipline de l’Église ; enfin, les solutions à apporter aux difficultés soulevées en premier lieu.

liaisons invoquées pour légitimer le suicide.


1. Le suicide, acte de force. On souligne la force el la noblesse d’un acte qui permet au soldat courageux d’éviter le déshonneur public ou d’entraîner avec lui dans sa perle un ennemi qu’il veut abattre. 1/ Ecriture sainte nous a laisse’plus d’un exemple de suicides de ce genre : Sanison, se faisan ! écraser avec les l’hilis lins dans le temple de Dagon, Jud., XVI, 22 30 ; Saiil se transperçant de son épée après sa défaite à Gilboé, I Reg., xxxi, 2 6 ; Achitophel, s’étranglant parce qu’il n’était pas obéi, Il lîeg.. jcvii, 23 ; Éléazar se glissant sous l’éléphant et se taisant écraser dans l’intention de perdre avec lui Antiochus Eupator, 1 Mac., va, 16 ; enfin, le cas le plus frappant, car l’Écriture semble le

louer. Razias, se donnant une mort cruelle pour

échapper à d’indignes outrages, Il Mac., XIV, Il IT>.

Celle conception n’est pas inouïe chez les païens.

Sans doute les principaux philosophes gi ces. Sociale,

Platon, Aristote. ont considéré le suicide comme un acte de lâcheté ; et cependant Codrus, dernier roi d’Athènes, se dévoua pour assurer la victoire à son peuple ; et l’on cite d’autres exemples analogues : Cléomène, à Sparte ; Isocrate, qui, à Athènes, se laissa mourir de faim. Mais ce sont les stoïciens qui, en conformité avec leur morale d’insensibilité pour les biens et pour les maux, considérèrent le suicide comme relevant, selon les circonstances, de la vertu. Voir Sénèquc. Epist., xxiv ; î.vm : De ira. III, 15 ; De providentia. C. n. vi. On sait d’ailleurs que le vrai stoïcien ne craignait pas la mort et Sénèquc a, sur ce sujet, des expressions dignes d’un chrétien : i Ce jour, que nous redoutons comme le dernier, donne naissance au jour éternel, ivterni natalis est. « Epist.. en.

Faut-il ajouter que cette conception du suicide, acte de force, ne semble pas étrangère à certains actes ou légendes de martyrs ? On cite le cas de martyrs qui ont recherché le suprême sacrifice. Plusieurs vierges n’hésitèrent pas à se donner la mort pour éviter le déshonneur. Ainsi, au témoignage de saint Ambroise, De Virginibus. l. III, n. 33, P. L.A. xvi ( 1866), col. 241, sainte Pélagie ; Dominique et ses deux filles, comme le rapporte Eusèbe, Hist. eccl., I. VIII, c.xii, P. G., t. xx, col. 770-771, et encore Sophronie, ibid., c. xiv, col. 780-787. Sur sainte Apollonie, voir sa légende, au bréviaire du 9 février.

2. Le suicide, moindre mal. — C’est la thèse des épicuriens, qui pensent, par le suicide, délivrer l’homme des maux et des difficultés de la vie. L’épicurien est un désespéré par vocation : Hégésias, de la secte des cyrénaïques, auteur d’un livre intitulé le Désespéré, considère la félicité comme un fantôme qui trompera toujours nos efforts et conseille de chercher un refuge dans la mort. A Alexandrie existait l’académie des CoMourants dont faisaient partie Antoine et Cléopâtre. Le poète Lucrèce est un digne représentant de cette morale : rien d’étonnant qu’on lui ait attribué une fin violente dans une crise suprême de folie.

Ceux qui rejettent la foi chrétienne, avec ses espérances et ses consolations, tombent facilement dans le même pessimisme. Les faits sont là qui démontrent l’accroissement du nombre des suicides en proportion directe de la perte de la foi et de la progression de l’immoralité. A une époque encore rapprochée de nous, le romantisme accentua cette tendance. Le suicide est l’aboutissement logique des rêveurs désabuses du genre de Werther ou de René, et la thèse est bien formulée dans ces deux vers de Voltaire :

Quand on a tout perdu, que l’on n’a plus d’espoir La vie est un opprobre et la mort un devoir… (Médée).

Celle thèse a trouvé d’ailleurs des défenseurs de valeur : en Italie, l.eopardi, le poète de la C, cidile ::a del morir, où il appelle et brave à la fois la mort ; en Allemagne, Schopenhaucr prolongé par Hartmann. Notons toutefois que l’anéantissement de la volonté que préconise Schopenliauer n’est pas absolument à confondre avec le suicide et que le bul poursuivi par l’Inconscient de Hartmann est beaucoup plus un suicide cosmique et général qu’un suicide Individuel et particulier. Voir, au sujet d’autres ailleurs modernes,

LegOVt, L suicide ancien et moderne. Paris, 1881.

Ou trouve quelque chose de cette tendance chez Montaigne, qui affirme que seule la religion catholique rend possible le grand courage, parfois nécessaire pour

renoncer à fuir, par la mort volontaire, la douleur humainement non supportable ». Cf. Mal burin Dréano, La pensée religieuse de Montaigne, Paris. 1937 ; sur la théorie du suicide chez Montaigne, p. 341-348.

Saint Thomas semble avoir voulu condenser toute

la force de ces arguments dans la troisième objection :

i il est permis à quelqu’un de s’exposer librement à un