Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/620

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péri] moindre pour en éviter un plus grand, par exemple couper un membre gangrené pour sauver tout le corps. Or. on peut très bien se suicider pour éviter

un mal plus grand « pie la mort, par exemple une vie misérable ou le déshonneur qui s’attache à une faute. »

3. Le suicide, acte commande par la murale sociale. — Cette raison a été présentée par saint Thomas (obj. 2) de façon rudimentaire : Tuer un malfaiteur est au pouvoir de l’autorité publique ; si celui qui détient l’autorité est un malfaiteur lui-même, il a donc le droit de se tuer, i Argument populaire qu’on trouve sur les lèvres de beaucoup de nos concitoyens : un criminel se suicide-t-il’? Il s’est fait justice », dit-on.

L’argument a été repris d’une façon plus nuancée par des théologiens postérieurs : on prévoit le cas où l’autorité publique, ayant justement condamné à mort un criminel, lui confierait le soin d’exécuter la sentence par lui-même. De Lugo, De justifia et jure, disp. X. n. 12 : S. Alphonse, Theol. mor., t. III, n. 369 ; Ballerini-Palmieri, Opus theol. mor.. t. ii, n. 861 ; Billuart. De justitia. dissert. XIV, a. 4, dico -1°, etc.

Mais, se libérant de toute préoccupation théologique de morale surnaturelle, les partisans de certaines morales indépendantes ont donné récemment un aspect nouveau à l’argument. La morale évolutionniste, qui situe dans le plaisir le but de la vie, ne peut que proposer à l’homme, au cas où le plaisir viendrait à lui manquer irrémédiablement (par suite, par exemple, d’une maladie incurable), de s’évader, d’en finir avec l’existence et de se délivrer ainsi : « La vraie cause de l’existence personnelle n’est pas un cadeau de Dieu… Si donc le malheureux… ne rencontre pas dans le cours de son existence le bonheur auquel il pouvait aspirer : si celle-ci. au contraire, ne lui apporte que misère, maladie et souffrance, il est absolument incontestable et hors de doute qu’il a le droit d’y mettre fin par la mort volontaire, par le suicide… La mort volontaire, qui met fin aux souffrances, est un acte de libération. E. Ha ?ckel, Les merveilles de la vie, p. 100-101 ; cf. Le Dantec, L’athéisme, p. 100. Ce point de vue, qui a plus d’un point de contact avec la morale épicurienne, présente cependant ceci de particulier qu’une telle affirmation sert de point de départ pour établir le droit qu’a la société de se débarrasser d’existences humaines qui non seulement ne lui sont d’aucune utilité, mais qui apportent soucis et chagrins aux familles, pertes pour les particuliers et dépenses pour l’État. Cf. Iheekel, op. cit., p. 105-106. Inutile d’ajouter que les fauteurs de cette morale sont partisans déterminés de l’euthanasie. Voir J. Regnault, dans La Revue du 15 juin 1905, combattant la thèse catholique exposée par le D r Guermonprez dans L’assassinat médical et le respect de la vie humaine, Lille, 1905.

Une morale prétendue scientifique, fondée sur des constatations sociologiques, fait dépendre la licéité du suicide de l’opinion que s’en fait la majorité des citoyens. M. Albert Bayet avait esquissé cette thèse dans L’idée de bien, Paris, 1908 ; il l’a reprise, avec des développements historiques, dans Le suicide et la morale, Paris, 1922. La morale simple condamne le suicide, mais une morale nuancée, celle des élites cultivées et éprises de liberté., l’excuse de plus en plus : car elle y voit souvent une preuve de courage, un devoir envers autrui, parfois même la plus haute expression de la morale.

Sans excuser directement le suicide, d’autres auteurs en ont voulu trouver les causes dans la pathologie ou la sociologie. Le l>' Ch. Blonde ! a mis en relief les causes psychologiques individuelles qui font distinguer les suicides par démence, mélancolie, alcoo lisme, etc. et qui Impliquent une altération de l’instinct de conservation. Tarde voulait faire du suicide « un fait raffiné de la civilisation, formule inacceptable quand il s’agit de civilisation morale..Mais Durkhelm et plus récemment M. Halbwachs ont, à l’aide de statistiques, analysé avec plus de profondeur et d’esprit scientifique les causes sociales qui provoquent ou Freinent le suicide. Me multiples considérations, Durkheim a tiré cette loi : < l.e suicide varie en raison inverse du degré d’intégration de la société religieuse, de la société domestique, de la société politique, i Le suicide, p. 222.

1. L< suicide, libération religieuse. — Ce fut le cas de plusieurs sectes hérétiques. Nous citerons les deux principales.

Au v siècle, les circoncellions, voir ce mot, t. ii, col. 2513, à des forfaits sans nombre, ajoutaient une soif frénétique du « martyre », qu’ils recherchaient de différentes façons et notamment « en recourant au suicide, se précipitant eux-mêmes au fond des précipices, se jetant dans l’eau ou le feu, parfois par troupes entières ». Art. cité, col. 2516, où l’on trouvera les références.

Au xii° siècle, les albigeois, basant leur morale sur le dualisme manichéen, considèrent la vie du corps comme un mal. « La mort est un bien ; il est permis d’en hâter l’heure par la saignée ou le poison, ou par l’endura qui consiste à s’abstenir de tout aliment. » Voir ici Albigeois, t. i, col. 679.

Doctrine et discipline de V Eglise.

1. Au point

de vue strictement théologique, le principal argument qui condamne la pratique du suicide est le précepte divin : « Tu ne tueras pas. » Ex., xx, 13. Le précepte est formel et général : tu ne tueras personne, ni un autre, ni toi-même. Telle est l’exégèse de saint Augustin, De civilate Dei, t. I, c. xx, P. L., t. xli, col. 35, dont saint Thomas apporte le texte dans le Sed contra. Toutefois, il est bon de noter que, dans un texte qui précède, c. xvii, col. 30-31, saint Augustin a précisé d’une façon opportune cette exégèse : non licet privata potestate hominem occidere, vel nocentem.

2. Reste à savoir si le précepte divin est d’ordre simplement positif, ou s’il s’appuie sur la loi divine naturelle. Saint Thomas s’attache à montrer que le suicide viole la loi naturelle sous un triple rapport :

< Il est absolument défendu de se suicider pour trois motifs :

Tout d’abord chaque être s’aimenaturellement lui-même : aussi toute chose cherche naturellement à se conserver l’existence et à résister à tout ce qui tenterait (h ; la lui enlever. Ainsi le suicide est contraire à l’inclination naturelle et à l’amour que chacun doit avoir pour lui-même. En conséquence, se suicider constitue un péché mortel, parce que cela s’oppose à l’inclination naturelle et à l’amour que tout homme doit avoir pour lui-même.

En second lieu, la partie, en ce qu’elle est, appartient au tout. Or, l’homme est partie de la communauté humaine : ce qu’il est est doue quelque chose de la communauté et, en se tuant, il fait une véritable injure à la communauté elle-même.

Enfin, la vie est un don que Dieu a fait a l’homme, mais qui demeure soumis au pouvoir de » celui qui fait vivre et mourir (cf. Dent., xxxii, 39 et Sap., XVI, 13). Aussi celui qui se prive de la vie, pèche contre Dieu, tout comme celui qui tue un serviteur d’autrui fait injure au maître do ce serviteur, tout connue pèche celui qui usurpe le pouvoir de juger en une cause qui ne lui appartient pas ». IP-II", q. lxiv, a..">.

(Test surtout ce dernier point de vue qu’il convient de mettre en relief pour avoir un fondement très solide a la thèse de la malice intrinsèque du suicide. La vie ne nous est pas donnée par I lieu pour que nous en usions selon notre bon plaisir : elle n’est qu’un prêt, que nous devons utiliser au mieux des intérêts de notre fin dernière et c’est le souci d’atteindre le