Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/622

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/)( fustitia, 1. 11. c. ix. n. 23. Los théologiens ont d’ailleurs expressément discuté le cas de la v ierge qui veut éviter le déshonneur, IN suivent communément la réponse de saint Thomas (ad 3um) : « Il n*cst pas permis à une femme de se tuer pour empêcher quon abuse d’elle. parée qu’on ne doit pas commettre contre soi le plus grand crime qui est le suicide, pour empêcher le crime d’un autre qui est moindre. La femme n’est pas coupable si on abuse d’elle par violence et qu’elle n’y consente pas. parée que le corps n’est souillé vraiment que par la faute volontaire de l'àme. comme le disait sainte Lucie a son juge… Il n’est permis à personne de se tuer à cause de la crainte qu’il y a de consentir au péché, parce qu’on ne doit pas faire le mal pour qu’il arrive du bien ou pour éviter des maux, surtout des maux moindres et plus incertains. D’après cette doctrine, il faudrait corriger ce que contient le Décret de Gratien qui l’emprunte à saint Jérôme, Comm. in Joannem, I. I. n. 102, P. L., t. xxv, col. 1129 : In persecutionibus non licet propria paire manu, absque eo ubi castitas periclitatur… ('.ans. XX 111. q. v. e. 11. D’autre part, on verra plus loin, à la question du suicide indirect, que les moralistes font sur le même sujet de larges concessions. D’ailleurs, le trouble d’une vierge placée en de telles circonstances doit être tel, que le domaine de ses actes lui échappe tout au moins partiellement.

2. La thèse des épicuriens est bien plus fragile. Dès lors qu’on admet que la vie humaine est un prêt » divin, dont nous aons à tirer le meilleur parti possible dans les circonstances mêmes où il nous est accordé, et qu’il faudra en rendre compte selon l’usage bon ou marnais que nous en aurons fait en vue de notre fin surnaturelle, selon la parabole des talents, la question de la licéité d’une mort volontaire pour échapper aux souffrances de l’existence terrestre ne saurait plus être soulevée. La seule question qui puisse se poser est celle de l’utilisation des souffrances. Cf. Rom., v, 3-5 ; vin. 18-39. Mais cette considération déborde le cadre de l’article. Voir Ollé-Laprune, Le prix de la vie et, pour la mise au point théologique de la valeur individuelle et sociale de la souffrance rédemptrice, Fr. Mugnier. Souffrance et rédemption, Paris, 1925, surtout c. x et xi. Le suicide, accompli pour éviter la souffrance, soit phj sique, soit même morale, y compris le déshonneur qui peut rejaillir sur nous de nos propres fautes ou des fautes de nos proches, est un acte, non de force, niais de lâcheté.

Rébus in adversis facile est contemnere vitam ; Fortiter ille agit qui miser esse potest (Martial).

Saint Thomas réfute la thèse épicurienne en donnant à sa réponse le fondement solide des principes : « L’homme est constitué maître de lui-même par le libre arbitre. Aussi peut-il licitement disposer de luimême relativement à ce qui regarde les actes de cette vie, régis qu’ils sont par le libre arbitre. Mais le passage de cette vie a une autre meilleure ne dépend pas de la liberté humaine ; c’est chose soumise à la divine puissance. Il n’est donc pas permis à l’homme de se suicider, ni pour passer à une vie meilleure, ni pour échapper aux misères de celle-ci. La mort est le plus grand dis maux de cette vie et le plus terrible ; aussi se donner la mort pour se délivrer des peines de cette vie, c’est recourir a un mal plus grand pour en éviter un moindre… » Loc. cit., ad 3um.

'.', . I)u même principe, saint I bornas tire la réponse a l’objection du malfaiteur qui se suicide pour se punir (le ses crimes : Il n’est pas non plus permis de se tuer pour un péché qu’on a commis : d’une part, on se cause le pins grand tort en se privant du temps nécessaire pour faire pénitence ; d’autre paît, un malfaiteur ne peut être tué qu’après avoir été jugé par

l’autorité publique. Ibid. Le chef de l'État lui-même, s’il est prévaricateur, doit être mis en Jugement.

Tout autre est le cas envisagé par les théologiens postérieurs. Il s’agit d’un criminel, dûment jugé par l’autorité compétente et justement condamné à mort. Lui est-il permis de se donner la mort, sur l’injonction du pouvoir public, qui le charge d’exécuter la sentence '.' Le cas n’est peut-être pas aussi chimérique qu’on pourrait l’imaginer : l’officier prévaricateur à qui l’on remet un revolver pour s’exécuter… Les auteurs quc nous avons cités hésitent à reconnaître une probabilité certaine à l’opinion qui admet la licéité de ce > suicide ». Ceux qui défendent cette opinion rappellent qu’on ne saurait qualifier de suicide un acte d’obéissance à une sentence justement portée par l’autorité légitime, car il ne s’agit plus d’une mort recherchée par sa propre volonté. Saint Alphonse n’ose se prononcer, tandis que Ballerini-Palniieri, op. cit., n. 3'.). Génicot-Salsmans, n. 361, Tanquerey, Synopsis theoloyiæ moralis et pastondis, t. iii, n. 271, sont assez afïirmatifs. Mais le droit de mort, conféré par Dieu à l’autorité sociale, peut-il s’exercer d’une façon aussi contraire à la loi naturelle ? Cf. Pruner, art. Selbstmord, dans le Kirchenlexicon, t. xi, col. 76.

Quant aux prétentions des morales indépendantes, évolutionniste ou scientifique, c’est en discutant leurs principes mêmes qu’on en montrera l’inanité. Nous ne pouvons ici que renvoyer aux ouvrages spéciaux. Deux articles du Dictionnaire apologétique de la foi catholique ont bien fait ressortir l'énormité des conclusions que leurs thèses relatives au suicide comportent logiquement. Voir Évolution (Doctrine morale de l'), t. L col. 1807-1810 ; Loi divine, t. n.col. 1915-1917. Ces morales nient le principe fondamental sur lequel s’appuie la doctrine catholique : la vie est un simple prêt fait à l’homme et dont l’homme ne peut disposer qu’en vue, pour reprendre la formule de nos catéchismes, de « servir Dieu et de gagner le ciel ». On pourrait d’ailleurs reprendre ici, au point de vue social, les considérations relatives à l’utilité de notre vie personnelle et même de nos souffrances pour la société elle-même. Jean-Jacques Rousseau, qui cependant paraît parfois favoriser le suicide, rappelle au « jeune insensé », hanté par l’idée du suicide, qu’il a toujours quelque bonne action à faire avant de mourir. Nouvelle Héloïse, part. III, lettre xxii. On pourra, d’ailleurs, utiliser les conclusions de l'école sociologique en faveur de la thèse catholique.

D’une manière absolue, l’assertion de Kant reste vraie : « Anéantir dans sa propre personne le sujet de la moralité c’est extirper du monde, autant qu’il dépend de soi, l’existence de la moralité même. » Doctrine de la vertu, trad. Barni, p. 77.

4. Enfin, nous n’avons pas à nous attarder sur le fanatisme des sectes qui ont préconisé le suicide comme une libération de l'âme. Aucune préoccupation religieuse ne peut légitimer un tel acte ; pour reprendre les paroles de saint Thomas, « le passage de cette vie à une autre meilleure ne dépend pas de la liberté humaine ; c’est chose soumise à la divine puissance ».

Il est également utile de rappeler que le dualisme manichéen, fondement de la doctrine cathare, a été maintes fois condamné par l'Église et que, philosophiquement, il implique une absurdité.

IL Suicide indirect. — 1° Principe général. — Le suicide indirect est celui qui résulte d’une action qui, ne visant pas directement, la mort de celui qui la pose, met cependant celui-ci dans un péril extrêmement grave de perdre la vie. La question morale du volontaire indirect est ici a la base des solutions a donner. Et, pour rentrer dans la catégorie du volontaire indirect, l’action, qu’on dénomme suicide Indurée ! doit être, de soi, bonne ou indifférente, et produire,