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SUICIDE
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plus parfaitement possible cette tin qui doit inspirer nos aetes. Or, il est bien évident qu’en nous retirant de nous-mêmes des conditions d’existence où Dieu nous a placés pour mériter, nous allons directement contre les droits que Dieu possède sur nous, à la fois comme cause de notre cire et comme fin dernière de notre vie. La parole de saint Paul reste toujours vraie :

Nul de nous ne vit pour soi-même et nul ne meurt pour soi-même. Car, soit que nous vivions, nous vivons pour le Seigneur ; soit que nous mourions, nous mourons pour le Seigneur. Soit donc que nous vivions, soit que nous mourions, nous appartenons au Seigneur. » Rom., xiv, 7-8. L’argument n’avait pas échappé à certains philosophes païens. Noir, dans le Phédon (c. vi) de Platon, Socrate s’exprimant ainsi : « O Cébès, il me semble exact d’afïirmer que Dieu a soin de nous ; nous autres hommes, nous sommes comme une possession des dieux. Et toi, si quelqu’un de tes esclaves se donnait la mort, tu en serais irrité contre lui et si la chose t’était possible, tu le punirais. »

3. La discipline de l’Église a toujours été sévère pour le crime de suicide. Le IIe concile d’Orléans (533), can. 15, interdit de recevoir des offrandes pour les suicidés. Ilardouin, Concil., t. ii, p. 1175. Le IIe concile de Braga (503), can. 16, leur refuse la sépulture ecclésiastique. Ilardouin, op. cit., t. iii, p. 351. Le pape Nicolas I, r interdit d’offrir le saint sacrifice à leur intention. Resp. ad consulta liutgarorum (nov. 866), P. L., t. exix, col. 1013. Toutes décisions transposées dans l’ancien Corpus juris et le Rituel.

Le Code actuel a ainsi condensé la discipline présentement en vigueur : Can. 1210, § 1, Ecclesiastica sepultura privantur, nisi unie nwrlcrn aliqua dederint pœnitentiss signa : … 3° Qui se ipsi occiderini ilcliberalo consilio. — § 2. Occurrenle… aliquo dubio, consulatur, si tempus sinat, Ordinarius ; permanente dubio, endurer sepulturæ ecclesiasticse tradatur, ita tamen ut removeatur scandalum. Ce second paragraphe indique au curé que sa décision doit être motivée par un double.souci : celui de ne pas se montrer d’une sévérité excessive et d’examiner toutes raisons qui peuvent militer en faveur d’un doute sur la culpabilité du suicidé ; celui d’éviter le scandale. Sur le premier point, voir le canon 2218, § 1 ; sur le second, les auteurs pensent que, si le suicide est complètement secret", on procédera à la sépulture religieuse pour ne pas provoquer de diffamation à l’égard des survivants. Cf. Merkelbach, Summa théologies moralis, t. ii, n. 349 ; Prummer, Manuale theologise moralis, t. ii, 1928, p. 107.

Ce canon doit être complété par le suivant qui interdit toute messe ou tout office public, même a l’anniversaire ; et par le canon 2339 qui prévoit des peines contre ceux qui contraindraient le piètre à donner la sépulture ecclésiastique et contre le prêtre lui-même qui l’accorderait spontanément.

Can. 985, 5° : Qui seipsos vel alios mutilaverunt vel sibi vitam adimere tenlaverunt suni irregulares ex delicto.

Can. 2350, § 2 : Qui in seipsos manus inlulerinl, si mors non fuerit secuta, arceantur ab aclibus legitimis ecclesiaslicis et, si sinl clerici, suspendantur ml tempus ab Ordinario definiendum, et a beneficiis aut officiis curam animarum interni vel exierni fori annexant habentibus removeantur,

3° Réponses aux difficultés. - — 1. La première série d’objections nous retiendra plus longuement, parce que ces objections touchent de plus près à l’enseignement proprement théologique.

Les exemples tirés de la Sainte Écriture ne prouvent aucunement la légitimité du suicide. Livre Ins pue, l’Écriture n’en demeure pas moins, en certaines < ! » ses pai lus, livre historique ; elle rapporte des faits,

en soi défectueux, sans pour autant les approuver : tel, par exemple, le sacrifice que Jephté lit de sa propre Bile. Si. dans le cas de Razias, elle paraît accorder quelque louange, c’est pour exalter le sentiment qui animait ce guerrier beaucoup plus que pour approuver son acte. Il fallait, en effet, un singulier courage à Razias pour se donner la mort dans les circonstances que rapporte le IIe livre des Machabées. C’est un courage humain, héroïsme humain si l’on veut, mais non pas héroïsme surnaturel : Si l’on se donne la mort. dit saint Thomas à ce propos, pour éviter des peines et des châtiments, il y a en cela une apparence de force (c’est pour cela que quelques-uns qui se sont lues estiment faire un acte de courage et de ce nombre fut Razias) ; cependant cette force n’est pas la véritable vertu. Ad 5um. De tels actes sont de tous temps et se produisent sous toutes les latitudes : qu’on se souvienne du hara-kiri japonais.

D’ailleurs. Razias mis a part, les autres cas invoqués présentent un aspect beaucoup plus facile à qualilier au point de vue moral. Saiil et Achilophel ne sont ni loués, ni à louer. Quant à Samson et à Éléazar, il est difficile de voir en leur acte un suicide direct. Saint Augustin excuse Samson comme ayant agi sous une inspiration divine. De civ. Dei. 1. 1, c. xxi. P. L., t. xli, col. 35. Mais il est plus conforme a la réalité des faits et à l’intention des deux héros de voir ici un cas de suicide indirect, leur intention ayant été de poser un acte qui détruisit les ennemis du peuple de Dieu. Cf. Noldin-Schmitt, De prmeeplis Dei et Ecclesiæ, n. 326, citant Lessius, De justifia, I. II. c. i. n. 32 et De Lu go, De justifia, disp. X, n. 55.

Si le suicide était voulu pour lui-même, comme la morale stoïcienne semble l’autoriser, loin d’être un acte de force, il serait un acte de lâcheté ou d’orgueil. Autre chose est de ne pas craindre la mort, quand les circonstances nous font un devoir de l’accepter, autre chose est de rechercher la mort pour elle-même, quel que soit le motif qui nous y incite. Il faut être prêt à souffrir les injustices et les persécutions dont on pourrait devenir l’objet à cause du Christ, mais la recherche spontanée de la mort violente ne saurait constituer un martyre, car on n’a pas le droit de fournir aux autres une occasion prochaine d’injustice. Le martyre est une mort patiemment soufferte pour la cause du Christ : ce n’est donc pas dans une hra mire extérieure qui pourrait bien n’être que bravade que réside l’héroïcité du martyre ; c’est dans l’ensemble des vertus que requiert cette patience ferme et constante qui est l’acte principal de la vertu de force. Voir ici.M uityre, t. x, col. 221 et surtout 250-254, où l’on retrouve les idées maîtresses proposées par le I’. de Poulpiquet, L’objet intégral de V’apologétique, Paris. 1912, p. 15 l sq. Voir aussi Monsabré, Introduction au dogme catholique, 37’conférence : Gaston Sortais, Valeur apologétique du martyre (collection Science et Religion) et.1 ; » / du

cierge, 1924, p. 165 se].

Une pareille recherche spontanée de la mort ne poun ut se justili ; i que si elle -.1 ut inspirée par Disu lui-même. Maître de la vie et de la mort. Dieu peut donner à qui il veut la licence de disposer ic sa propre vie. C’est ainsi que saint Augustin explique que l’Église ait accorde les honneurs « les autels aux vierges dont on a parlé plus haut. De civ. Dei, I. I. c. xxvi, P. 7… I. XLI, col. 39. C’est a ce texte que se réfère saint Thomas dans sa réponse ad l l, m. Mais on pourrait également supposer chez elles une erreur invincible. Elles oui cru agir d’une façon louable en se donnant la mort plutôt que de s’exposer au déshonneur. Erreur

invincible d’autant plus facile a expliquer et a excuser ipic. de prime abord, il n’apparaît pas avec évidence qu’il soit illicite de conserver le grand bien de la virginité par le sacrifice spontané de la vie. Cf. Lessius,