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-i PE RSTITION. CLASSIFIC T 1 1 1


(l’une remarque de saint Thomas, I I a - 1 I æ, q, lxxxi, a. 1. Cajétan observe Bnement deux attitudes d’âme : l’attitude cultuelle tout occupée du rite, et l’attitude, plus pleinement religieuse, des âmes vraiment saintes : Il est évident par là que bien des gens font acte de religion sans y mettre de sainteté. On peut taxer de religiosité ceux qui sont ainsi tout occupés des cérémonies… », In Sum. theol.. loc. cil.

Il y a ici, dit Suarez, une équivoque : « certes il n’y a pas excès dans le culte formel ; l’excès i ; ît surtout dans le culte matériel, dans les rites multipliés sous prétexte de religion. Les pratiques sont menues et ne servent aucunement à la religion ; mais il y a excès même per orilinem ad affectum ralentis, puisque le superstitieux a une trop grande préoccupation du culte, cherchant à temps et à contre-temps à l’exprimer, et faisant servir à cela tout ce qui lui tombe sous la main, bon ou disproportionné, i Suarez, De religione, t. iii, t. II, c. i, éd. Vives, t. xiii, p. 472.

Mais on pourrait dire également bien, en regardant plus à fond dans l’âme du superstitieux, qu’il s’attache trop à des pratiques extérieures parce qu’il manque d’esprit intérieur. Ici vient la remarque de Suarez : Dans ces vices contre la religion, on peut distinguer trois éléments : l’action matérielle, la délormité qu’elle a contre une autre vertu que la religion, et enfin sa malice spéciale formellement contraire à la religion. Or. pour expliquer cette dernière, il est souvent nécessaire de remonter jusqu’à celle opposition préalable à telle autre vertu. » Loc. cit.. p. 437.

(i. Le tangage actuel. — A parler en rigueur de termes, la superstition s’oppose à la vertu de religion. Mais, à notre époque, on a tendance à élargir le concept de religion comme celui de superstition, et non sans raison. D’une part, en effet, il y a action réciproque des vertus théologales sur la vertu de religion et inversement ; la religion entretient aussi des rapports avec les vertus morales. Par contre la superstition arrive à pervertir, après la religion, toutes les vertus de l’honnête homme : elle s’exprime alors par des croyances d’à-côté. Aberglaube, dans une confiance aveugle en des puissances bienfaisantes OU dans un instinct de défense contraires à la foi et a l’espérance. Ces fictions misérables et ces craintes vaines, on les appelle volontiers des superstitions.

Disons que ce sont des contrefaçons de l’espérance cl de la loi. et qu’elles engendrent toutes les fausses dévo lions et les vaines observances. Cf. A. Thibaut, Les contrefaçons île l’espoir en Dieu, dans Nouv. rev. théol., 1934, p. 837. Enfin cet espril superstitieux engendre à son tour une rupture d’équilibre entre les vertus intérieures et les pratiques cultuelles, entre la valeur insignifiante de ces moyens de se rassurer et l’attachement qu’on y garde, entre les scrupules dis taux de

sols et leur égOÏsme féroce : VOilâ les caractères les

plus voyants de la superstition, tout opposés aux démarches prudentes (le la religion.

II. Deux classes de m pehstitions.

On compte généralement cinq espèces de superstitions : 1° le culte indu du vrai 1 >ieu : ’- ! " le culte des laux dieux

appelle idolâtrie ; 3° la divination ; l°la magie, et 5° les vaines observances. Pour mettre un peu de lumière

dans celle classi lication et comparer ces excès si

divers, il faut procéder, du plus apparent au plus mvstérieux, de l’extérieur, des gestes, aux intentions des agents. La constatation de l’objet matériel de ces diverses superstitions aboutira à une distinction provisoire entre les abus d’allure cultuelle et ceux qui n’uni extérieurement rien de religieux, La considération de l’objel formel des superstitions d’allure religieuse permettra de distinguer nettement entre les cultes indus et l’idolâtrie. Pour mettre enfin de l’ordre entre les autres abus, il faudra en arriver a considérer les

fins possibles du culte divin, puisque c’est à la réalisation de ces fins secondaires que s’essayent, par des moyens désordonnés, la divination, la magie et les vaines observances.

Principe de discernement.

Quand on rapproche

des excès aussi disparates que le culte faux ou superflu du vrai Dieu et la divination, la magie ou les vaines observances, on constate qu’à première vue, beaucoup de ces agissements n’ont rien de commun avec le culte chrétien. De là une difficulté préalable : A quel titre ces différents abus ont-ils été rapportés à la même catégorie de péché, à la superstition ? Comment en est-on arrivé à les opposer les uns et les autres a la même vertu de religion ?

A la première question, il faut répondre que notre systématisation est duc entièrement à saint Augustin. Alors que les anciens docteurs latins n’entendaient par superstitio que l’idolâtrie, et que les Pères grecs continuèrent à mettre à part les excès cultuels, èOsXoOp’rçcnâa, et Us pratiques de la vie quotidienne inspirées par la crainte des 80dp.oveç, SEiw.Saip.ovta, (voir plus haut. col. 2765), saint Augustin voit de la superstitio partout. Désormais la théologie catholique rassemblera tous ces abus disparates sous le terme de superfruités ou contrefaçons religieuses.

Dans son traité De doctrina christiana, Augustin entreprit de faire le départ des éléments de la civilisation antique que le christianisme pouvait conserver. Au I. H, qu’il consacre aux disciplines nécessaires pour comprendre l’Écriture, il pense qu’il faut pour cela connaître les sciences de la nature et les arts libéraux : Dieu qu’on nous dise qu’ils sont fils des neuf .Muses, non audiendi sunt errores gentilium superstitionum. Op. cit., I. II, c. xvii, P. I… t. xxxiv, col. h ».

Si la superstition des profanes s’en est mêlée, ce n’est pas une raison pour nous détourner des arts profanes. » Loc. cit.. c. xviii. Il y a deux genres de disciplines qui se pratiquent dans la vie civile : les premières qui furent instituées par les hommes, et les secondes que les hommes ont trouvées toutes faites ou instituées par Dieu. > Loc. cit., c. xix, col. 50. Celles-ci, l’histoire, les sciences naturelles, etc. sont utiles à l’étude des Écritures ; - parmi les doctrines d’institution humaine, il y a au contraire à prendre et à laisser, à laisser celles qui sont superstitieuses ».

C’est par ce biais que le grand docteur aborde le classement des superstitions d’une part et des coutumes qui foui d’autre part la civilisation. D’un mot, parmi ces signes conventionnels, il y en a d’utiles, comme les conventions sociales ; il y en a de superflus, comme les gestes des histrions, mais qui ne sont pas pour cela superstitieux, puisqu’ils ont tout jusle la valeur de jeu que les hommes ont voulu leur donner. Puis il y a en lin des signes superstitieux qui n’ont de valeur pour personne, sinon pour les dénions. I >e là cette énuinéralion qui se transmettra jusqu’à nous par les manuels de théologie : i Est donc superstitieux : 1°’foui ce qui a été institué pour constituer et honorer les idoles, ou pour honorer comme un dieu une créature ou un de ment de la création : Voilà ce que la théologie de nomme idolâtrie. Et voici la divination et la magie :

2° Ce qui a clé établi pour consulter les démons ou

signifier quelque pacte arrangé et convenu avec eux :

les arts magiques et les livres des auspices, i Loc. cit.,

c. xx. col. 5Q.’>" A ce genre [de doctrines et de signes qui loin bent dans le vide] appartiennent encore i — et ce sont les vaines observances de santé - les ligatures et remèdes répudiés par la science médicale, les caractères mv sterieux ou objets a porter sur soi. qu’on décore du titre de physiques », non pas qu’ils soient

exempts de superstition, mais parce qu’on les croit

[à tort] utiles par les ressources (le la nature, En fait, ils ont des sens caches et même trop manifestes.