Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/636

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SUPERSTITION. CULTE FA l DE 1)1 I. I

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temps-là, mortiui et mortifère, c'était, en somme, déclarei que ces œuvres constituaient des superstitions de culte faux du vrai Dieu. Voici comment saint Thomas résume les positions des doux docteurs : Saint Jérôme distingue doux moments : le temps avant la passion, où les observances légales notaient ni mortes, ni nuisibles ; et le temps qui suivit immédiatement la passion, où elles devinrent à la l’ois mortua et morlifera. Aussi, disait-il que les apôtres ne les avaient jamais observées alors selon la vérité », mais seulement par une pieuse simulation, pour ne pas scandaliser les Juifs : ils ne pratiquaient pas ces rites comme cérémonies légales. mais pour des motifs profanes d’hygiène ou de bon ordre. Mais ces explications paraissent mal fondées ; aussi, avec plus de convenance, Augustin distingue-t-il un troisième temps, « à savoir, de la passion du Christ jusqu'à la diffusion de l'Évangile, durant lequel les œuvres légales furent des œuvres mortes, parce qu’elles n’avaient aucune valeur religieuse, et que personne n'était tenu de les observer ; mais où elles n'étaient pas mortifera, parce que les convertis du judaïsme pouvaient les observer licitement, pourvu qu’ils n’y fussent pas attachés comme à des moyens indispensables de salut… Le Saint-Esprit n’a pas voulu les interdire d’un seul coup aux judéo-chrétiens, comme il prohibait les pratiques païennes aux convertis de la gentilité, afin de montrer la différence qui existait entre ces rites, les rites païens étant répudiés par Dieu dès l’origine comme tout à fait illicites, les rites mosaïques, au contraire, cessant d’eux-mêmes après la mort du Christ, qu’ils étaient destinés à préfigurer. I a -1 1^, q. ciii, a. 4.

Dans la tradition.

A l’endroit du paganisme,

on a parlé du radicalisme de l'Église, aux trois premiers siècles, parce qu’elle comptait parmi les capilalia peccala l’offrande de l’encens aux idoles et la participation au culte impérial. Mais c'étaient là des apostasies, et la malignité du public, les sollicitations des juges suffisaient à donner un sens précis à ces gestes païens. Par contre, on ne peut parler d’intransigeance à propos de bien d’autres coutumes mi-religieuses et mi-civiles. Les docteurs du m c siècle dressèrent des listes d’hérésies, mais point de listes de superstitions. Il fallait aller au plus pressé, et laisser au sens chrétien des fidèles d’exclure eux-mêmes les pratiques en opposition avec leur foi. De fait, les avis furent différents suivant les époques, les contrées, les classes sociales et surtout les tournures d’esprit, au sujet des fêtes officielles, de la table, du théâtre, du service militaire, des mariages, etc. Dès la fin du I er siècle, il y eut, dans la communauté romaine, inquiète de tant de compromissions, un mouvement de retraite général. Les écoles rigoristes du ir siècle virent de l’idolâtrie partout, même dans les spectacles et dans les métiers au service des temples. Tertullien, De spectaculis tout entier, Apologel., c. xxxviii ; De idolol., c. vii, P. L., t. i, col. 528 et 747 ; Tatien, Adv. Greecvs, n. 14, 3334. /'. C, t. vi, col. 63 sq.. 16$1-$269. Mais, plus généralement, l'Église montra de la condescendance pour tous les usages qui n'étaient pas spécifiquement païens, par exemple pour l'éducation des enfants, le mariage avec des païens, la formation religieuse des prêtres. Ép. à Diognète, c. v, n. 6-10, /'. G., t. ii, col. 1174. A peine fut-elle plus séerc pour la constitution de son culte, se bornant d’abord a interdire les rites qui s’opposaient par leur teneur matérielle a la lettre de l'Évangile, comme les sacrifices d’animaux au Dieu créateur de toutes choses. Ibid.. c. iii, n. 3. col. 1172 ; Atlionagore, Legatio, c. xiii, /'. 'L. t. vi, ml. 916. Mais, dans le même temps, elle accueillait dans sa liturgie tous ces symboles, gestes et formules que l’homme aait détournes au service des faux dieux. Aux siècles mêmes où s’opéraient ces assimilations, les porte paroles du catholicisme les acceptaient avec plus de sérénité que ne le font les modernes apologistes de l'Église. Us ne manquaient pas d’entendre les objections des adversaires : Celsc n’avait il pas signalé à sis amis païens les contrefaçons chrétiennes des philosophes grecs et des religions orientales, et les manichéens n’en faisaient ils pas un grief aux catholiques ? Au premier, Origène se bornait à répondre qu’il fallait chercher, sous des ressemblances matérielles, les différentes inspirations qui les expliquent : 'EçsTatTTÉov vàp rà 8ôyy.ot.-<x, àcp’cov ôp(i.c ! >ji.£voiS’jvaTÔv yàp TO aÙTÔ àrcô Sioeçôpcov Sùy(i.txTcov YÎveaOai. Cont Celsum, I. VIL 63, P. G., t. xi, col. 1509 ; cf. I. V, n. 44, col. 12 10. En Occident, Augustin expliquait les analogies par la nécessité, aussi vieille que le monde, de signes religieux et par leur imprécision, Cont. Faustum, t. XX, c. xxii, /'. 1… t. xi.ii, col. 386 ; Epist., en, ad Deogratias, q. ni, n. 20, t. xxxiii, col. 378 : « Ainsi peut-on comprendre que ce n’est pas le rite sacrificiel qui est mauvais, puisque les Pères de l’Ancien Testament ont bien immolé des victimes au vrai Dieu ; mais c’est le fait de les offrir aux faux dieux et aux démons impies que la vraie religion reproche aux superstitions des païens. » On comprend aussi par le même principe la condescendance d’un Grégoire le Thaumaturge, Vita S. Gregorii, P. G., t. xlvi, col. 953, et d’un Grégoire le Grand, Epist., t. XI, lxxvi, P. L., t. lxxvii, col. 1216 : « Offertes à Dieu, ces oblations ne sont plus sacrifices. »

Contre les pratiques restées païennes, malgré l’habile tactique de l'Église pour les christianiser, la doctrine de ses docteurs fut intransigeante : c’est une superstition de culte pernicieux que « de donner le nom de religion à une tradition humaine », dit la Glose ordinaire, in Col., ii, 23. Mais il y a bien d’autres traditions inassimilables pour les vrais chrétiens : celles des hérétiques ne valent pas mieux, écrit Lactance. Seule l'Église catholique garde le vrai culte. Divin. instit., t. IV, c. xxx, P. L., t. vi, col. 542. Il était bien sévère pour les dissidents, alors qu’il se montrait trop optimiste envers les libres expressions de la vraie foi. Loc. cit., c. xxviii, col. 535. Saint Augustin a signalé maintes fois les écarts des catholiques eux-mêmes. « Il y a des gens mal avisés qui trouvent moyen d'être superstitieux jusque dans la vraie religion 1° De moribus Eccles. cath., c. xxxiv, P. L., t. xxxii, col. 1312.

Ne mettons pas la religion dans nos imaginations 1 Mieux vaut le vrai, si fruste soit-il, que tout ce qui peut être inventé par le caprice. » De vera relig., t. I, c. lv, t. xxxiv, col. 169. a Le mensonge le plus pernicieux, dit-il encore, est celui qu’on fait en ce qui touche à la religion chrétienne. » Contra mendacinm, c. iii, n. 4, t. xl, col. 521.

Les décrétales des papes ont stigmatisé avec beaucoup de précision les deux provenances de cultes faux :

1. les reviviscences païennes : li n’est pas bien étonnant que certains prêtres abandonnent la pureté de la foi pour servir un culte superstitieux » ; ils n’ont pas grandi dans l'Église, mais viennent par une autre route, d’où ils ont amené avec eux des usages de leur vie passée. > Cselestini epist. ml episc. Gallim, c. i ;

2. les complications dévotes du renouveau carolingien : « opinions superstitieuses en matière de liturgie, i issues d’une initiative privée, d’un jugement tout humain ». Fausse décrétale d’Alexandre, c. i et m. Le mot superstition, que les anciens auteurs n’enten daient que de l’idolâtrie, esi appliqué ici au culte faux du vrai Dieu ; mais l’abus avait été dénoncé depuis longtemps.

.', ' Dans la théologie. - C’est sur cette doctrine positive, et principalement sur le texte de saint Augustin relatif au mensonge es choses religieuses, que les théologiens ont édifié la théorie du culte faux, de ses