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977’SUPERSTITION. CULTE SUPERFLU DE Ml Kl

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En somme, le jugement privé est Impuissant en matière m délicate ; tel signe utilisé n’est pas Imposé l>ar sa nature pour signifier l’excellence de Dieu et notre soumission à son égard. Dans l’usage du signe conventionnel, l’erreur peut se produire, comme on le voit dans le cérémonial profane : un paysan se livre à des gestes ineptes ou à dos paroles déplacées pour honorer un roi. et cela avec la meilleure intention du inonde. Aussi laut il s’étonner de lire dans Lactance : Onvtino quid coins, non quemadmodum colas t C’est là une erreur d’appréciation et de pratique qui est tort généralisée ; pourtant le moindre défaut, en matière religieuse, peut détruire la bonté foncière de l’acte.

La seconde forme de culte faux du vrai Dieu comprend précisément toutes les pratiques cultuelles opposées à la législation de l’Église. A vrai dire, ces falsifications sont manifestes depuis qu’il y a des Églises chargées de la police du culte : « depuis la promulgation de la Loi ancienne, c’est par des prescriptions extérieures que les hommes ont été instruits de la manière d’honorer le vrai Dieu, et il est désormais abominable de passer à côté, quæ prseterire pestiferum est. » IIa-IIæ, q. xciii, a. 1. ad 2um. L’opposition s’affirme ici entre des pratiques du culte extérieur et des règlements positifs, également extérieurs, portes par les Églises au nom de Dieu même, et pour développer son culte authentique. L’Église juive, nous l’avons vu. avait étendu très loin cette haie protectrice des prières et des sacrifices ; l’Église catholique a constitué aussi ses règlements cultuels : lois universelles et permanentes de l’administration des sacrements, coutumes régionales plus ou moins stables, auxquelles saint Thomas rapporte les variations de la liturgie eucharistique : « coutumes diverses, mais non contraires à la vérité, et eas prseterire illicitum est. Ibitt., ad 3um. De toutes façons, l’antagonisme est ici entre deux initiatives : l’ordonnance protectrice de la société religieuse, de l’Église assistée par I)ieu. et l’entreprise ex parte coleniis, d’un individu ou d’une collectivité. Le cas le plus typique est bien celui que cite saint Thomas, ibid., corp., d’un ministre de l’Église qui, dans le culte public, présente à Dieu de la part de l’Église, un culte qui va précisément contra modum Ecclesise : c’est un faussaire, qui troque contre ce qu’on lui a confié une marchandise frelatée, falsa facti significatio cum inlentione jallendi, Cajétan, in h. toc. La falsification, pour être moins foncière que dans le cas des pratiques païennes qui se glissent dans la religion populaire, est beaucoup plus [latente, parce qu’elle va contre la prohibition de l’autorité ecclésiastique et abuse de sa confiance. Cet abus peut prendre d’ailleurs les formes les plus diverses. Suarez a tort d’y voir le cas presque isolé du faux prêtre ou du prêtre déposé qui dirait la messe sans pouvoirs. Lu somme, cela se bornerait au cas de fictif) in legatione, quam exercet nomine alterius a quo constitutus nun est. De reliyione, tr. ni, c. ii, n. 2, t. xi ii, p. 176 sq. I ne inesse simulée est un sacrilège, non une superstition de culte faux. Celle-ci porte, non sur la mission du faussaire, mais sur toute action cultuelle, publique ou privée. Saint Thomas dit sans doute : Hoc PBiEClPt i. in cultu commuai (jiii per ministros exhibetur in personu totius Ecclesise ; mais tout ce que le prêtre, et même le rai prêtre, fait au nom de l’Église, il peut le falsilier et l’opposer a l’usage commun que l’Église lui demande d’observer. A cette falsification ex » urte coleniis* se ramené aussi le cas du prédicateur qui prêche de faux miracles, de l’écrivain qui vante de fausses reliques, etc… Ils ne sont pas excusés par leur pieuse intention du péché de culte pernicieux, parce, autant qu’il est en eux, ils enlèvent a la foi du Christ, sa vérité ». Cajétan, m h. toc. Lessius, Lacroix, Vermeersch, etc., notent d’autres

contrefaçons par la faute des ministres de l’Église : ce qu’elle leur a confié, ce sont de vrais sacrements, des miracles réels, des paroles de Dieu qui sont vraiment (huis l’Écriture inspirée, etc. ; si tous ces trésors du culte sont frelatés par le prêtre, ils n’ont plus droit à notre religion, et notre respect devient faux et superstitieux. Il y a plus : ces fraudes peuvent être le fait de simples fidèles et « Luis leur culte privé : n’ayant pas reçu mission de l’Église et n’étant pas tenus de poser tel acte de religion, ils doivent, quand ils le font, se conformer à l’institution de L’Église et ne pas aller contre l’ordre de Dieu. L’exemple apporté par Cajétan d’un chrétien qui s’isolerait du corps de l’Église, sic in propria persona quod nihil ad Ecclesiam, est peut-être un peu théorique ; mais que penser des bonnes âmes qui colportent de prétendues révélations ou des dévotions excentriques ? N’y a-t-il pas de leur part fraude sur la marchandise ? Nous dirons plus loin quelques mots de ces dévotions fausses.

Le culte faux doit donc se trouver surtout chez les Juifs et les infidèles qui honorent le vrai Dieu. « Les Juifs qui maintenant circoncisent leurs enfants et observent le sabbat sont superstitieux… De même le païen qui offre à Dieu un sacrifice d’animal… bien qu’il entende honorer le vrai Dieu, lui offre cependant un culte qui n’est pas le vrai. » Suarez, toc. cit., p. 470. Saint Augustin, Epist., xlix, n. 3, était peut-être plus humain et plus vrai quand il écrivait : Cum hœc exhibentur Deo secundum veram inspirationém atque doctrinam, i>era religio est..Mais les théologiens scolastiques ont toujours montré quelque gêne à quitter le terrain objectif pour se pencher sur les intentions des hommes.

Le culte faux du vrai Dieu est compatible avec une foi véritable. Saint Thomas avait bien spécifié que la fausseté pouvait se glisser dans le culte extérieur, et « qu’un geste mensonger était un mensonge pernicieux tout comme une parole contre la foi ». IIa-IIæ, q. xciii, a. 1. Suarez fait cependant observer que, psychologiquement, il y a une nuance entre les deux : « Il y a, dans le culte de Dieu, deux choses à distinguer : l’estime que nous avons de la personne que nous voulons honorer et le signe dont nous usons pour reconnaître son excellence, en quoi consiste précisément le culte. Or, dans le culte du vrai Dieu, même superstitieux, ne peut manquer tout à fait le premier élément, à savoir Vexistimatio veri Dei ; il peut s’y mêler tout au plus quelque fausseté, comme chez les hérétiques. Mais, dans la partie matérielle du culte, il peut se glisser l’erreur ou la superstition. Ce sont là, en effet, deux propositions bien différentes : Dieu est digne d’honneur pour son excellence, et telle chose est apte à lui témoigner cet honneur ; sans se tromper sur le premier point, on peut se tromper sur le second. Utiliser des procédés qui ne sont pas adaptés à ce devoir voilà en quoi consiste la superstition. » Suarez, t. xiii, p. 469-470.

IV. Le culte superflu du vrai Dieu.

Cette superstition, comme celle de culte faux, est droite en son orientation, s’adressant bien au Dieu véritable, mais excessive dans sis réalisations, dans les actes cultuels qui font l’objet de la vertu de religion : car la dévotion indiscrète donne à ces actes, non pas un sens erroné, comme le culte faux, mais une surabondance, i Dans la religion, le juste milieu s’entend d’un certain niveau à maintenir entre les œuvres qui vont à honorer Dieu. Je dis un niveau, non uni absolue, car, envers Dieu, nous ne sommes jamais quittes de tout ce que nous lui devons ; mais uu mv eau établi en fonction de ce que nous pouvons faire, de ce que Dieu même agrée. Il’II 1, q. LXXXI, a. 5, ad '>"". Cette conception de la vertu morale de religion commande la notion du culte superflu : en accu-