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2807 SUPERSTITION. VAINES OBSERVANCES ET RECOURS AU DÉMON 2808

au hasard, et que tout peut être un signe de Dieu, suit qu’on accorde trop au déterminisme naturel ». I. Mennessier, La religion, t. ii, p. 151. Dans l’enchaînement des événements, le sens commun et la philosophie ont toujours fait une exception pour deux genres de surprises : l’accidentel et l’acte libre. II 1 - II », q. x< : v. a. 5. Pour beaucoup d'événements fortuits à première vue, il est sage de leur supposer une cause naturelle. encore que Dieu puisse les provoquer à notre intention ; de même les paroles qu’un homme prononce librement et en une tout autre intention que ce qui nous préoccupe », ibid., peuvent être sans signification aucune, mais « sont pourtant dirigées par la Providence de Dieu. Ibid., a. 7. (/est précisément ce qui fait habituellement matière aux présages..Mais il ne faut pas exagérer la marge du hasard et des signe. divins : « Tout ce qui arrive ainsi selon la Providence divine n’est pas ordonné à servir de signe de l’avenir. » II » -II", q. xc.vi, a. 3. ad 3um.

4. Oracles divins.

Toutes les religions ont admis la légitimité du recours à Dieu par les oracles ; seule, la religion chrétienne les a généralement interdits, sans doute parce qu’ils ne répondaient plus aux conditions mêmes de leur institution.

Les peuples primitifs ont tous pratiqué les consultations et leur ont donné une valeur religieuse..Mais la prière a dû être écourtée et le geste aussi s’est amenuisé en un simple attouchement sur le porte-bonheur. Tout l’esprit religieux s'était évaporé.

Chez les peuples de l’histoire, au contraire, la consultation des dieux était un rite extrêmement compliqué, mais pas plus respectueux de la divinité. La façon méticuleuse d’interroger le dieu ne témoignait pas d’une grande révérence. Les consultations devenaient facilement des mises en demeure par leur périodicité : à l’origine, les dieux n'étaient pas constamment à la disposition des consultants, mais, du temps d’Isaïe, les dieux babyloniens » faisaient savoir chaque mois d’où viendraient les événements ». Is., xi. vu. 1.'5. De même les séances de la pythie de Delphes devinrent mensuelles. Les circonstances de la consultation, où un groupe de prêtres interprétaient les transes et les paroles plus ou moins intelligibles de la pythie, cf. R. Flacelière, Le fonctionnement de l’oracle de Delphes, Gand, dans i : i mies d’archéologie grecque, 1938, nous semblent bien inconvenantes.

I.e christianisme, lui. n’avait pas de procédé authentique pour consulter Dieu ; mais les chrétiens ne tardèrent pas à adopter a leur nouvelle loi les procèdes des païens qu’ils trouvèrent les plus inollensifs. Les Domains, après les poulets sacres, dont la vogue était tombée, avaient les « sorts de Virgile ». Spartien, .Llius Adrianus ; les chrétiens eurent ceux de l'Évangile. S. Augustin, Epist., i.v. N'étaient-ce pas des livres de divination que ces « écrits apocryphes mis SOUS le nom des apôtres » par les priscillianistes, S. Léon, .W/ Turribium, c. xv, et que ces sortes upostolorum, condamnes par le décret De libris recipiendis, au vie siècle ? Le synode d’Auxerre de 578 nous apprend qu’on tirait les sorts « avec le bois et le pain », mais surtout avec le li re des 1A angiles ; c'étaient les sortes sanctorum. Il est à croire que, devant l’opposition des conciles, les piètres, du moins, cessèrent de consulter » les sorts des saints », et que l’usage ne garda plus qu’un caractère privé. Cf. Capilulaire de Raoulde Bourges (860), c. xxxviii.

I. Jugements de Dieu. il y a d’autres observances qui ne peuvent se réclamer d’aucune institution divine ou ecclésiastique, ni même d’aucune raison, parce qu’elles ont un but déraisonnable. I.e jugement [de Dieu] par le 1er rouge ou l’eau bouillante est un procédé par quoi un s’elloiee de décoiiv rir par des actes laits par un homme une faute cachée : c’est là un

point d’attache avec le procédé des sorts. Mais l’acception commune de cet appel à Dieu est ici bien déliassée, car on en attend un effet miraculeux, (".'est ce qui rend illicites ces sortes de jugements. » On attend, en somme, que Dieu sauve l’innocent par un miracle. Pour justifier cette attente, il faudrait à défaut d’inspiration particulière, un but essentiellement religieux, et une institution expresse de l'Église, ce qui n’est pas. II » -II", q. xc.v, a. 8, ad 3um. L’idée première des jugements de Dieu ne peut donc être taxée a priori de tentation de Dieu, surtout dans les religions anciennes cpii faisaient intervenir un Dieu de justice dans la rétribution immédiate des actions humaines. Pour les précédents bibliques, voir l’art. Ordalies t. xi, col. 1 1 1 1 ; pour la législation canonique, ibid., col. 1 1421 1 59 ; pour l’histoire de cet usage chez les Germains, cf. Vacandard, Études de critique et d’hist. reliq., t. 1, et la bibliographie de l’art, précédent, et en plus P. Browe, De ordaliis, 1932, dans Text. et docum. de l’Univers, grégorienne. Quant au duel judiciaire, la raison de l’interdire est la même que pour les autres jugements » vulgaires ». avec cette nuance qu’on se rapproche ici davantage de la notion commune de sort, aucun effet miraculeux n'étant attendu, sauf peut-être lorsque les champions sont de force ou d’habileté par trop inégales. S. Thomas, ibid.

Saint Thomas, par respect pour le concept des jugements de Dieu, retardait sur son époque ; voir l’art. cité, et cf. Pierre le Chantre, Yerbuni abbrrnialum, c. t. xxviii. P. L.. t. cev, col. 225. Les théologiens du xv et du XVIe siècles se mirent au pas de leur temps. Ainsi dépouillées de leur arrière-pensée religieuse, les ordalies leur apparurent ce qu’elles étaient depuis longtemps : des crimes contre la vie humaine. Du point de vue du juge qui les impose, dit C.ajétau. c’est « un péché contre la justice que de punir un coupable dont le crime ne peut être prouvé, ou de chercher à connaître par le sort celui qui est le voleur ». Summa, à l’art. Divinatio. Quant à celui qui se soumet à ces épreuves, Suarez remarque que « souvent elles se font sans aucune considération de religion : quelqu’un entre dans le feu par témérité, sans penser à Dieu ; alors il n’y a là aucun péché d’irréligion, mais de témérité et de scandale public. Qu’arrive-t-il souvent ? L’innocent est brûlé et le public trompé, parce qu’il croit que la culpabilité de la victime est prouvée, alors qu’il n’eu est rien, comme le dit Yves de Chartres, Epist., lxxiv. Si celle épreuve se fait intuitu Dei, ou bien on pense qu’il appartient à la pro idenee de I heu de ne pas permettre la mort de l’innocent, même s’il fallait pour cela arrêter miraculeusement l’action du feu, et c’est ainsi qu’elle se fait régulièrement : alors c’est un semblant de tentation de Dieu, tenlutio Dei inlerpretutii’u. d’après certains auteurs. » Mais, pour Suarez, c’est bien plutôt le vice de présomption, opposé par excès à l’espérance et procédant d’une confiance excessive et volontaire, c’est tout le contraire de la tentation de Dieu et c’est la tentatio hominis. Où il y aurait tentation de 1)ieu, c’est dans le cas fort fréquent, semblct-il — « où quelqu’un n’a pas une telle assurance de l’intervention de Dieu, et veut, à son propre péril, expérimenter si Dieu va protéger même de cette façon son innocence ». De reliipune, tr. [II, c. ni, n. 2.

3° Recours nu démon. Les vaincs observances sont

des abus concrets et complexes ; suivant la puissance à laquelle elles ont finalement recours, elles prennent des caractères tout a fail différents, si l’on s’en rapporte a des forces naturelles plus ou moins inconnues, l’observance n’est que vaine ; si c’est a Dieu qu’on a

recoins, elle est loul au plus une tentation de Dieu, par irrévérence envias lui. Ces deux errements ne sont pas encore des superstitions par excès de religion. Pour en arriver là, il faut vraiment faire in 1er venir l’idée