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SU RIN (JEAN-JOSEPH) — SURIUS (LAURENT)


P. Surin insiste sur l’obscurité essentielle à cette connaissance qui résulte plus de l’influence de la volonté que de l’activité propre de l’entendement. Cat., t. i, IIe part., c. ii, 2. Aussi reprochait-il aux « gens de lettres » la confiance qu’Us faisaient à la raison, dans un domaine où son rôle doit se subordonner à celui des vertus théologales. Dial., t. n. t. VII, c. n.

Il n’en méconnaît pas pour autant la valeur des méthodes, mais il veut qu’on en use avec une sage liberté-. Cat., 1. 1, IIe pari., c. n. 1, édit.Bouix, p. 101. lia écrit des pages extrêmement suggestives sur celles de saint Ignace et leur rapport avec la vie mystique : il lui tenait à cœur que la contemplation fût reconnue comme un mode d’oraison propre à la Compagnie de Jésus et particulièrement compatible avec, les ministères apostoliques. Dial., t. ii, t. VI, c. ii, et ix ; ibid., t. IV, c. ii : Cat.A.i, IIIe pa t.. c. iv, édit. Bouix, p. 225.

L’inclination mystique du P. Surin trouvait un aliment dans les très hautes jouissances spirituelles dont il avait lui-même l’expérience et que les confidences de quelques âmes d'élite lui avaient aussi révélées. Cf. ses Lettres au P. d’Attichy, à Madeleine Boinet, etc. On sait que saint Jean de la Croix, au 1. II de la Montée du Carmel se montre sévère à l'égard des faveurs sensibles. L’interprétation de ces textes valut au P. Surin une controverse douloureuse avec le P. Cl. Bastide, son ami et son protecteur : « Faut-il avec le P. Bastide soutenir que (Jean de la Croix) veut que l’on renonce à toute faveur sensible extraordinaire, même d’origine divine ? ou bien, avec le P. Surin, faut-il admettre qu’il professe que, tout en se mettant en garde contre les illusions et en pratiquant un détachement réel du cœur, il ne faut pas repousser indistinctement toute grâce de cet ordre mais au contraire accepter avec reconnaissance, celles qui s’avèrent œuvre du bon esprit ? » F. Cavallera, Lettres, t. ii, appendice 3, p. 437. Cette controverse mit en cause non seulement plusieurs des confrères du P. Surin, mais Jeanne des Anges et son « saint ange » consulté comme un oracle ; elle n’aboutit à aucun résultat pratique. Cf. F. Cavallera, ibid., p. 439.

Une théorie spirituelle aussi résolument centrée sur Dieu ne donne rien à la paresse. Le mysticisme ne prend jamais chez le P. Surin le sens d’un « laisserfaire Dieu » apathique et débilitant. C’est au contraire la doctrine du détachement, de l’acquiescement au bon plaisir divin qui occupe le premier plan de sa direction pratique. Elle atteint parfois dans sa correspondance et quand il s’agit de lui-même une sorte de pathétique hautement émouvant.

Les livres du P. Surin ne sont pas destinés aux débutants. Il ne faut pas les lire sans discernement. Luimême a indiqué que la « voie » décrite par sa plume réclamait une générosité initiale, une « conversion », au sens où l’entendait le P. Lallemant, qui n’est pas le fait de toutes les âmes. Il appelait le « premier pas » cette détermination au bien, ce dégagement des choses humaines qu’il reconnaissait être le propre de « peu de personnes ». Cat., t. i, IIIe part., c. viii, édit. Bouix, p. 258.

Telle quelle, la doctrine du P. Surin a exercé et exerce encore une notable influence. Bossuet et Fénelon professaient à son égard une estime égale. Elle inspire aussi directement que celle de son maître, l'école des écrivains de la Compagnie de Jésus qui se rattachent au P. Lallemant : le P. de Caussade, le P. Grou, le P. de Clorivière, au xviiie siècle, en sont tout pénétrés. L’initiative du P. Bouix pour publier un texte exact des œuvres du P. Surin montre qæ le xix c siècle ne l’a pas méconnu. L'édition de ht Guide et d’autres rééditions en témoignent également. Il serait aujourd’hui aisé de lui trouver de fervents disciples. Contentonsnous de nommer, parmi les spirituels de la Compagnie

de Jésus en notre temps, le P. Foch qui s'était assimilé la doctrine du P. Surin et ne craignait pas d’en recommander la lecture autour de lui ; cf. Plan de oie, dans Rev. d’ascét. et de myst., 1031, p. 291 et passim. On sait en quelle estime H. Bremond, Mgr Saudreau et le P. Garrigou-Lagrange tiennent ce très authentique disciple de saint Ignace de Loyola. Plusieurs tentatives ont été faites pour que le Catéchisme spirituel soit retiré de l’Index. Elles n’ont pas abouti.

La vie du P. Seurin, de la Compagnie de Jésus ou l’Homme de Dieu, composée par Henry-Marie Boudon… Chartres et se vend à Paris… 1689, est coupée de considérations diffuses ; elle se trouve résumée dans un manuscrit de Rouen publié par le P. Marcel Bouix en tête du Traité inédit de l’Amour de Dieu, 1873, et reproduite à part sous le titre : Vie du Père Jean-Joseph Surin, Paris, 1876.

Outre les ouvrages et articles mentionnés dans le corps de la notice, on consultera H. Bremond, Histoire du sentiment religieux en France, t. v, c. vi ; P. Pourrat, La spiritualité chrétienne, t. iv, p. 85-107 ; Aloys Pottier, Le P. Louis Lallemant et les grands spirituels de son temps, t. i, il et iii, voir les index ; L. Mariés, Madeleine Boinet, destinataire des lettres 110-126 du P. Surin, dans Revue d’ascétique et de mi/stique, 1926, p. 272-302 ; F. Cavallera, Lettres inédites du P. Surin à Madame de La Chèze, annonciade, dans Revue d’ascétique et de mystique, 1936, p. 291-312.

M. Olphe-Galliard.

    1. SURIUS Laurent##


SURIUS Laurent, chartreux célèbre (xvie siècle).

I. Vie.

Né à Lubeck, en 1522, de parents catholiques, il étudia les humanités à Francfort-sur-1'Oder et la philosophie à Cologne, où il fut reçu maître es arts en 1539. C’est dans cette dernière ville qu’il se lia d’amitié avec saint Pierre Canisius, alors également étudiant de l’université et qui, lui aussi, eut un moment l’idée de se faire chartreux. La vertu de Lansperge contribua beaucoup à fixer le choix de Surius pour la vie austère des chartreux. Selon le P. Hartzheim, il prit l’habit le 23 février 1540, fit sa profession le jour de saint Matthias de l’année suivante et célébra sa première messe en 1543. Sa carrière monastique eut un double but extrêmement louable : *a sanctification personnelle par l’observance de la règle et le salut des âmes par la publication de bons livres. Ainsi, il réalisa le vœu du vénérable Guignes, cinquième prieur de la Grande-Chartreuse, qui dans ses Coutumes détermine la raison pour laquelle le religieux contemplatif emploie une partie de son temps à transcrire ou à composer des ouvrages. « Quia ore, dit-il, non possumus, Dei verbum manibus prædicemus. Quot enim libros scribimus, tôt nobis veritalis pnecones facere videmur, etc. » Pendant trente-quatre ans (1544-1578), Surius ne quitta pas la plume, malgré sa santé chancelante. En 1570, ses amis désireux de le conserver s’adressèrent secrètement au pape, saint Pie V, pour lui obtenir quelques adoucissements dans l’observance de la règle, afin qu’il pût s’adonner plus librement à ses occupations littéraires. Le saint pontife, par un bref du 1 er juillet adressé au prieur de la chartreuse de Cologne, loua les études de Surius et engagea son supérieur à avoir des égards pour le maintien de sa santé. Il fut obéi et le savant écrivain aurait longtemps encore travaillé pour l'Église si la maladresse d’un médecin qui suppléait le docteur Birckmann absent ne lui eût fait prendre une potion qui augmenta son mal d’estomac et le conduisit au tombeau. Surius décéda pieusement le 23 mai 1578.

II. Œuvres. — Bien que Laurent Surius ne soit pas un auteur proprement dit, mais un traducteur, un compilateur, un réviseur et un éditeur, son œuvre cependant est gigantesque. Un homme seul et disposant de fort peu de temps libre chaque jour peut rarement livrer au public, en trente-trois ans, plus de trente-six volumes, dont la plupart in-folio, et presque tous écrits et revus avec une scrupuleuse attention. Pour