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SURIUS (LAURENT)


les Vies des saints, en particulier, Surius voulut les lire toutes, les copier, les corriger ou abréger par lui-même.

Ses publications appartiennent à l’ascétisme et à la mystique, à la prédication et à la patrologie, à l’apologétique et à l’histoire, à l’hagiographie. Ainsi, il a combattu l’hérésie directement et indirectement, en propageant la saine doctrine, en sauvegardant la piété des fidèles, en démasquant les erreurs doctrinales et historiques des novateurs et en démontrant par ses Vies des saints l’incessante fécondité de l'Église catholique.

Hagiographie.

Ce qui a procuré à Surius sa plus

grande célébrité est sans contredit son Recueil des vies des saints distribuées par mois et par jours selon l’ordre du calendrier romain. Cette œuvre a ouvert l'ère de l’hagiographie moderne. Il est vrai qu’un contemporain du savant chartreux, Louis Lipomani, évêquede Vérone, de 1551 à 1558, avait publié sept volumes de vies des saints tirées des auteurs grecs et latins, auxquels son neveu-ajouta en 1560 un huitième tome posthume que Lipomani avait préparé lui-même. Mais le recueil de Surius surpasse l'œuvre de l'évêque italien par les nombreuses vies dont il la compléta, par la distribution régulière de mois et de jours qu’il adopta, par l'élégance du style qu’il sut introduire dans celles dont la rédaction se ressentait des barbarismes de la basse latinité, et surtout par la saine critique par laquelle il sut retrancher les histoires apocryphes et les légendes suspectes. Cette revision fut applaudie par les souverains pontifes, saint Pie V et Grégoire XIII, et par les personnages les plus éminents de la fin du xvie siècle. Lorsque Bellarmin apprit que le P. Héribert Rosweyde se proposait d’imprimer une collection de vies des saints plus ample que celle de Surius, entre les autres conseils qu’il lui donnait le 7 mars 1608, il lui disait aussi : Addo eliam alia duo, unum ne forte originalibus historiis multa sinl inepla, levia, improbabilia, quæ risum potius, quam sedificationem pariant ; hœc enim causa fuit, quæ Surium. coegit multa detrahere, vel mutare. On peut encore souscrire aux louanges que lui ont données deux juges supérieurement compétents dans cette matière, les PP. Jean Bollandus et Daniel Papebrock ; cf. Acta sanctorum, præfat. generalis, c. i, § v, et Acta sanctse Rictrudis, 12 maii, Acta SS. Florentii et socior. MM., comment, præv., n. 5. De nos jours, les bollandistes ont eu plusieurs fois l’occasion de manifester leur sentiment au sujet du recueil publié par Surius. La liste de vies des saints que les bollandistes ont empruntées à la collection de Surius pour en enrichir leur entreprise est tout à son honneur.

Il n’empêche que son œuvre hagiographique a été l’objet de graves critiques, même de la part d'éminents personnages ecclésiastiques et de quelques bollandistes du xviiie siècle. Sans entreprendre un examen détaillé de tous les reproches qu’on lui a faits, à tort ou à raison, nous répondrons aux trois principales plaintes articulées contre elle. Et d’abord on s’est plaint du grand nombre de vies des saints qui manquent dans son recueil. Ce regret est fondé et Surius lui-même en a plusieurs fois convenu dans ses lettres dédicatoires. Voir par exemple la dédicace du t. n de la 2e édit. Mais, si l’on fait attention que Surius était seul à travailler, qu’il observait une rigoureuse vie claustrale et que, dans l’espace de six années, 1570-1575, il put livrer au public la première édition de son recueil, on lui accordera sans doute des éloges au lieu de blâmes. Pour faire disparaître de son recueil le plus grand nombre possible de lacunes, soit par lui-même, soit par ses amis, il fit des démarches pour avoir tant de l’Allemagne que des pays étrangers les biographies et les actes des saints encore inédits. On a des preuves de ce fait. Pour ce qui regarde l’Allemagne, Surius, dans la dédicace citée, rappelle à l’archevêque de Trêves la pro messe qu’il lui a faite de lui envoyer la vie de ses saints prédécesseurs. Dans son Apparatus sacer, au mot Sancli, le P. Possevin fait mention des démarches, hélas ! infructueuses, faites en Italie. Enfin il existe une lettre du roi du Portugal (5 août 1576) à l'évêque de Coïmbre, dans laquelle le souverain lui fait connaître le vœu exprimé par Surius d’avoir les notices authentiques des saints de son royaume et l’engage à les recueillir officiellement, à les faire copier et à les lui adresser. Le recueil fut fait la même année, mais peut-être à cause de la mort du roi Sébastien (1578), le manuscrit resta en Portugal, et plus tard fut envoyé à Rome, où le bollandiste Conrad Janning, en 1698, le trouva. Cf. Acta SS., 5 julii, Acta S. Elisabethæ régime, etc., comment. pra ; v., § 1, n. 3 sq.

La deuxième plainte faite au sujet de la collection publiée par Surius c’est que les textes hagiographiques y ont été arrangés. Ejus opus, dit Bona, gratius foret, et utilius, si velerum Scriptorum primigeniam phrasim retinuisset. Évidemment, le savant cardinal, en formulant ce vœu, se plaçait à un point de vue différent de celui qu’adoptait Surius. Celui-ci modifia le style d’un grand nombre de vies de saints pour les faire mieux servir à l'édification des lecteurs. Son but principal n'était pas de publier un recueil hagiographique à l’usage des érudits, mais de fournir aux ecclésiastiques, surtout aux prédicateurs, aux communautés religieuses et aux laïques instruits des récits vrais, intelligibles, élégants et propres à nourrir leur piété. Il ne faut pas non plus oublier que Surius vivait à l'époque où le goût des lettres latines était dans sa meilleure phase et qu’il convenait de ne pas froisser les exigences générales de ses contemporains.

On a aussi reproché à Surius d’avoir été trop crédule et même d’avoir manqué de discernement dans le choix de ses documents hagiographiques. Il est facile de répondre à cette critique. Surius, en fait d'études historiques, était à la hauteur de son temps et, selon l’appréciation des bollandistes déjà cités ci-dessus, il a trié ses vies de saints avec sagacité. On ne trouve pas, dans son recueil, il est vrai, l’application des règles de critique telles qu’elles sont employées par les érudits modernes ; mais, si l’on fait attention que l’art de juger les écrits des anciens n’a commencé que dans la seconde moitié du xviie siècle, près de cent ans après la mort de Surius, même sur ce point on devrait, ce semble, le louer d’avoir entrevu bon nombre des conclusions auxquelles le progrès des études historiques a fait aboutir les savants modernes.

La première édition de son grand recueil de Vies des saints parut avec ce titre et suivant cet ordre : De probalis sanctorum historiis, partim ex lomis Aloysii Lipomani…, partim etiam ex egregiis manuscriplis codicibus, quorum permullæ anlehac nunquam in lucem prodiere, nunc recens optima fide collectis per Fr. L. S. Carthusianum. Tomus primus complectens sanctos mensium januarii et februarii, Cologne, 1570, in-fol. Depuis cette date jusqu’en 1575, Surius fit paraître chaque année un volume embrassant deux mois réguliers. Le premier tome était dédié à saint Pie V, qui honora l’auteur d’un bref publié dans le deuxième volume, et le quatrième porte en tête une dédicace de Surius au pape Grégoire XIII, qui venait de monter sur le Siège apostolique. Chose remarquable 1 Non seulement cette édition fut écoulée avec un succès rare pour une œuvre aussi considérable, mais avant même qu’elle fût complétée par le sixième tome, déjà, à Munich, le théologien Jean de Vie en entreprit une traduction allemande en six volumes, dont le dernier fut mis en vente en 1580. En même temps, avec les témoignages d’approbation et d’encouragement, Surius reçut de plusieurs côtés des vies nouvelles en assez grand nombre pour faire un septième tome. Il se décida donc à reviser