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S Y I. [.A IUS. APRÈS LA PUBLICATION

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curer facilement, on l'éditait en France même et les journaux hostiles à la religion la citaient et la critiquaient sans être inquiétés. Pourquoi contre l'épiscopat une mesure arbitraire et tout à fait inefficace ? Mesure arbitraire, parce que les articles organiques, sur lesquels s’appuyait le gouvernement français pour interdire aux évoques l’exercice de leur droit, n’avaient aucune valeur aux yeux de l'Église ; le Saint-Siège à plusieurs reprises les avait condamnés : cf. les lettres de l'évêque d’Angers et de l’archevêque d’Auch. op. cit., p. 19, 72. Mesure inefficace, parce que les doctrines exposées par Pie IX étaient déjà contenues dans ses allocutions ou ses encycliques antérieures ; l’enseignement en était connu et accepté par tous les fidèles. Cf. la lettre de l'évêque de Nîmes, op. cit., p. 17.

Le gouvernement donnait comme prétexte à sa décision que les documents pontificaux contenaient des propositions « contraires aux principes sur lesquels reposait la constitution de l’empire ». Rien n’est plus faux, répondaient les évêques ; les actes de Pie IX soutiennent, au contraire, le pouvoir séculier, ils en montrent l’origine divine, ils en légitiment les droits et c’est pourquoi la presse anarchique met tant d’acharnement à attaquer l’encyclique. Cf. la lettre de l’archevêque de Lyon, op. cit., p. 52.

Les évêques insistaient enfin sur certaines propositions mal comprises, et particulièrement sur celles qui concernaient la liberté des cultes. Cette liberté, disaient-ils, conduirait au scepticisme, si elle était prise dans un sens absolu ; l’erreur ne peut pas avoir les mêmes droits que la vérité. Mais, ajoutaient-ils, autre chose est de prononcer un jugement théologique, autre chose d’apprécier les circonstances. Il pourrait se faire que la plus pure et la plus religieuse théorie devînt, par son application absolue, une source de troubles sociaux ou même une véritable injustice par l’atteinte qu’elle porterait aux droits acquis. Cf. les lettres des évêques de Strasbourg, de Clermont, de Marseille, de La Rochelle, op. cit., p. 88, 160, 171, 224 ; même idée dans les mandements des évêques de Blois et d’Amiens op. cit., p. 65, 183.

Non contents de protester devant leurs diocésains par leurs mandements et devant le ministre par leurs réponses à sa lettre du 1 er janvier 1865, deux évêques français, Mgr Mathieu, cardinal-archevêque de Besançon et Mgr de Dreux-Brézé, évêque de Moulins, donnèrent publiquement lecture, le 8 janvier, dans la chaire de leur cathédrale, du texte complet de l’encyclique. La riposte du gouvernement ne se fit pas attendre. Un recours comme d’abus fut formé contre eux devant le Conseil d'État, et le Moniteur du 8 février publiait leur condamnation, « considérant qu’ils avaient contrevenu à la loi du 18 germinal an X ». Cf. le texte dans J. Chantrel, op. cit., p. 322-323.

c) Intervention spéciale de Mgr Dupanloup. — Pour donner une publicité plus grande à sa réponse et en même temps pour réfuter plus sûrement les objections lancées contre l’encyclique et le Syllabus, l'évêque d’Orléans fit paraître le 26 janvier un petit opuscule intitulé : LaConvention du lô septembre et l’encyclique du S décembre. Ce livre connut un immense succès, puisque trente-quatre éditions en furent imprimées en quelques semaines. Cf. pour le commentaire, Souvelles œuvres choisies de Mgr Dupanloup, t. iv ; pour les détails sur la composition et la publication de l’ouvrage, F. Lagrange, op. ci’L, t. ii, p. 156 sq. Comme le titre l’indiquait, l'évêque étudiait successivement deux actes « destinés à exercer sur la situation présente de l'Église catholique une influence considérable ». Le 15 septembre 1864, une convention avait été signée entre Napoléon III et le roi de Piémont, Victor-Emmanuel IL La France s’engageait à retirer graduellement ses troupes des États pontifi caux, à mesure que l’armée du Saint-Père serait organisée ; l'évacuation devait néanmoins être accomplie dans un délai de deux ans. Cf. F. Mourret, op. cit., p. 475 sq. Les catholiques virent dans ce pacte l’abandon par la France de la ligne de conduite qui avait été suivie jusqu’alors ; ils dénoncèrent les ambitions du Piémont et montrèrent les dangers de la politique impériale, qui laissait le domaine temporel du souverain pontife à la merci de toutes les convoitises. La publication de l’encyclique et du Syllabus, moins de trois mois après, parut à certains la réponse du pape ; on fit de ces deux documents des écrits plus politiques que religieux et l’on s’efforça d’excuser ainsi l’interdiction de les diffuser portée par le gouvernement. Cf. sur cette question du rapport de la Convention et de l’encyclique : C. Passaglia, Sopra l’Enciclica…, Turin, 1865, Introduzione, p. 5-36, et É. Keller, L’encyclique du 8 décembre 1864 et les principes de 1789, ou l'Église, l'État et la liberté, Paris, 1865, t. i, p. 7-27. Mgr Dupanloup démasqua cette tactique ; comme citoyen il prétendit pouvoir poser des questions au sujet de la Convention ; comme évêque catholique il crut de son devoir d’expliquer l’encyclique. Cette seconde partie de la brochure, où l’auteur manie tour à tour avec la même aisance l’ironie et la logique et dans laquelle il décoche à ses adversaires les traits les plus sûrs et les plus inattendus, est assurément la plus intéressante.

L'évêque s’y plaint d’abord qu’on livre l'écrit pontifical aux commentaires de laïques incompétents, alors que les membres de l'épiscopat se voient refuser le droit légitime qu’ils revendiquent de la présenter eux-mêmes à leurs fidèles. Il n’est donc pas étonnant que les contre-sens et les « contre-bon sens » abondent dans les traductions qu’en offre la presse anticléricale. Après ces préliminaires, l’auteur entre dans le vif du sujet, en rappelant qu’il faut se référer aux documents d’où les propositions sont extraites pour savoir en quel sens elles ont été condamnées. Le pape repousse, dit-on, la liberté philosophique ; mais ce qu’il entend rejeter, c’est l’omnipotence absolue de la raison qui serait implicitement la négation de Dieu. On fait grief à Pie IX de s’opposer au progrès et à la civilisation ; mais il prend ces mots au sens où ils sont devenus « la consigne, le mot de passe des bandes révolutionnaires, l'éternel refrain des discours les plus agressifs et les plus impies ». On lui reproche de s’attaquer à la liberté des cultes ; mais c’est ici qu’il faut s’appuyer, pour comprendre ses paroles, sur la distinction de la thèse et de l’hypothèse. Pie IX donne l’idéal d’une société entièrement chrétienne, il condamne l’indifférentisme doctrinal, l'égalité en soi du vrai et du faux. Il ne blâme pas pourtant les gouvernements qui ont cru devoir, à cause de la nécessité des temps et des lieux, inscrire dans leurs constitutions la liberté des cultes ; il l’a fait lui-même à Rome. Si le pape touche à la politique, c’est pour redire les principes premiers sur lesquels doivent s'établir les États : l’inviolabilité du droit et de la justice, le respect du pouvoir ; c’est aussi pour rejeter les doctrines qui sont le grand péril des sociétés modernes : la violence brutale et la souveraineté du but. L'Église, conclut l'évêque d’Orléans, n’est inféodée par sa nature à aucune forme de gouvernement ; elle les accepte tous, pourvu qu’ils soient justes.

A peine connue, l'œuvre de Mgr Dupanloup fut critiquée par les intransigeants ; on l’accusa d’avoir « transfiguré l’encyclique, et de n’avoir pas reproduit la pensée du pape. Pourtant, quelques jours à peine après la publication du livre, le nonce félicitait l’auteur « de son magnifique travail » et lui exprimait toute sa reconnaissance pour le puissant appui qu’il apportait à la cause du Saint-Père. Pendant les semaines sui-