Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.2.djvu/705

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
2911
2912
SYLALUS. VALEURB JURIDIQUE


délire » de ceux qu’il doit combattre. Avant de les exposer l’une après l’autre, le pape résume les « opinions perverses » dont l’encyclique dresse le catalogue. Elles refusent à l’Église le pouvoir que celle-ci possède à l’égard des nations et des souverains ; elles s’efforcent de détruire l’union et la concorde mutuelle de l’Église et de l’État ; quelques-unes s’attaquent enfin à la divinité de Jésus-Christ.

2° L’athéisme dans le gouvernement et ses conséquences. — Pic fX dénonce en premier lieu « l’impie et absurde principe du naturalisme ». Il y a des hommes qui osent enseigner « que la société humaine devrait être constituée et gouvernée sans plus tenir compte de la religion que si elle n’existait pas ». Cette séparation totale des deux pouvoirs, cette méconnaissance absolue de la religion, on veut la donner comme la marque d’un gouvernement parfait, et la condition même du progrès civil. Cf. Syllabus, proposition 6, 55. Or, il n’est rien de plus contraire à la doctrine de l’Écriture, de l’Église et des Pères ; il n’est pas de principe plus funeste en lui-même et dans ses conclusions.

1. Au point de vue social.

On proclame que, dans un État bien constitué, chacun a le droit, non seulement de professer la religion qu’il lui plaît, mais « de manifester publiquement ses opinions, quelles qu’elles soient, par la parole, la presse ou autrement, sans que l’autorité ecclésiastique ou civile puisse le limiter ». Cf. Syllabus, prop. 15-19, 77-79. Cette liberté est outrancière. Pie IX, après saint Augustin, l’appelle une liberté de perdition. L’Église détient pour tous les hommes le dépôt de la vérité ; elle a reçu la charge de distribuer et de défendre cette vérité ; ceux qui lui refusent ce droit font preuve d’une intransigeance coupable et d’une vanité grosse de dangers. Rejetant l’autorité de la révélation divine, ils perdent la vraie notion de la justice ; oubliant du même coup les principes les plus certains de la saine raison, ils proclament que la réussite d’une entreprise, lui confère la valeur du droit. Cf. Syllabus, prop. 58-61. Dès lors, c’en est fait de la morale et de ses lois les plus sacrées. L’homme n’a plus d’autre but que la richesse et le bonheur d’ici-bas, d’autre loi que son propre désir, d’autres jouissances que la satisfaction de ses instincts.

2. Au point de vue plus strictement religieux.

Les hommes imbus de ces doctrines poursuivent de leur haine les ordres monastiques. Ils protestent contre le précepte de l’aumône ; ils veulent que soit aboli le repos qu’impose l’Église à certains jours fériés, sous prétexte que ces pratiques « sont en opposition avec les principes de la véritable économie publique ». Cf. à propos des religieux, Syllabus, prop. 52-53.

3. Au point de vue familial.

L’athéisme dans le gouvernement conduit à des solutions plus funestes encore. C’est de la loi civile seule, prétendent les adversaires, que découlent et dépendent tous les droits des parents. On veut donc empêcher l’Église d’intervenir dans l’instruction et l’éducation de la jeunesse ; on s’efforce d’arracher les âmes des enfants à l’influence du clergé, et l’on prépare ainsi le bouleversement total de l’ordre religieux. Cf. Syllabus, prop. 45-48.

La subordination de V Église à V État.

Le Christ

a donné à son Église la suprême autorité. Us se trompent, par conséquent, ceux qui veulent soumettre le Saint-Siège à la puissance civile, ou ceux qui n’attribuent de pouvoir à l’Église que dans l’ordre strictement spirituel.

1. Les premiers s’appuient sur le principe suivant : « La puissance ecclésiastique n’est pas, de droit divin, distincte et indépendante de la puissance civile ; cette distinction et cette indépendance ne peuvent exister sans que l’Élise envahisse et usurpe les droits essen tiels de la puissance civile. » Cf. aussi Syllabus, prop. 19. Dès lors, ils tirent de ce principe diverses conclusions que le pape énumère en une longue phrase. « Ils ne rougissent pas d’affirmer, dit-il, 1. que les lois de l’Église n’obligent pas en conscience, à moins qu’elles ne soient promulguées par le pouvoir civil ; 2. que les actes et décrets des papes relatifs à la religion et à l’Église ont besoin de la sanction et de l’approbation, ou tout au moins de l’assentiment du pouvoir civil ; 3. que les constitutions apostoliques portant condamnation des sociétés secrètes, qu’on y exige ou non le serment de garder le secret, et frappant d’anathème leurs adeptes et leurs fauteurs n’ont aucune force dans les pays où le gouvernement civil tolère ces sortes de sociétés ; 4. que l’excommunication fulminée par le concile de Trente et par les papes contre les envahisseurs et les usurpateurs des droits et des possessions de l’Église repose sur une confusion de l’ordre spirituel et de l’ordre civil et politique et n’a pour but que des intérêts temporels ; 5. que l’Église ne peut rien décréter qui puisse lier la conscience des fidèles, relativement à l’usage des biens temporels ; qu’elle n’a pas le droit de réprimer par des peines temporelles les violateurs de ses lois ; 6. qu’il est conforme aux principes de la théologie et du droit public de conférer et de maintenir au gouvernement civil la propriété des biens possédés par l’Église, par les congrégations religieuses, et par les autres lieux pies. » Plusieurs de ces erreurs sont signalées dans les documents pontificaux antérieurs et transcrites dans les propositions du Syllabus. Cf. par exemple, pour 2, prop. 20, 41 sq ; pour 5, prop. 24 ; pour 6, prop. 26, 27, 53.

2. Non seulement l’Église doit être soumise à l’État, ajoutent d’autres adversaires ; mais son pouvoir de juridiction est lui-même restreint. Lorsqu’une doctrine ne touche ni à la foi ni aux mœurs, on peut ne point l’accepter, tout en demeurant catholique. Le pape s’élève avec vigueur contre ces prétentions que le Syllabus condamne lui aussi. Cf. prop. 22.

La négation de la divinité de Jésus-Christ.

Enfin

des brochures, des journaux disséminés partout répandent toutes sortes de doctrines impies, rejettent l’autorité du Christ et nient sa divinité. Le Syllabus précise les positions de ces hommes particulièrement dangereux ; cf. prop. 7. Pie IX, dans l’encyclique, se contente de signaler, pour les combattre, ces impies « opposés à toute vérité et à toute justice ».

Conclusion.

Le pape termine l’encyclique par

une exhortation aux évêques. Qu’ils remplissent avec zèle leurs fonctions de défenseurs de la foi, qu’ils écartent les dangers et protègent leurs fidèles ; qu’ils montrent à tous les bienfaits d’une collaboration confiante entre l’Église et l’État. Au milieu des périls présents, la prière est, plus que jamais, nécessaire. Pie IX le redit de façon très pressante, il invoque d’une manière toute spéciale « l’immaculée et très sainte Mère de Dieu » et, pour augmenter la dévotion des fidèles, il accorde à tout l’univers, pour 1865, un jubilé dont il fixe les conditions.

III. Valeur juridique et dogmatique.

Dans son article sur l’autorité du Syllabus (cf. Eludes, loc. cit.), le P. Desjacques donne parfaitement le résumé de cette question, au premier abord assez complexe. Pendant que les gouvernements protestaient, dit-il, que les évêques envoyaient au pape leur soumission, que les catholiques recevaient avec respect l’enseignement du Saint-Siège, les théologiens cherchaient à mieux pénétrer la valeur du document venu de Rome. « N’était-ce qu’un index, une table des matières dispersées dans une longue suite d’actes pontificaux, un catalogue anonyme, dressé pour la commodité des évêques ? Était-ce un nouvel acte du pontife, un acte authentique ? Et, dans ce cas, pouvait-on le prendre