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    1. SYLLABUS##


SYLLABUS. VALEUR JURIDIQUE

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comme un avertissement paternel, une direction offerte plutôt qu’imposée, et dont il ne résultait aucune obligation rigoureuse, ou fallait-il y voir un acte d’autorité'? Et, si c'était un acte d’autorité, était ce une mesure disciplinaire qui pouvait cire rapportée, ou bien une décision doctrinale, un jugement irréformable, une définition ex cathedra ? » Art. cit., p. 353354.

Le problème au fond se ramène à ces deux points : quelle est la valeur juridique du Syllabus, et quelle en est la valeur dogmatique ? Si la seconde question est plus importante, la première n’est pas négligeable ; il faut d’abord s’y arrêter un instant.

I. VALEUR JURIDIQUE DU SYLLABUS.

1° Cm/ un acte du souverain pontife. — Il ne manque pas d’historiens, de théologiens même, qui ont vu dans le Syllabus un simple recueil de propositions dressé par un anonyme, « un ouvrage privé du secrétaire d'État, ou des hommes de confiance de Pie IX ». J. Schmidlin, op. cit., p. 321. La plupart de ceux qui ont soutenu cette opinion ont été surtout frappés de la forme insolite sous laquelle se présente le document pontifical. Cf. Newman, A letter… to his Grâce the duke of Norfolk, Londres. 1875, p. 78 sq : Mgr Bougaud, Le christianisme et les temps présents, Paris, 1882, t. iv, p. 482483 ; P. Viollet, L’infaillibilité du pape et le Syllabus, Paris, 1904, p. 83 (ce dernier ouvrage a été condamné par la Congrégation de l’Index, le 5 avril 1906).

Ils développent plus ou moins les raisons suivantes.

— 1. D’abord, disent-ils, ce n’est pas le pape qui l’a composé. Sans doute, à plusieurs reprises, il a chargé une commission de théologiens de recueillir les erreurs modernes ; bien plus, les propositions sont toutes tirées de ses allocutions ou de ses écrits ; cependant, il n’est pas personnellement l’auteur du catalogue ; en a-t-il vraiment pris la responsabilité? — 2. D’autre part, si nous étions vraiment en face d’un acte pontifical, nous y lirions assurément les formules du début ou de la fin, qui d’habitude font reconnaître de tels écrits. Le pape l’eût signé ; or, il ne l’a point fait et la chose est d’autant plus étrange que l’encyclique Quanta cura, publiée en même temps que le Syllabus, porte la signature du souverain pontife. Pourquoi cette différence, si les deux documents sont strictement de même nature ?

— 3. Il n’est pas jusqu’au mode de publication qui ne semble à quelques-uns devoir retenir l’attention. La publication ordinaire des actes officiels du Saint-Siège est l’affichage aux portes des églises de Rome ; or, le Syllabus fut simplement envoyé aux évêques. Sans déduire de ce fait que le recueil n’a aucune application pratique, faute d’une promulgation canonique régulière (cf. É. Ollivier, dans le Correspondant du 25 mars 1905, p. 1077), ne peut-on pas conclure de ce dernier argument, dont le poids s’ajoute aux précédents, qu’il n’est pas, en soi et absolument parlant, un acte du pape ?

Ces différentes raisons ne semblent pas convaincantes. — 1. Qu’on relise, en effet, la lettre du cardinal Antonelli annonçant aux évêques l’envoi du Syllabus, ci-dessus, col. 2882. Il déclare en propres termes que la rédaction en a été faite sur « le commandement exprès du souverain pontife, qu’il ne fait, lui-même, qu’exécuter les ordres qu’il a reçus et qu’il n’agit en somme dans toute cette ailaire qu’au nom de Pie IX. Il apparaît donc nettement que le Syllabus n’est pas l'œuvre d’un théologien privé ou d’un simple canoniste, mais celle du pape, qui l’a fait rédiger, qui l’a approuvé, qui en est responsable. La façon dont Pie IX en parle ensuite le montre, du reste, excellemment. S’adressant aux évêques, le 17 juin 1807, il met sur le même plan l’encyclique et le Syllabus, leur disant : Encyclicam « Quanta cura « neenon et Syllabum coram vobis nunc confirma. Acta S. Sedis, t. iv, p. 635. Il

répète souvent : Syllabus nosler, Syllabus quem edi jussimus…, nostro jussu editus…Cî. L. Choupin, op. cit., p. 122, citant Hinaldi, op. cit., p. 133. — 2. Le Syllabus n’est pas signé? Qu’importe. A vrai dire, il ne requiert pas de signature, à cause de la forme particulière qu’il revêt. Il suffit qu’on puisse être assuré qu’il émane du souverain pontife lui-même et la lettre du cardinal Antonelli l’affirme d’une manière authentique. — 3. Est-il sûr que le Syllabus n’ait pas été promulgué selon les règles en usage ? Les évêques, en écrivant à leur clergé ou à leurs fidèles, disent bien plutôt le contraire. L'évêque de Séez, par exemple, déclare que les deux documents pontificaux ont été publiés à Rome « dans les formes accoutumées ». La même idée est exprimée presque dans les mêmes termes par les évêques de Meaux et de Beauvais. Cf. L’encyclique et les évêques de France, p. 37, 124. Du reste, à défaut de l’affichage, le pape est libre de choisir tel autre mode de publication qu’il lui plaît et la notification qu’il en a faite à l'épiscopat catholique donne assurément au recueil des propositions une promulgation officielle suffisante. C’est un point sur lequel il n’y a eu aucun doute sérieux.

C’est un acte qui a sa valeur propre.

La question

est plus délicate. Le Syllabus est composé de quatrevingts propositions, qui signalent des erreurs déjà mentionnées ou condamnées dans des documents antérieurs. On peut donc concevoir sa valeur de deux façons diamétralement opposées. Ou bien on dira que le Syllabus est un acte qui a une autorité propre, distincte de l’autorité des documents d’où les propositions ont été extraites ; ou bien on verra dans ce recueil un simple catalogue, on ne voudra pas y chercher une condamnation nouvelle des erreurs et l’on placera sa valeur tout entière dans les actes pontificaux auxquels il renvoie.

Il semble que la première conception soit la vraie. Franzelin l’expose avec clarté dans une lettre à un professeur de théologie. Cf. Études, juillet 1889, p. 364, note ; cf. aussi Verdereau, Exposition historique des propositions du Syllabus, Paris, 1887, p. 26-33 ; H. Dumas, dans Études, mai 1875, p. 743. Cette opinion s’appuie sur l’intention du pape, telle qu’elle est clairement manifestée, sur le rapport du Syllabus avec les documents antérieurs et sur le sentiment de nombreux évêques ou prélats lors de son apparition.

1. Pendant dix-huit ans, Pie IX, dans un certain nombre d’encycliques, d’allocutions consistoriales ou de lettres apostoliques, avait rejeté, au fur et à mesure que les circonstances l’exigeaient, les erreurs les plus diverses. Bien qu’il ne s’adressât chaque fois qu'à un seul destinataire ou à un groupe restreint d’auditeurs, il pouvait, sans doute, vouloir s’adresser par ce moyen à l'Église tout entière. Pour que ces actes pontificaux devinssent publics et authentiques, il n'était pas besoin d’une promulgation plus solennelle. Toutefois si le pape a pris soin lui-même de faire grouper des propositions en un ensemble ordonné, s’il a fait notifier officiellement le nouveau recueil à tous les évêques du monde catholique, c’est qu’il entendait donner à son enseignement une autorité plus grande et une portée plus universelle.

2. L’exposé que nous avons fait du texte du Syllabus a montré le rapport intime qui existe entre les diverses propositions et les documents d’où elles son.t tirées. Il est nécessaire évidemment, pour bien comprendre chacune d’elles, de se référer aux actes qui la contiennent. Mais le Syllabus ne répète pas dans tous les cas une doctrine absolument claire ; souvent il la précise, parfois il la dégage du texte. L’exemple le plus typique est peut-être la proposition 77. l’ie IX, dans une allocution COnsistoriale prononcée le 26 juillet 1855, s'était plaint « le la félonie du gouvernement espagnol, qui